Par David Berry, Guillaume Davranche
Né le 27 avril 1920 à Paris (XIVe arr.), mort le 9 août 2010 à Tours (Indre-et-Loire) ; instituteur, puis professeur à l’École normale d’instituteurs de Tours ; syndicaliste et communiste libertaire. Une des principales figures anarchistes des années 1940-1950.
Georges Fontenis fut, dans les années 1940-1950, un des principaux animateurs en France de la jeune génération communiste libertaire. Figure majeure de l’anarchisme français, il voulut le transformer en profondeur et fut, pour cela, vivement décrié par certains et considéré par d’autres, en France et ailleurs, comme une référence. Dans Alternative libertaire de septembre 2010, Patrice Spadoni rapporta sur lui ces quelques souvenirs : « Son âpreté dans les débats était la marque d’une personnalité remarquable, intransigeante. Il n’était jamais prêt à faire des compromis sur ce qui lui semblait essentiel. [...] Il aimait s’opposer à toutes les idées reçues, même celles de l’extrême gauche. Il adorait provoquer les indignations vertueuses de certains d’entre nous (et pas seulement des anarchistes “vaseux”), et il le faisait avec une jubilation malicieuse tout à fait réjouissante. Si bien que ce qui revient en premier en mémoire en pensant à ces trois décennies de combats communs, c’est son sourire caustique mais bienveillant. Son intelligence constructive. Sa patience, quand nous étions moins réalistes que lui. »
Né dans une modeste famille ouvrière, Georges Fontenis passa son enfance en banlieue parisienne, et à partir de 1933 à Noisy-le-Sec. Il lisait les journaux syndicalistes et socialistes (de tendance pivertiste) de son père, aussi bien que la revue communiste Regards et les journaux libertaires, trotskistes et pacifistes (Le Libertaire, La Vérité, La Patrie humaine...). À l’époque du Front populaire, il fut déçu par le tournant patriotique du PCF et par sa trahison de l’Espagne révolutionnaire ; dans le même temps, il critiqua la position adoptée par les pacifistes intégraux et le ministérialisme de la direction de la CNT espagnole.
À 17 ans, Georges Fontenis rejoignit l’Union anarchiste, participant à la vente à la criée du Libertaire. Entraîné par deux amis, Rino Rossato et Henri Picard, il lut les œuvres de Bakounine (6 tomes chez Stock) et la plupart des œuvres de Kropotkine.
Jeune anarchiste dans la résistance
Sous l’Occupation, Georges Fontenis devint instituteur. Il continua à rencontrer ses amis libertaires avec prudence et rejoignit la CGT clandestine. À la Libération, il participa, avec Marcel Pennetier entre autres, à la refondation de L’École émancipée, tendance révolutionnaire du syndicalisme enseignant. Son activité sous l’Occupation lui valut de représenter les enseignants débutants à la Commission d’épuration établie par le ministère de l’Éducation pour examiner le cas des collègues ayant servi Vichy et l’occupant. Il travaillait alors à l’école primaire de la rue Fessart, à Paris 19e, où il occupait un logement de fonction.
Étoile montante de la FA
Il reprit également contact avec l’organisation anarchiste, en train de se refonder sous le nom de Fédération anarchiste (FA). Parrainé par une autre militante de l’École émancipée, Solange Dumont, Georges Fontenis devint, en août 1944 le plus jeune membre de la commission administrative provisoire de la FA. Désigné pour recréer les Jeunesses anarchistes, il en fut un temps le secrétaire. Il était également membre du groupe Paris-Est (Xe, XIXe et XXe arrondissements) de la FA.
Les premiers congrès de la FA tendaient à reproduire les conflits idéologiques qu’avait connus le mouvement dans les années 1920 et 1930 entre « synthésistes » et « plate-formistes ». Georges Fontenis, comme la majorité des jeunesses, ignorait l’existence de la Plate-forme (voir Nestor Makhno) mais était partisan d’une conception « lutte de classes » et d’une plus grande cohésion idéologique et organisationnelle. C’est sous l’influence de militants comme Charles Ridel ou Maurice Lavorel que les jeunes de la FA devaient s’intéresser à la Plate-forme et aux écrits de Camillo Berneri.
