DAUDET Philippe [Dictionnaire des anarchistes]

Par Anne Steiner

Né le 7 janvier 1909, mort le 24 novembre 1923 à Paris.

Philippe Daudet est le petit fils d’Alphonse Daudet et le fils de Léon Daudet, militant de l’Action française et polémiste de talent. Ce fut un adolescent tourmenté et précoce qui fit plusieurs fugues entre l’âge de 12 et 14 ans.Le 20 novembre, il quitta le domicile de ses parents et partit pour Le Havre avec l’intention de gagner le Canada mais la somme qu’il avait dérobée à ses parents ne pouvant suffir à payer la traversée, il renonça à son projet et rentra à Paris.

Le 22 novembre 1923, il se rendit au siège du Libertaire où il fut accueilli par Georges Vidal*, administrateur du journal. Il lui confia son intention de commettre un assassinat politique et lui demanda une arme. Son interlocuteur passa la soirée avec lui, le fit héberger par un camarade, et tenta de le dissuader de mettre à exécution son projet. Il s’adressa alors le 24 novembre à Le Flaoutter*, un libraire libertaire tenant boutique au 46 boulevard Beaumarchais. Ce dernier lui remit une arme mais avertit un responsable policier de haut rang, avec lequel il était en contact, des projets du jeune homme. Une dizaine de policiers menés par le commissaire Colombo furent dépêchés sur les lieux mais ils ne procédèrent pas à l’arrestation immédiate de Philippe Daudet. Peu après son départ de la librairie, celui-ci fut découvert blessé à la tête par balle et agonisant par le chauffeur de taxi qui l’avait pris en charge depuis la place de la Bastille.

Transféré à l’hôpital Lariboisière, il expira deux heures plus tard. Le médecin légiste conclut au suicide, version acceptée par la famille dans un premier temps. Mais le 1er décembre 1923, Georges Vidal publia dans Le Libertaire la lettre que le jeune Philippe avait adressée à sa mère la veille de sa mort et qu’il lui avait confiée. Il y affirmait qu’il était anarchiste et qu’il voulait faire son devoir d’anarchiste. Le 4 septembre, Vidal affirmait dans les colonnes du journal que Philippe aurait admiré et même aimé Germaine Berton*, alors en attente de jugement pour avoir assassiné Marius Plateau, secrétaire général de l’Action Française le 22 janvier 1923.

Après ces révélations, Léon Daudet fut persuadé que son fils avait été victime d’un guet-apens, qu’il avait été blessé par la police dans la maison de Le Flaoutter et transporté déjà mourant dans le taxi. Le chauffeur aurait feint de le découvrir quelques centaines de mètres plus loin. Il porta plainte d’abord contre X, puis contre Le Flaouter et contre plusieurs responsables policiers. La cour rendit une ordonnance de non-lieu le 30 juillet 1925, les experts médicaux ayant tous conclu à la mort par suicide.

Léon Daudet continuant à répandre rumeurs et accusations dans ses articles de l’Action Française, le chauffeur de taxi Bajot porta plainte contre lui pour diffamation. Il gagna son procès et Léon Daudet fut condamné à cinq mois de prison et 1500 francs d’amende. Incarcéré à la prison de La Santé le 13 juin 1927, il fut libéré grâce aux camelots du roi qui parvinrent à faire croire au directeur de la Santé qu’ordre avait été donné de le libérer discrètement. Il se réfugia en Belgique et fut gracié le 30 décembre 1929.

L’affaire fit couler beaucoup d’encre, partisans et adversaires de la thèse de l’assassinat ou du suicide s’affrontant par organes de presse interposés. Le Libertaire, qui vit ses ventes augmenter prodigieusement, devint quotidien pour quelques mois. Deux des rédacteurs restèrent persuadés que Philippe Daudet avait été assassiné par la police : André Colomer*, qui avait témoigné au procès et accusé Le Flaoutter d’être un indicateur de police et Georges Vidal. Ils quittèrent peu de temps après le journal.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154758, notice DAUDET Philippe [Dictionnaire des anarchistes] par Anne Steiner, version mise en ligne le 1er avril 2014, dernière modification le 13 juillet 2021.

Par Anne Steiner

SOURCES : Eugen Weber, L’Action française, Stock 1964 ; Pierre-Alexandre Bourson, Le grand secret de Germaine Berton, Publibook, 2008.

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