Par Jean Maitron, notice revue par Guillaume Davranche
Né le 24 juin 1880 à Épinal (Vosges), mort le 25 décembre 1941 ; comptable puis typographe, puis correcteur au BIT à Genève ; anarchiste et antimilitariste.
Durupt, d’abord membre du Cercle catholique d’Épinal, quitta en 1900 le domicile paternel et fréquenta les milieux libertaires. Il se présentait alors comme un jeune homme au visage maigre et pâle. Affligé d’une forte claudication de la jambe gauche — n’était-il pas amputé ? — il s’aidait d’un bâton pour marcher. Il fut exempté du service militaire.
En 1902, Durupt habitait à Deyvillers près d’Épinal et fréquentait assidûment l’anarchiste Victor Loquier, coiffeur à Épinal. Le 30 mars de cette même année, à l’issue d’un dîner chez Loquier, il fut arrêté par la police pour avoir mutilé des statues de saints sur une église de la ville. Le 18 avril, il fut condamné, par le tribunal correctionnel, à trois mois de prison et 100 francs d’amende pour « dégradation d’objets d’utilité publique ». Il fut libéré le 30 juin.
Dès cette époque, Durupt collaborait aux Temps nouveaux. Partisan de l’action violente, possédant des talents d’orateur, il prenait souvent la parole au cours de réunions anarchistes. Il collaborait également au Libertaire.
S’étant installé à Paris, Durupt collabora au Libertaire, à La Guerre sociale et à l’organe anarchiste de Limoges, Le Combat social. Il tenta, au printemps 1908, de relancer l’Association internationale antimilitariste (AIA) qui s’était désagrégée. Il fit partie du groupe réorganisateur avec Laussinotte*, Lucien Belin*, Gaston Delpech* et Henriette Roussel* et fut élu secrétaire de l’AIA.
Arrêté au cours des affrontements de Villeneuve-Saint-Georges pour « provocation de militaires à la désobéissance », Durupt fut condamné, le 8 août 1908, à trois ans de prison et 100 francs d’amende. À son procès, le chroniqueur judiciaire de L’Humanité Jules Uhry en fit le portrait suivant : « sa physionomie est plutôt celle d’un esthète, d’un artiste. Il a les cheveux rejetés en arrière et la barbiche en pointe. Atteint d’une infirmité, Durupt boîte et est obligé de rester assis ». Durupt fut libéré en juin 1909.
Rapidement, Durupt intégra le comité fédéral de la Fédération révolutionnaire (FR), constitué en avril 1909 par plusieurs sections de l’AIA, et dont Lucien Belin* était le secrétaire. La FR, qui regroupait la mouvance « anarcho-hervéiste », fut un échec.
Ayant fait la connaissance d’Henry Combes il lança avec lui, en septembre, le groupe Les Révoltés qui tenta de publier un journal du même nom (2 numéros seulement, en septembre et en novembre). Il collabora dans le même temps à L’Insurgé, organe anarchiste de Limoges. Georges Durupt habitait alors au 16, rue Sainte-Marie, à Paris 18e.
Au printemps 1910, Georges Durupt fut membre du Comité révolutionnaire antiparlementaire (voir Grandjouan) et participa à sa campagne.
À l’issue de la campagne, Durupt et quelques autres créèrent l’Alliance communiste-anarchiste, dont la naissance fut rendue publique dans Le Libertaire du 22 mai 1910. L’Alliance fut ensuite un des éléments fondateurs de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC), en novembre 1910.
En septembre 1910, Durupt participa à la réorganisation du Libertaire (voir Pierre Martin). Cependant il en fut mis à l’écart dès novembre pour avoir pris des libertés coupables avec le titre. À l’occasion de la grève des cheminots d’octobre, Henry Combes, René Dolié* et Georges Durupt avaient en effet fait imprimer, sans prévenir le reste de la rédaction, une édition spéciale du Libertaire, encourageant les tentatives d’attentats (« Gare à la bombe »). Suite à cette édition, les locaux du Libertaire avaient été perquisitionnés par la police, et 3 militants arrêtés.