Après avoir participé au congrès fondateur d’octobre 1945, Georges Fontenis intervint au nom des Jeunesses anarchistes au congrès de Dijon, en septembre 1946, dénonçant les « démolisseurs, les contemplateurs de leur nombril, les “enfileurs de phrases” vains et néfastes » qui paralysent le congrès (Changer le monde, p.58). Néanmoins, apparaissant comme un homme neuf, dynamique et n’appartenant à aucun clan, il fit consensus au sein d’une organisation divisée, et se vit proposer le secrétariat général de la FA. Pris de court, il accepta. Il devait être reconduit comme secrétaire général par chaque congrès jusqu’à celui de 1951.
En dépit de ses conflits internes, la FA connut une certaine croissance à cette époque et Fontenis devint un de ses orateurs habituels, souvent sous le nom de Fontaine.
Très proche de l’Exil espagnol, Georges Fontenis s’engagea fin 1946 dans le développement de la CNT française, dont il anima pendant plusieurs mois la fédération de l’enseignement. Dans le contexte de la Guerre froide, la FA développait la notion de « troisième force » avec comme mot d’ordre : « Ni Thorez, ni De Gaulle ; ni Staline, ni Truman » (Le Libertaire du 23 octobre 1947). Ainsi, au moment où se dessinait la scission au sein de la CGT, Le Libertaire appela les travailleurs « à s’écarter également de la centrale stalinienne de Frachon et de la centrale réformiste de Jouhaux » pour rejoindre la CNT (Le Libertaire du 25 décembre 1947).
Dans les années 1948-49, Georges Fontenis porta la contradiction dans les meetings publics du PCF, de la SFIO, du Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR), des gaullistes... Il donnait alors tout son temps à la FA, s’étant mis en congé sans solde de l’Éducation nationale pour assurer le secrétariat de rédaction du Libertaire.
En 1948, l’aide de Georges Fontenis fut sollicitée par des militants libertaires espagnols pour l’organisation d’un attentat contre Franco. Il servit alors de prête-nom pour acheter un avion devant bombarder un navire sur lequel le Caudillo devait se trouver en baie de San Sebastian. L’attentat fut un échec. Près de dix ans plus tard, la vente de l’appareil devait servir à financer la défense des militants de la FCL poursuivis par la justice.
Vers 1950, les tendances à l’intérieur de la FA se marquant de plus en plus nettement, Georges Fontenis, avec Roger Caron, Serge Ninn, Louis Estève (voir ces noms) et d’autres, constituèrent à l’intérieur de la FA une fraction clandestine. Nommée OPB (« Organisation Pensée Bataille », en hommage à l’œuvre de Camillo Berneri), son but était de clarifier l’idéologie et la théorie anarchistes et de promouvoir une organisation et une activité militante plus consistantes. L’OPB était issue en large partie d’une réaction des « jeunes » contre les « vieilles barbes » : avant sa création, les traditionalistes étaient en effet déjà organisés en fraction dans la FA, constituant selon Maurice Joyeux un « lobby épistolaire » : « Il ne s’agissait pas d’un groupe structuré destiné à expulser hors de la Fédération anarchiste ceux qui pensaient différemment d’eux, mais d’un réseau de correspondance dans le pays qui aboutissait à des résultats identiques, c’est-à-dire à conditionner le congrès sur des propositions élaborées en-dehors de lui » (Maurice Joyeux, « L’Affaire Fontenis » in La Rue n°28, premier trimestre 1980). L’existence de l’OPB fut révélée par le Mémorandum du groupe Kronstadt de 1954, et cet épisode valut à Georges Fontenis une réputation sulfureuse pour le restant de ses jours.
En février 1951, suite au braquage à Lyon d’un fourgon postal par des militants du Mouvement libertaire espagnol liés au groupe Sabaté, la police effectua une rafle dans les milieux de l’Exil. Georges Fontenis fut arrêté et accusé de complicité mais fut vite relâché.
