CLARIS Jean-Max [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche

Né le 14 décembre 1925 au Vésinet (Seine-et-Oise), mort le 4 mai 2017 à Paris (Ve arr.) ; reporter-photographe, chaudronnier, correcteur puis chercheur ; communiste libertaire, collaborateur de Noir et Rouge.

Jean-Max Claris (1950)
Jean-Max Claris (1950)
Archivio Famiglia Berneri

Fils de Régis Claris, employé, et de Mireille Rougier, employée, Jean-Max Claris était, dans la France occupée de 1942, un lycéen passionné de jazz, proche du surréalisme, trompettiste en herbe, et qui préparait les Beaux-Arts. Suite à une altercation avec un étudiant italien d’extrême droite, il fut contacté par une étudiante membre du mouvement de résistance Défense de la France. Un mois plus tard il intégrait le mouvement et commençait à distribuer le bulletin, soit lors d’actions de nuit, dans les boîtes aux lettres, soit en les déposant sur les banquettes des trains de banlieue. Durant l’opération de grande ampleur du 14 juillet 1943, où 500 000 exemplaires de Défense de la France furent imprimés, il participa à une distribution sauvage dans le métro, en plein jour. À l’époque Jean-Max Claris n’était « pas politisé, mais pas patriote ».

Bientôt, il fut initié et devint assez doué pour la fabrication de faux papiers (dispenses de STO, cartes d’alimentation, etc.). Par chance, il échappa à deux arrestations, dont la souricière du 20 juillet 1943 rue Bonaparte, à Paris, qui vit l’arrestation d’une quinzaine de ses camarades, dont Geneviève de Gaulle.

Le 7 juin 1944 il reçut la consigne de rejoindre le maquis de Seine-et-Oise nord. Au bout de plusieurs semaines il reçut une permission de deux jours. Lorsqu’il revint, le maquis avait été liquidé par la Wehrmacht. Il fut alors recruté par le service du bureau central de renseignement et d’action (BCRA) où il termina avec le grade de sous-lieutenant. Dans les semaines précédant la libération de Paris, la résistance entreprit l’enlèvement ciblé d’un certain nombre de collaborateurs qui furent enfermés dans une maison du Vésinet transformée en prison clandestine, dont Jean-Max Claris eut la responsabilité. Sans le savoir, il avait alors dans son équipe deux militants anarchistes italiens dont un, Nicolas Brigatto, qu’il retrouverait quelques années plus tard à la Fédération anarchiste.

Après la libération de Paris, Jean-Max Claris déserta du BCRA, ne pouvant tolérer que les gens du service Action torturent des prisonniers. En mars 1945, pour « finir la guerre » — et pour éviter d’être condamné comme déserteur — il s’engagea dans l’armée française... et se retrouva bientôt « désigné volontaire » au Maroc, à l’entraînement avec le corps expéditionnaire pour l’Extrême-Orient. La vue de la société coloniale au Maroc accéléra chez lui la maturation politique. Malade du fait des conditions sanitaires désastreuses, il se fit réformer et réussit à rentrer en France en octobre 1945. De retour au Vésinet chez ses parents, il dut rester alité plusieurs mois pour soigner sa santé défaillante. Pour le distraire, sa sœur lui apporta un jour un journal un peu atypique : Le Libertaire. Jean-Max fut frappé de constater à quel point ses idées étaient celles qu’il retrouvait dans ces pages. Courant 1946, il adhéra à la FA et milita au groupe de Bougival.

En 1949, il rejoignit le groupe Sacco et Vanzetti (Paris 5e-6e) où il milita avec Jean Sauvy, Léo Émery, Serge Ninn et Giliane Berneri, se classant résolument dans la tendance communiste libertaire de la FA. Uni en 1949 à Pascale Soupault, il eut avec elle une fille en 1954.

Il était alors photojournaliste pigiste depuis deux ans. En 1950 il arrêta ce métier par lassitude et refusa un emploi chez Paris Match pour entamer une formation à Ivry-sur-Seine comme chaudronnier, avec un jeune camarade espagnol, Castelli.

Il travailla ensuite dans différentes usines de Région parisienne. Lors de l’incarcération du leader communiste Jacques Duclos en juin 1952, il contesta, au nom de l’indépendance syndicale, l’appel à la grève de la CGT, et faillit alors se faire passer à tabac par les militants communistes de l’usine.

De mars 1951 à juillet 1952, Jean-Max Claris tint dans le Libertaire la rubrique « le combat ouvrier » en page 2, qui était une recension des conflits et grèves diverses dans tout le pays. Il était parallèlement membre de la commission internationale de la FA. Il signait par ailleurs des articles dans le Libertaire sous le nom de Schumack.

En 1953, il devint correcteur d’imprimerie. En 1954, ayant quitté Paris, il militait désormais au groupe de Saint-Germain-en-Laye, et vendait chaque dimanche sur le marché le Libertaire et Tribune ouvrière, que lui passait un ex-camarade de la FA, militant chez Renault, Gil Devillard.

