RECLUS Paul. Pseudonyme Georges GUYOU [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, Constance Bantman

Né le 25 mai 1858 à Neuilly-sur-Seine (Seine), mort le 19 janvier 1941 à Montpellier (Hérault) ; ingénieur et professeur.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Paul Reclus était le fils d’Élie Reclus et de Noémie Reclus. En 1871, après la Commune, il suivit ses parents à Zurich ; en 1877, il revint à Paris et, l’année suivante, entra premier à l’École Centrale, d’où il sortit ingénieur trois ans plus tard. De 1882 à 1894, il occupa plusieurs postes d’ingénieur. Après son mariage, en 1885, dont il eut quatre enfants, il fut ingénieur à Bessèges (Gard) et créa un cercle anarchiste d’une trentaine de personnes dans la région d’Alès. Il faisait aussi de la propagande syndicaliste et fut congédié en 1886. Une note de police le jugeait « d’autant plus à craindre qu’il est plus intelligent ».

Il participa au congrès anarchiste international de Paris, les 1er et 8 septembre 1889, et s’y prononça en faveur de la reprise individuelle, y voyant un excellent moyen de propagande par le fait. Dans un article « Le Travail et le Vol », publié dans La Révolte, n° 9, 21-27 novembre 1891, il justifiait ainsi sa position : « Dans notre société actuelle, le vol et le travail ne sont pas d’essence différente. Je m’élève contre cette prétention qu’il y a un honnête moyen de gagner sa vie, le travail ; et un malhonnête, le vol ou l’estampage. [...] L’activité de la vie que nous rêvons est également éloignée de ce qu’on nomme aujourd’hui le travail et de ce qu’on nomme le vol : on prendra sans demander et cela ne sera pas le vol, on emploiera ses facultés et son activité et cela ne sera pas le travail. »

Il fut alors trésorier responsable de deux souscriptions, l’une pour l’achat d’une presse, l’autre pour un fonds en faveur des familles de prisonniers. En 1891, il remplaça Grave pendant six mois à la rédaction de la Révolte, alors que ce dernier était en prison. Il écrivit aussi pour d’autres publications anarchistes, dont La Plume, La Revue anarchiste puis La Revue libertaire.

En 1892, responsable d’une usine en construction aux soudières de Varangéville près de Nancy, employant des centaines d’ouvriers, il embaucha quelques compagnons anarchistes, dont Désiré Pauwels. Lorsqu’ils furent renvoyés, Reclus donna sa démission.

De retour à Paris, sa femme reçut la visite d’Auguste Vaillant qui lui emprunta 20 francs, et qui écrivit à Reclus une longue lettre expliquant ses intentions. Juste après l’attentat, Reclus fut arrêté et interrogé, soupçonné d’avoir donné des "renseignement chimiques" à Vaillant. L’écho donné à cet incident l’amena à quitter Paris. En 1894 il fut inculpé dans le « procès des Trente » (voir Elisée Bastard) et se réfugia en Grande-Bretagne. Il y demeura neuf ans, sous le nom de Georges Guyou (il avait emprunté les papiers d’un ami, Georges Guyon, et changé une lettre à son nom), qui resta son pseudonyme. À Londres il fréquenta Kropotkine*, Malatesta, Tcherkesoff*. Du 6 au 12 août 1894, il fut jugé par contumace et, le 31 octobre, condamné par défaut à vingt ans de travaux forcés.

En 1896, il se fixa en Écosse avec les siens ; il y collabora avec le géographe anarchisant Patrick Geddes, qui avait fondé à Édimbourg l’« Outlook Tower », sorte de musée régional de géographie humaine. En 1898-1899, Reclus fut professeur au lycée de Peebles, petite ville située à cinquante kilomètres d’Édimbourg.

En 1903, Élisée Reclus*, établi en Belgique, demanda à son neveu de venir l’aider pour l’édition de son ouvrage L’Homme et la Terre. Paul et sa famille vinrent s’installer à Ixelles, faubourg de Bruxelles. Élisée mourut en juillet 1905 ; Paul termina alors l’œuvre de son oncle et se consacra à son édition. En 1908, il entra comme professeur au lycée français de Bruxelles.

Autorisé à revenir en France par Clemenceau, Reclus fit de fréquents séjours à Paris. En 1913, il dut quitter le lycée de Bruxelles, après avoir, au cours d’un voyage scolaire à Londres, emmené plusieurs de ses élèves chez Kropotkine.

Rentré en France en 1914, il fut l’un des signataires du « Manifeste des Seize » (voir Jean Grave) condamnant l’agression allemande. Il fut employé, durant la guerre, à la poudrerie de Sevran (Seine). Il collabora au Bulletin des Temps nouveaux lancé par Jean Grave en 1916, ainsi qu’aux journaux syndicalistes La Bataille et La Feuille.

Il se fixa en 1919 à Domme en Dordogne où il installa un musée régional. Après la mort de sa femme, en 1927, il partagea son temps entre des travaux de bibliographie scientifique et des occupations pédagogiques au Collège des Écossais fondé par Patrick Geddes à Montpellier.

Mais il n’abandonna pas la propagande anarchiste. De 1926 à 1939, il collabora régulièrement à la revue Plus loin de Marc Pierrot*. Dans le n° 25, d’avril 1927, sous le titre « Congrès international contre l’impérialisme et la colonisation », citant Barbusse, il décrivait l’indépendance nationale comme « la première étape de l’indépendance humaine ».

Toujours dans Plus loin, à une enquête de Mas Lejos, groupe anarchiste de Barcelone, sur l’abstentionnisme électoral, Paul Reclus, comme le docteur Pierrot, répondit que ce n’était pas un principe intangible (cf. n° 132, avril 1936).

En 1937, Reclus fit partie du comité de patronage de la section française de Solidarité internationale antifasciste, SIA (cf. Le Libertaire, 18 novembre 1937).

Dans un article de Plus loin, n° 156, avril 1938, intitulé « Synthèse d’un inconnu », Paul Reclus définit son communisme libertaire comme « réunissant ainsi le communisme des choses avec la liberté individuelle des hommes. Nous comprenons par là une organisation efficiente dès la cellule initiale, une mise en commun du matériel, une coopération dans le travail, une répartition des produits selon les besoins et les disponibilités, un développement de la personnalité. En somme, un déplacement de la lutte pour la vie vers une sphère plus élevée. Au lieu de menacer les sources mêmes de l’existence, la lutte s’engagera dans l’artisanat, l’art, la littérature, la science et la pensée. »

Il était le père de Jacques Reclus.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154834, notice RECLUS Paul. Pseudonyme Georges GUYOU [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, Constance Bantman, version mise en ligne le 24 avril 2014, dernière modification le 18 août 2022.

Par Jean Maitron, Constance Bantman

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

ŒUVRE : P. Reclus, Les Frères Élie et Élisée Reclus ou du protestantisme à l’anarchisme, Paris, 1964 — Plus loin, n° 156, avril 1938, « Synthèse d’un inconnu », par P. Reclus — Collaboration à l’Encyclopédie anarchiste.

SOURCES : Arch. Dép. Gard, 6 M 1414, fiche de police de 1886 — Notes biographiques de Jacques Reclus, fils de Paul, rédigées pour J. Maitron en mai 1963 (DBMOF) — Le Figaro, 21 juillet 1894 — Notes de Dominique Petit.

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