Au congrès de Lille de 1951, Georges Fontenis ne se représenta pas au comité national et c’est André Moine qui fut élu secrétaire général. Fontenis continua, avec Robert Joulin, de s’occuper de l’OPB, et fut seulement membre de la commission de lecture du Libertaire. Au congrès, les deux tendances principales de la FA s’affrontèrent sur trois questions : le procédé de consultation lors des congrès (une voix par adhérent), la position syndicale (appel à la « grève gestionnaire »), la position « troisième front ».
Figure de proue de la FCL
Le congrès de Bordeaux de 1952, puis le congrès de Paris de 1953 validèrent l’orientation communiste libertaire de la FA, qui en décembre 1953, après référendum, se rebaptisa Fédération communiste libertaire (FCL). La nouvelle organisation poursuivit la politique de la FA, tout en développant l’activité anticolonialiste, en promouvant la participation des militants dans les luttes ouvrières et en développant une attitude plus ouverte vis-à-vis du marxisme. Il s’agissait de se recentrer sur l’anarchisme lutte de classes, projet que Fontenis, ayant repris le secrétariat général à Bordeaux, soutint activement. Il participa en 1953, avec quatre autres militants de l’OPB (Serge Ninn, René Lustre, Roger Caron, André Moine), à la révision d’une série d’articles théoriques, les « Problèmes essentiels » parue dans Le Libertaire, pour les éditer sous forme de brochure avec comme titre Manifeste du communisme libertaire.
Le rôle central joué par Georges Fontenis dans ce processus conduisit les traditionalistes à focaliser leurs critiques contre sa personne. Certains dénoncèrent alors le « Fontenisme » ou « Fontenisisme ». Une nouvelle FA, « synthésiste », avec comme journal Le Monde libertaire, se constitua fin 1953, animée notamment par Maurice Joyeux, Maurice Laisant et Aristide Lapeyre (voir ces noms).
La FCL s’impliqua de plus en plus dans les campagnes anticoloniales et exposa à plusieurs reprises en 1954 et 1955 sa position de « soutien critique » aux mouvements indépendantistes. Dès le début de l’insurrection algérienne, l’organisation prit position pour l’indépendance, s’attirant la collaboration d’intellectuels engagés tels que Daniel Guérin. Après l’interdiction d’un meeting contre la répression prévu le 21 décembre 1954 salle Wagram à Paris, Fontenis et Guérin protestèrent auprès du ministre de l’Intérieur, François Mitterrand. La FCL et son journal furent durement frappés par la répression gouvernementale.
Ayant d’abord engagé un débat sur l’abstentionnisme traditionnel des anarchistes, le comité national de la FCL décida en décembre 1955 de présenter des candidats « antiparlementaires » aux élections législatives de janvier 1956. L’unique liste conduite par la FCL dans le 13e arrondissement de Paris fut un échec : 2 500 voix en moyenne. Fontenis devait par la suite considérer cette participation aux élections comme une « erreur quelque peu ridicule » : en partie parce que cette aventure avait éloigné des groupes actifs à la FCL (voir Guy Bourgeois) ; en partie parce que des militants purent « se leurrer sur la portée de cette campagne électorale » (Changer le monde, p.129).
Pendant ce temps, la répression continuait (poursuites, procès, saisies du journal). Le 12 mai 1956, Georges Fontenis, Roger Caron et Robert Joulin passèrent en procès, sous le coup de sept inculpations. Face à cette situation, le comité national de la FCL décida, le 5 juillet 1956, de suspendre la parution du Libertaire, criblé d’amendes, mais de continuer l’agitation contre la guerre en Algérie. Dans le numéro du Libertaire du 12 juillet 1956 qui annonçait cette décision, parut également un « Appel pour l’unité du front des révolutionnaires » signé par Fontenis et d’autres militants de la FCL aussi bien que par des militants trotskystes de diverses tendances. Cet appel n’eut aucune suite. Le lendemain, Fontenis et d’autres militants FCL furent arrêtés par la DST et interrogés longuement. Un ultime numéro du Libertaire parut le 14 juillet.