En novembre, il fonda, avec Henry Combes, le Groupe anarchiste de Montmartre et participa au lancement de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC). Il prit la parole dans son tout premier meeting, le 26 novembre 1910 à la Maison commune de Paris 3e, aux côtés de Combes et d’Henri Cachet*. À la même époque, avec Combes et Dolié, il chercha, sans succès, à lancer un nouvel organe anarchiste communiste.
En octobre 1911, il fut un des fondateurs du Club anarchiste communiste (voir Albert Goldschild) qui s’affilia à la FRC, et fut gérant du périodique que ce groupe lança en août 1912, Le Mouvement anarchiste.
De mars à mai 1912, Durupt appartint au Comité antiparlementaire révolutionnaire — impulsé par la FRC — qui mena une campagne abstentionniste à l’occasion des élections municipales de mai (voir Henry Combes).
Le 23 novembre 1912, il remplaça, dans un meeting à Pontoise, son camarade Boudot*, alors en fuite en Belgique.
Il partit ensuite habiter Épinal où il travailla comme typographe à l’Imprimerie nouvelle, rue des Minimes. Il collabora à La Vrille, journal de Loquier, et il en fut un des principaux rédacteurs.
En décembre, Durupt fut poursuivi pour l’article « Les anarchistes et la guerre », paru dans Le Mouvement anarchiste, et il se réfugia en Suisse. Il fut condamné par défaut le 17 février 1913, par la 9e Chambre correctionnelle de la Seine, à cinq ans de prison et 3 000 francs d’amende pour « provocation au meurtre et à l’incendie ». À Genève, il fit sans doute partie du groupe du Réveil anarchiste.
De 1915 à 1919, Durupt collabora au bimensuel La Libre Fédération, paraissant à Lausanne, qui se montrait favorable à la cause des Alliés. En mai 1916, il contresigna le Manifeste des seize (voir Jean Grave) lors de sa seconde publication dans le Bulletin des Temps nouveaux n°1. Cela lui valut d’être traité, ainsi que Pierrot, Malato, Paul Reclus, d’« anarchiste guerrier » par Le Libertaire du 21 janvier 1921.
Le 19 octobre 1920, Georges Durupt entra au Bureau international du travail comme correcteur et fut titularisé dans ses fonctions le 1er janvier 1922. La même année, il fut radié du Carnet B de la Seine au motif qu’il ne faisait « plus l’objet d’aucune remarque au point de vue national ».
Dans les années 1920, Durupt justifia son attitude durant la Première Guerre mondiale en estimant que « l’anarchisme doctrinal et dogmatique s’est vu bouleversé par les événements » (Plus Loin, 15 février 1926). Pour lui seule subsistait intacte « la morale de l’entraide ». Quatre ans plus tard, il écrivait encore (Plus Loin, février 1930) : « Ne rusons plus : nous sommes des démocrates et des républicains. » Il ne condamnait plus alors le bulletin de vote et il estimait qu’« il y a État et État comme il y a fagots et fagots ». Il continuait néanmoins à se considérer comme anarchiste. Il assista au congrès de 1936 de l’Union anarchiste.
Par Jean Maitron, notice revue par Guillaume Davranche
ŒUVRE : Les travailleurs et la Patrie, publié par le Groupe du Réveil communiste anarchiste de Genève, 1913 (sous les initiales G.D.).
SOURCES : Arch. Nat. F7/13053. — Arch PPo BA/1654, 1513, 1514 et 882 — AD du Cher, 25 M 139, État vert n° 4. — AD des Vosges, 8 M 33.42.95. — L’Humanité des 7 et 8 août 1908. — Le Libertaire de l’année 1910. — Le Bulletin des Temps nouveaux, n°1, mai 1916. — Plus loin du 15 février 1926. — Bureau international du travail, département du personnel. — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014 — Notes de Laurent Gallet et de Marianne Enckell.