Par Olivier Ray
Né le 13 mars 1858 à Paris (Xe arr.), mort le 6 février 1941 à Pari ; ouvrier graveur puis peintre, lithographe ; collaborateur des journaux anarchistes.
Fils d’un ouvrier charron devenu employé de préfecture, Maximilien Luce passa son enfance dans le quartier de la Gaïté (Paris, XIVe arr.). À l’âge de 13 ans, en mai 1871, Luce assista à la reconquête de Paris par les Versaillais. Toute sa vie il resta marqué par les événements de la Commune et il garda le souvenir de cette période avec un engagement personnel auprès de ses amis anciens communards.
Il commença apprenti graveur (1872) tout en suivant des cours de dessin, puis ouvrier graveur (1876) chez Eugène Froment, chez qui l’on gravait les illustrations de nombreux périodiques français et étrangers. Il s’était également fait remarquer par un professeur aux Gobelins, Ulysse Maillart, qui l’encouragea à développer son talent.
En 1877, il partit à Londres avec son employeur. A son retour en France, en 1879, il dut faire son service militaire, tout en continuant à suivre des cours de peinture à l’Académie Suisse et dans l’atelier du peintre Carolus-Duran. Il bénéficia aussi des conseils de Pissaro*, autre peintre anarchiste, avec lequel il se lia.
Appelé à effectuer son service militaire au sein du 48e régiment d’infanterie, il y fit la connaissance de Frédéric Givort, cordonnier du XIIIe arrondissement travaillant à domicile, qui lui fit connaître Eugène Baillet*, ouvrier engagé dans l’action politique. Rentré à Paris en 1881, il fut entraîné par Givort et Baillet au Groupe anarchiste du XIVe arrondissement. Il raffermit ses convictions politiques et s’abonna au Libertaire. Dans le même temps, il lia des liens étroits avec Camille Pissaro, Paul Signac et Georges Seurat, et exposa pour la première fois certaines de ses toiles en 1887.
C’est en 1887-1888 qu’il fit la connaissance de Jean Grave* et d’Émile Pouget*, respectivement directeurs de La Révolte et du Père Peinard. Il entama une longue et fructueuse collaboration avec les journaux anarchistes, auxquels il se consacra presque exclusivement.
Il exécuta pour Le Père Peinard, entre 1890 et 1900, une centaine de dessins caricaturaux et les en-têtes successifs du journal, ainsi que pour La Révolte (1887-1894) devenu Les Temps nouveaux en 1895 ; une collaboration d’une longue durée (de 1895 à 1914) et qui s’étendit à tous les domaines : lithographies, affiches, couvertures de brochures, dessins. Il apporta, comme Camille Pissaro, un soutien matériel aux Temps nouveaux, participant régulièrement aux souscriptions du journal et fournissant gratuitement certaines lithographies destinées à servir de lot lors des loteries organisées pour renflouer les fonds. Il ne ménagea pas son aide à d’autres revues et journaux : La Feuille (1894), Le Libertaire (1899), L’Anarchie (1905-1906), La Voix du Peuple (1901), L’Almanach de la Révolution (1902-1905), L’En-Dehors. Dans son portrait, publié par Les Hommes du jour, il était décrit avec un « rude visage de plébéien, où l’on démèle à la fois du Zola et du Vallès, et peut-être aussi un peu du Verlaine par un certain côté de rêve et de douceur »
Classé « dangereux » par les services de police à cause de sa participation au Père Peinard et de ses amitiés anarchistes, Luce fut arrêté et incarcéré à la prison de Mazas en juillet 1894, suite à l’assassinat du président Carnot par Caserio* le 24 juin. Il y resta 42 jours et bénéficia de l’acquittement général lors du procès des Trente en août 1894 (voir Toussaint Bordat). Il tira de ce premier séjour en prison un album de lithographies intitulé Mazas (1895).
En 1896 il fit un séjour préventif en prison à l’occasion de la visite à Paris du roi d’Espagne Alphonse XIII.
Ses débuts en peinture racontaient déjà le monde des travailleurs, prenant pour modèle ses amis et ses voisins de mansarde. Les thèmes de ses œuvres reflètent son engagement : les métiers ouvriers, les paysages miniers et les hauts fourneaux de la région de Charleroi (1895-1896), la construction de l’Exposition Universelle et du métropolitain à Paris. Plus explicitement politiques, des compositions de scènes de la Commune de 1871 (les sept versions de l’Exécution de Varlin qu’il peignit vers 1917) ainsi qu’une cinquantaine de toiles, entre 1916 et 1917, qui décrivaient les soldats dans leur quotidien. Émile Verhaeren, qui comptait parmi ses admirateurs, disait de ses dessins qu’ils « réclament de la justice et de la pitié, appellent les révoltes ».
Après la guerre et la disparition des journaux anarchistes, Luce ne participa plus qu’épisodiquement à des publications, notamment par des affiches pour la CGT et La Bataille syndicaliste. En 1915 il fut témoin au mariage d’Emile Pouget et d’Augustine Jamaux, avec Paul Rousseau et Hippolyte Petitjean.
Devenu en 1935 président de la Société des Artistes Indépendants, Luce signa une pétition antifasciste et démissionna de son poste en 1940 pour protester contre la politique de discrimination de Vichy à l’égard des artistes juifs.
Par Olivier Ray
SOURCES : Collectif, Maximilien Luce. Peindre la condition humaine, catalogue d’exposition, Somogy, Paris, 2000 — Site internet R. A. Forum (Recherches sur l’anarchisme) [http://raforum.info/spip.php?page=s...] — Les Hommes du jour. — État civil.