Fontenis et plusieurs autres camarades poursuivis — Paul Philippe, Pierre Morain et Gilbert Simon (voir ces noms) — croyant le pays à la veille d’une situation insurrectionnelle, choisirent alors de passer à la clandestinité, tout en continuant de militer. Georges Fontenis, muni de faux papiers, habita à Paris 18e dans un studio sans chauffage, avec le soutien financier de l’organisation. Il fut alors chargé de reconstituer les liaisons en province, créant des réseaux et établissant des contacts avec les militants d’autres organisations, notamment de la Nouvelle Gauche (Jacques Danos, Daniel Guérin, Yvan Craipeau...) et avec le FLN algérien. Durant sa période clandestine, la FCL édita encore deux périodiques : deux numéros d’un modeste journal, La Volonté du peuple, imprimé péniblement et sur format réduit, furent distribué au printemps 1957 aux portes de Paris et aux entrées d’usines ; puis une revue, Les Cahiers de la critique sociale eut 4 numéros portant sur les événements de Hongrie, le matérialisme historique et autres questions théoriques.
Durant sa cavale, Georges Fontenis fut condamné par défaut, par la 17e chambre du tribunal correctionnel de la Seine, pour de multiples articles du Libertaire. Entre octobre et décembre 1956, pas moins de 10 condamnations par défaut furent prononcées contre lui, pour un total de 19 mois de prison et 900 000 francs d’amende.
Fontenis fut arrêté par la DST en juillet 1957. Condamné au total à près de deux ans de prison et à plus d’un million de francs d’amende, il fut libéré dans le cadre de l’amnistie décrétée par le général de Gaulle après sa prise de pouvoir en mai 1958. L’amnistie cependant ne couvrait que les peines de prison : le paiement des amendes fut étalé sur des années. Ayant obtenu avec difficulté sa réintégration dans l’Éducation nationale au cours de 1958, Fontenis retrouva un emploi d’instituteur.
Banni du mouvement
La FCL disparue, Georges Fontenis participa à un groupe de liaison d’anciens de la FCL qui prit le nom d’Action communiste et qui noua des contacts avec des éléments de l’opposition au sein du PCF (notamment trotskystes) et avec des éléments du groupe Socialisme ou Barbarie. Action communiste ne vécut que quelques mois, et Fontenis entra à la Voie communiste, un regroupement d’extrême gauche « œcuménique » fondé sur l’opposition à la guerre d’Algérie. Il figura bientôt dans l’équipe de rédaction de la revue La Voie communiste avec entre autres Denis Berger et Félix Guattari, en utilisant un nouveau pseudonyme : G. Grandfond.
À la même époque, il milita discrètement avec le Mouvement populaire de résistance (MPR) antifranquiste, et retrouva des anciens camarades de la FCL dans l’anticolonialisme, les luttes syndicales (surtout avec l’École émancipée et avec ceux de la CGT) et l’opposition au coup d’Alger. Mais comme d’autres anciens de la FCL, il se sentit quelque peu perdu pendant la période 1958-1968, et il se donna beaucoup à sa profession. Il intégra le stage de l’École normale de Saint-Cloud à la rentrée 1959 et devint inspecteur en zone rurale (son passé lui interdisant la région parisienne) de 1962 à 1967, puis fut professeur de psycho-pédagogie à l’École normale d’instituteurs de Tours à partir de septembre 1967. Il passa avec succès, à Paris, l’examen de professeur de collège et de directeur d’école.
En 1961, dans une période de « désarroi moral », il entra dans la franc-maçonnerie qu’il avait autrefois combattue, et y resta quelques années.
Fixé à Tours, il prit contact avec des étudiants et avec des amis de la Voie communiste et côtoya beaucoup de militants proguévaristes.