Après la transformation de la FA en Fédération communiste libertaire (FCL), le groupe Kronstadt (ex-Sacco et Vanzetti) entra en dissidence. En août 1954, il publia un mémorandum dénonçant les méthodes de la fraction nommée Organisation Pensée Bataille, qui dirigeait de fait la FCL. Le groupe de Saint-Germain-en-Laye se solidarisa alors avec le groupe Kronstadt. Selon Jean-Max Claris, le week-end du 30, 31 octobre et 1er novembre 1954, plusieurs groupes de la FCL, dont Kronstadt, Saint-Germain-en-Laye et Mâcon, se réunissaient à Mâcon pour former une liaison, les Groupes anarchistes d’action révolutionnaire (GAAR).

Les GAAR s’autonomisèrent rapidement de la FCL pour devenir une organisation indépendante. Kronstadt fut exclu de la FCL par l’union de la Région parisienne en mars 1955. Saint-Germain-en-Laye démissionna peu après. Grenoble et Mâcon démissionnèrent en décembre 1955. Les GAAR, devenus une organisation à part entière lancèrent alors un journal, Noir et Rouge, dont le premier numéro sortit en mars 1956. Les premières années, la revue fut ronéotée dans la cave de Jean-Max Claris, au Vésinet.

En 1958, Jean-Max Claris fut, avec Christian Lagant, délégué des GAAR au congrès anarchiste international de Londres, du 25 juillet au 1er août 1958, où fut créée la Commission internationale anarchiste, qui eut peu d’activités.

La guerre d’Algérie était alors un des axes principaux d’activité des GAAR, qui manifestèrent contre l’arrivée de De Gaulle au pouvoir en 1958. Le 17 octobre 1961, Jean-Max Claris participa à la journée de manifestation où plusieurs centaines d’Algériens furent assassinés. Il n’en vit cependant rien, et devait apprendre la nouvelle que plusieurs jours plus tard, à New York.

En effet, d’octobre 1961 à 1965, il fut embauché comme correcteur aux Nations unies. Il milita alors à la Ligue libertaire des Etats-Unis, animée par Sam Weiner (connu sous le nom de Sam Dolgoff, un ancien des Industrial Workers of the World de Chicago) et Russel Blackwell. Ce dernier avait appris le français en prison, au Havre, où il avait été intercepté alors qu’il cherchait à rejoindre les champs de bataille d’Espagne. Cartographe aux Nations unies sous le nom de Winslow (il était recherché par le FBI depuis la guerre d’Espagne), il travaillait, par coïncidence, au même étage que Jean-Max Claris.

La Libertarian League, qui publiait la revue Views and Comments, était principalement active dans les luttes antiracistes et, parallèlement à la Ligue, Jean-Max Claris milita au Congress of Racial Equality (CORE).

Après son retour en France en 1965, les GAAR avaient disparu, mais Noir et Rouge s’était maintenu, et Jean-Max Claris y reprit du service. Il y découvrit un nouveau venu : Daniel Cohn-Bendit, étudiant à Nanterre.

Pendant dix ans, Claris devait travailler comme chercheur en linguistique transformationnelle, pour le compte de Zellig Harris qu’il avait connu à New York. Durant toute cette période, il fut salarié par l’université de Pennsylvanie.

Séparé de Pascale en 1966, il s’installa en 1967 dans le quartier latin avec sa nouvelle compagne. Autant dire qu’il fut au cœur des événements en Mai 68, prenant part aux affrontements de la rue Gay-Lussac, se déplaçant de fac en fac pour réparer les ronéotypeuses tombées en panne, animant un groupe de discussion à la gare Saint-Lazare. Régulièrement, il retrouvait Daniel Cohn-Bendit et les militants de Noir et Rouge dans un café du Châtelet pour faire le point sur la situation.

En juin 1968, le retour de l’essence et les départs en vacances signèrent la fin des « événements ». Jean-Max resta à Paris pour travailler, avec ses camarades, à La Grève généralisée en France, coéditée par Noir et Rouge et Informations Correspondance ouvrière.

Dans les mois qui suivirent, selon Jean-Max Claris, Noir et Rouge supporta mal l’afflux de militantes et de militants que la célébrité de Daniel Cohn-Bendit avait attiré dans ce qui était avant tout une revue sans prétentions organisationnelles. Fortement déstabilisée, l’équipe préféra cesser la publication, dans le courant de 1970.

Jean-Max Claris cessa, dès lors, tout militantisme organisé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154752, notice CLARIS Jean-Max [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 9 mars 2014, dernière modification le 5 novembre 2022.

Par Guillaume Davranche

Jean-Max Claris (1950)
Jean-Max Claris (1950)
Archivio Famiglia Berneri

SOURCES : Témoignage de Jean-Max Claris recueilli en 2006 — Georges Fontenis, Changer le monde, Histoire du mouvement communiste libertaire 1945-1997, éd. Alternative libertaire, 2008 — Roland Biard, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Galilée, 1976.

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