ROSELL José [dit Pepito] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Hugues Lenoir

Né le 1er octobre 1918 à Hostalrich (Catalogne, Espagne), dans une famille de chartiers socialistes, mort le 3 octobre 1999 à l’île d’Oléron ; militant de la Fédération anarchiste et de FO, ouvrier du bâtiment puis permanent syndical.

Pour avoir refusé de laisser passer une procession, la famille Rosell fut mise à l’index par l’évêché, ce qui l’obligea à s’exiler vers Barcelone, dans le quartier d’Hostafrancs. Très rapidement les quatre frères Rosell (Salvador, Francisco, Narciso et José) rejoignirent les rangs libertaires et José adhéra à la CNT en 1934 ; il était alors lycéen. En 1936, il fut boursier à l’université de Barcelone ; avec trois autres étudiants libertaires, il participa aux activités du syndicat de la métallurgie. C’est lors d’actions de soutien à des grévistes qu’il adhéra à la FAI.

Peu après le 19 juillet 1936, José Rosell intégra la colonne Durruti, d’abord sur le front d’Aragon, puis en novembre il fit partie de l’état-major du détachement (trois groupements) de la colonne qui rejoignit Madrid. C’est alors qu’il rencontra Cipriano Mera (responsable des colonnes confédérales de la région Centre) qui eut une influence très importante durant toute sa vie militante pendant la guerre et surtout pendant la période de l’exil.

En février 1939, il passa en France, à Bourg-Madame, et il fut emprisonné à Mont-Louis puis au camp du Vernet comme la plupart des membres de la 26e division (l’ex-colonne Durruti). Il réussit à s’évader et rejoignit des camarades de la CNT à Marseille (un port qui servait d’exfiltration vers le Mexique). Il fut blessé lors d’un affrontement avec la police française. Obligé de quitter Marseille, il utilisa une filière clandestine mise en place par Suzy Chevet*, passant par Angers puis Saint-Malo, ville où vivait une forte colonie de Catalans antifascistes (dont son frère aîné, Francisco). C’est dans cette ville qu’il rencontra Claudette Rousseau*, la fille de Suzy Chevet*, qui devint sa compagne.

Il organisa le réseau Robur composé de militants libertaires espagnols en Bretagne, qui commettait des attentats, recueillait des renseignements sur la construction du mur de l’Atlantique et mit en place une filière d’évasion pour les prisonniers des camps de travail forcé des îles de Jersey et Guernesey.

En août 1944, son groupe de résistants libertaires participa à la bataille pour la libération de Saint-Malo et du nord de la Bretagne. En 1945, il suivit Claudette Rousseau partie à Rennes pour ses études, puis à Paris où il participa à la reconstruction de la CNT. Après un stage de formation, il travailla comme chaudronnier, puis chauffagiste dans le bâtiment. Il fut un des rares libertaires espagnols à militer conjointement dans le mouvement anarchiste français et espagnol. Son action militante lui valut une condamnation à huit jours de prison pour violence contre la force publique en 1949, condamnation qui l’empêcha d’obtenir la nationalité française. Jusqu’à sa retraite il fut adhérent de la CNT et de la CGT-FO. Il se maria avec Claudette Rousseau en décembre 1949 et ils habitèrent à Paris, XVIIIe arr., jusqu’en 1958, puis le XVIIe de 1958 jusqu’à sa mort.

De par sa situation familiale comme gendre de Suzy Chevet et de Maurice Joyeux, il fréquenta assidûment la librairie du Château des Brouillards animée par ce dernier. Il y rencontra Léo Ferré*, Georges Brassens*, Roger Grenier, Michel Ragon*, Daniel Mayer (président de la LDH et député socialiste du XVIIIe arrondissement), etc., avec lesquels il se lia d’amitié. En 1954, il adhéra naturellement à la nouvelle Fédération anarchiste au sein de laquelle il se refusa à tenir des responsabilités mais dont il resta adhérent jusqu’à sa mort.

Ouvrier du bâtiment, il adhéra à la CGT-FO. Il y joua un rôle plus important sur la fin de sa « carrière » de salarié, puisqu’il prit des responsabilités à l’UD Paris (membre de la commission exécutive) et à la Fédération du Bâtiment. C’est à ce titre qu’il participa à plusieurs congrès de la Fédération du bâtiment (Tournus, Lyon,) et confédéraux (Paris). En 1978, après un licenciement, il fut le représentant de cette organisation au sein de la commission administrative de la Bourse du Travail de Paris. Son bureau fut un point d’appui important pour tous les militant.e.s anarcho-syndicalistes, libertaires, minoritaires au sein des « grandes » confédérations. À cette époque, il épaula les « moutons noirs » de la CFDT et les aida à se restructurer et à fonder SUD-PTT, CRC-Santé, etc.

Dans les années 1950-1960, sa double appartenance syndicale (CNT et FO) se révéla plusieurs fois utile aux camarades espagnols en exil face à la répression franquiste et gaulliste comme en 1968, 1969 et 1970 où, avec Maurice Joyeux, il fit intervenir André Bergeron et Daniel Mayer directement auprès du général de Gaulle en faveur d’Octavio Alberola* ou de José Peirats.

Mais c’est surtout au sein de la CNT qu’il milita activement de 1944 jusqu’à la fin de sa vie. Très proche de Cipriano Mera, Fernando Gomez Pelaez, José Peirats, José Ester Borras*, José Pascual, il suivit la vie agitée de la CNT en exil. En 1960, après la réunification, il fit partie du groupe restreint de la DI (Defensa interior) chargé des actions et des attentats en Espagne. Il fut opposé à l’opération qui amena à l’arrestation puis à l’exécution de deux camarades : Delgado et Granado, par contre il fut très impliqué dans l’enlèvement de Mgr Ussia en 1966. Peu après, il rompit avec le groupe du 1er-Mai où militaient Luis Andres Edo, Octavio Alberola et Lucio Urtubia*. Avec la nouvelle scission de la CNT, il fit partie du groupe fondateur du journal Frente Libertario.

À partir de 1975, il participa à tous les congrès de la CNT espagnole renaissante, puis à ceux de la CGT-E : « même si mon cœur est resté à la CNT », disait-il. À la mort de Franco en 1975, la répression contre les libertaires continua en Espagne. Lors des « affaires » Scala et de l’usine Michelin de Vitoria, il utilisa les réseaux anarcho-syndicalistes français et européens pour organiser une campagne pour la libération des camarades libertaires injustement condamnés, dont un futur secrétaire général de la CGT espagnole. L’école libertaire Bonaventure sur l’île d’Oléron fut sa dernière aventure militante. Son fils Wally Rosell" et sa fille Thyde Rosell* sont aujourd’hui encore des militants anarchistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154958, notice ROSELL José [dit Pepito] [Dictionnaire des anarchistes] par Hugues Lenoir, version mise en ligne le 15 avril 2014, dernière modification le 26 avril 2014.

Par Hugues Lenoir

ŒUVRE : Le hasard et la nécessité ou comment je suis devenu libertaire, Éditions du Monde libertaire, 1997. — « La Résistance libertaire espagnole en France », Magazine libertaire, 1986. — Interview à propos du film de Ken Loach : Land and Freedom, Le Monde libertaire 1995.

SOURCES : Témoignages directs, famille Rosell, mars 2009.

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