Acteur de Mai 68 à Tours
Georges Fontenis joua de nouveau un rôle dans le mouvement libertaire avec les événements de Mai 68. Avec des cheminots comme Michel Desmars*, des étudiants, des représentants des lycéens, des opposants communistes et des maoïstes de diverses variétés, Fontenis participa à la création à Tours d’un comité d’action révolutionnaire (CAR), dont il devint un des principaux animateurs. Ce CAR regroupa des lycéens des Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR), des militants du PSU, de jeunes communistes, des maoïstes du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF). De nombreuses activités furent menées en commun avec le PSU et avec l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCML). Le CAR de Tours fut présent à l’université, aux portes des usines et dans quelques entreprises (SNCF, Indreco, SKF), et c’est en tant que représentant du CAR de Tours que Fontenis intervint dans les assemblées qui se tenaient aux Arts déco. Le 31 mai 1968 le CAR adopta une « Plateforme pour une organisation révolutionnaire ».
Mais dans l’ensemble, Fontenis constatait « l’impuissance totale du mouvement libertaire » et la « quasi-inexistence du mouvement libertaire organisé au sein des événements » de 1968 (Changer le monde, p.156).
Aussi, en même temps qu’il participait au CAR de Tours, il retrouva aussi Pierre Morain avec qui il lança un « Appel aux anciens de la FCL et aux militants de l’UGAC » pour tenter une relance du mouvement communiste libertaire en France. Cet appel resta sans suites.
Fontenis et d’autres anciens de la FCL créèrent alors un groupe communiste libertaire dit Action Tours qui adhéra à l’UGAC. Il participa également au Comité d’initiative pour un mouvement révolutionnaire (CIMR), fondé en juin 1968 par l’UGAC, la JCR et divers groupes révolutionnaires. Au sein de l’UGAC, il prit position contre les « spontanéistes » et, avec Guy Bourgeois entre autres, pour une organisation spécifique structurée. Mais l’UGAC ne semblait pas déterminée à saisir l’opportunité historique ouverte par Mai 68 pour reconstruire une véritable organisation communiste libertaire, et se contentait de la publication de sa revue.
Après une série de rencontres et de débats, Georges Fontenis organisa donc avec Daniel Guérin une réunion nationale à Paris en mai 1969, qui fut le congrès constitutif du Mouvement communiste libertaire (MCL). Fontenis en rédigea le « Texte théorique de base », largement influencé par le conseillisme.
Fontenis et Guérin, avec la majorité du MCL, soutinrent l’idée de fusion du MCL avec l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA), mais cette fusion n’eut pas lieu. En juillet 1971, quelques groupes de l’ORA rejoignirent le MCL pour créer l’Organisation communiste libertaire (OCL, dite « première manière »). Cette OCL eut pour organe Guerre de classes dont le gérant fut Daniel Guérin puis Michel Desmars. Sur le plan théorique, l’OCL promouvait un syncrétisme des apports principaux du mouvement ouvrier antiautoritaire de la Première Internationale, de l’anarcho-syndicalisme, du conseillisme et de la réflexion de Socialisme ou Barbarie. Certains groupes ayant adopté des positions spontanéistes ou ultragauchistes, l’OCL déclina cependant à partir de 1974. L’organisation fut dissoute en 1976.
Grand ancien du communisme libertaire
Fontenis devint alors sympathisant de l’Union des travailleurs communistes libertaires (voir Patrice Spadoni). En 1977, l’UTCL demanda à Fontenis l’autorisation de publier dans son organe, Tout le pouvoir aux travailleurs, un article publié dans Socialisme et Barbarie en 1954 sur l’activité syndicale. Fontenis assista au congrès constitutif de l’UTCL en 1978 et donna son adhésion en 1980.
En 1981, Georges Fontenis intervint au colloque organisé par l’UTCL, « Cronstadt 1921-Gdansk 1981, soixante ans de résistance au capitalisme d’État ». En 1983, il fit connaître en France l’épisode des Amis de Durruti durant la Révolution espagnole en publiant, aux éditions de l’UTCL, Le Message révolutionnaire des Amis de Durruti. En 1990, il fit paraître ses Mémoires aux éditions Acratie, sous le titre L’Autre Communisme. Histoire subversive du mouvement libertaire. Ces Mémoires remaniés et augmentés, devaient être réédités en 2000 par Le Coquelicot/Alternative libertaire puis en 2008 par les éditions d’Alternative libertaire.
