FERRER Francisco [Francisco Ferrer Guardia, dit] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Marianne Enckell

Né le 10 janvier 1859, à Alella, près de Barcelone, mort fusillé le 13 octobre 1909 ; pédagogue anarchiste.

Francisco Ferrer
Francisco Ferrer
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Francisco Ferrer était le treizième enfant de cultivateurs catholiques aisés. Il fut placé à 14 ans chez un minotier barcelonais dont les opinions républicaines l’influencèrent. Il commença alors à fréquenter les milieux socialistes et anarchistes. En 1879, il entra comme contrôleur à la Compagnie des chemins de fer. En 1884, il adhéra à la franc-maçonnerie. Deux ans plus tard, il prit part à une tentative insurrectionnelle puis se réfugia à Paris. Il était marié et avait des enfants ; le couple se sépara en 1893.

En 1890, Ferrer militait à la Libre Pensée. Il se lia d’amitié avec Malato, Jean Grave et Sébastien Faure. « C’était un homme doux, tranquille et simple », écrivit Grave, plutôt avare de compliments.

En 1895, il donna des cours d’espagnol et publia un manuel, L’Espagnol pratique, qui servit de modèle à diverses méthodes d’enseignement des langues vivantes.

A l’été 1896, il participa à l’opération anarcho-allemaniste au congrès socialiste international de Londres (voir Fernand Pelloutier), nanti d’un mandat du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR).

Il fit la connaissance de Paul Robin et fut enthousiasmé par sa conception de l’éducation intégrale.

En 1901, nanti d’un important héritage que lui avait légué Ernestine Meunier, une de ses anciennes élèves, il retourna à Barcelone pour y fonder une école primaire moderne. Ce pays comptait alors un nombre impressionnant d’illettrés, et l’Église catholique avait longtemps conservé le monopole de l’enseignement. L’École moderne ouvrit ses portes le 8 octobre 1901. Elle accueillit 30 élèves : 12 filles et 18 garçons. Il y en eut 86 en janvier suivant. L’école demandait aux familles une contribution financière proportionnelle à leurs ressources, même symbolique.

L’École moderne fut mixte, comme l’orphelinat de Cempuis et La Ruche de Sébastien Faure. C’était une innovation audacieuse dans ce pays. Elle fut aussi laïque. Ferrer évita cependant d’utiliser cet adjectif pour ne pas entrer en conflit avec les autorités ecclésiastiques. Il prônait une éducation rationnelle, voire rationaliste, et on lui a parfois reproché de faire une part trop grande à la science.

De 1901 à 1906, le Boletín de la Escuela moderna eut 62 numéros. Ferrer fonda également une maison d’édition qui publia manuels scolaires, livres pour enfants et ouvrages scientifiques. Un manuel de lecture tiré à 10.000 exemplaires fut rapidement épuisé. Les Aventures de Nono, de Jean Grave, eurent deux éditions. Au total, l’École moderne édita une trentaine d’ouvrages. Elle mit aussi ses locaux et sa bibliothèque à la disposition des syndicats ouvriers. Elle devint bientôt un foyer d’opposition et le symbole de la subversion. A ce titre, elle ne tarda pas à inquiéter les autorités civiles et religieuses.

Le 31 mai 1906, une bombe jetée sur la voiture royale lors du mariage d’Alphonse XIII, à Madrid manqua son but mais fit de nombreuses victimes. L’auteur de l’attentat, Mateo Morral, avait été bibliothécaire à l’École moderne. Il n’en fallut pas plus pour arrêter Ferrer, l’accuser d’être l’instigateur et fermer son établissement. En dépit de nombreuses protestations, il resta emprisonné plus d’un an. Le mouvement ouvrier et anticlérical mena une vigoureuse campagne pour sa libération, relayée en France grâce à l’activité notamment de Charles Malato. Finalement, Ferrer fut acquitté le 10 juin 1907, mais l’École moderne n’obtint pas l’autorisation de rouvrir ses portes.

Francisco Ferrer retourna alors à Paris. Secondé par Charles-Ange Laisant, soutenu par Faure et Malato, il fonda en avril 1908 la Ligue internationale pour l’éducation rationnelle de l’enfance. Elle acquit rapidement une grande audience dans les milieux progressistes européens et l’adhésion de personnalités : Aristide Briand, Anatole France, Pierre Kropotkine, Paul Robin, Henri Roorda*. Son organe, L’École rénovée, parut d’avril 1908 à juillet 1909 et compta 900 abonnés.

En juillet 1909, Ferrer était de passage à Barcelone lorsque éclata la grève générale contre l’intervention militaire au Maroc, qui se transforma en insurrection contre la monarchie, bientôt matée par l’armée. Rendu responsable des événements de la « Semaine tragique », il fut arrêté le 1er septembre 1909 et jugé le 9 octobre par un tribunal militaire qui le condamna à mort. Le 13 octobre, il fut fusillé à Montjuich, malgré les protestations qui affluèrent du monde entier. Des manifestations parfois violentes et des grèves témoignèrent de la sympathie du monde ouvrier pour Ferrer. En France, la campagne pour sa libération avait été menée par un Comité Ferrer fondé par Charles-Albert, Charles-Ange Laisant et Alfred Naquet.

Les Écoles modernes essaimèrent jusqu’en Amérique du Nord et du Sud. Des monuments et des plaques rappellent Ferrer dans plusieurs pays et de nombreuses rues en Europe portèrent son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154774, notice FERRER Francisco [Francisco Ferrer Guardia, dit] [Dictionnaire des anarchistes] par Marianne Enckell, version mise en ligne le 18 mars 2014, dernière modification le 17 mai 2021.

Par Marianne Enckell

Francisco Ferrer
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Projet de plaque à Francisco Ferrer
Projet de plaque à Francisco Ferrer

ŒUVRE en français : L’école moderne : Explication posthume et finalité de l’enseignement rationnel, Bruxelles 2009 et Lyon 2013 (autre traduction). — Francisco Ferrer anarchiste [recueil d’articles parus dans La Huelga General, puis dans Le Réveil de Genève], La Brochure mensuelle, n° 12, Paris, 1934.

SOURCES en français : Roland Lewin, Sébastien Faure et La Ruche, Yvan Davy éditeur, 1989 — Sol Ferrer, La Vie et l’œuvre de Francisco Ferrer : un martyr au XXe siècle, thèse d’Université, Paris 1962 ; — Sylvain Wagnon, Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, Lyon, ACL, 2013 — Anne Steiner, Le goût de l’émeute : Manifestations et violences de rue dans Paris et sa banlieue à la "Belle époque", Paris, 2012 — notes de Guillaume Davranche.

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