Après la dissolution de l’UTCL au sein d’Alternative libertaire, en 1991, Georges Fontenis fut adhérent du groupe de Tours de cette nouvelle organisation, et participa à ses trois premiers congrès (1991, 1993, 1995). En 1996, tout en restant membre de l’École émancipée, il rejoignit le syndicat SUD-Éducation d’Indre-et-Loire, créé dans la foulée des grèves de Décembre 95.
Georges Fontenis collabora plusieurs années au mensuel Alternative libertaire, puis, sa santé déclinant, cessa peu à peu d’écrire. En 2002, les éditions d’AL refusèrent d’éditer son dernier livre, Non-conforme, jugé peu pertinent. Finalement publié par les éditions Bénévent, il fut sévèrement chroniqué dans Alternative libertaire de décembre 2002, qui évoqua à son sujet une « posture iconoclaste qui le plus souvent rate sa cible, quand elle ne se fourvoie pas carrément. ». Malgré cet épisode, Georges Fontenis resta membre d’AL jusqu’à sa mort, survenue à son domicile de Reignac-sur-Indre le 9 août 2010.
À la nouvelle de son décès, la presse et les sites Web de plusieurs organisations communistes libertaires et anarcho-syndicalistes dans le monde (Anarkismo.net, Rojoynegro.info, etc.) lui rendirent hommage. Quant à Alternative libertaire, elle salua, dans un communiqué du 10 août, « une figure internationale du communisme libertaire » et conclut : « La vie de Georges Fontenis a, pendant plusieurs décennies, été liée au mouvement ouvrier et à son courant libertaire. Il en a partagé les avancées, les reculs et les luttes passionnées. Militant politique, il savait tirer les enseignements des échecs sans céder au découragement. Mais l’itinéraire de Georges Fontenis fut aussi un itinéraire personnel. Façonné par l’anarchisme, il voulut le transformer en profondeur. Pour cela, il fut vivement décrié par certains, et considéré par d’autres, en France et ailleurs, comme une référence. Son bilan forme-t-il pour autant un bloc, à prendre ou à laisser ? Nullement. Mais Alternative libertaire et, au-delà, le courant communiste libertaire international savent ce qu’ils lui doivent, et c’est pour cette raison que nous rendons hommage à un homme qui, désormais, appartient à l’Histoire. »
Par David Berry, Guillaume Davranche
ŒUVRE : Manifeste du communisme libertaire, Éditions Le Libertaire, 1953 (réédition 1985) ― Le Message révolutionnaire des Amis de Durruti, Éditions L, 1983 — Il y a 50 ans, le Front populaire, Éditions Alternative, 1986 — L’Autre Communisme, Éditions Acratie, 1990 — Changer le monde. Histoire du mouvement communiste libertaire (1945-1997) [réédition augmentée de L’Autre Communisme], Éditions Alternative libertaire, 2008 — Non conforme, Éditions Bénévent, 2002.
SOURCES : Notes de Georges Fontenis — Maurice Joyeux, « L’Affaire Fontenis » in La Rue n°28 (premier trimestre 1980) — Entretien avec Gilbert Estève dans L’École émancipée du 19 juin 2000, pp.28-9 — Daniel Goude et Guillaume Lenormant, Une Résistance oubliée (1954-1957) : Des libertaires dans la guerre d’Algérie (DVD Alternative libertaire, 2001) — Georges Fontenis, Changer le monde,éd. Alternative libertaire, 2008 — Franck Wolff, Parcours libertaire. Entretien avec Georges Fontenis (DVD autoproduit, Tours, 2009) ― Nécrologie dans Le Monde du 14 août 2010 ― Nécrologie dans Alternative libertaire de septembre 2010.