STETTNER David [Derso] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy

Né à Czernowitz (ou à Budapest ?) le 26 septembre 1914, mort en juillet 2002. L’un des animateurs après la guerre du groupe anarchiste yiddish de Paris.

David Stettner, qui avait passé la majeure partie de son adolescence en Bucovine, avait commencé à s’intéresser à l’anarchisme à l’âge de 17 ans. Il participait alors aux réunions clandestines organisées dans les forêts autour de la ville de Czernowitz (alors en Roumanie, aujourd’hui en Ukraine). Déserteur à deux reprises de l’armée roumaine, il fut emprisonné.

Lassé d’une vie marquée par la faim, les humiliations et les persécutions, il émigra en France, "le pays de la révolution de 1789 et de la Déclaration des Droits de l’homme". A Paris il partagea une petite chambre de bonne avec un réfugié bulgare et subit la triste vie d’un émigrant illégal sans papiers. Vers 1937 il fut dissuadé de partir combattre en Espagne par un responsable de la Fédération anarchiste ibérique (FAI) en France qui lui expliqua comment l’avancée franquiste et les trahisons staliniennes avaient déjà miné les fondements de la révolution sociale. Le 5 juillet 1938, la Ligue des Droits de l’homme lui délivra un certificat attestant de sa qualité de réfugié politique.

Á la veille de la Seconde Guerre mondiale, il rencontra Golda Konstantin (née dans la région de Lublin, Pologne) , avec laquelle il allait partager le reste de sa vie. Pendant l’occupation allemande, tous deux parvinrent à se cacher et à échapper de peu à la déportation, ce qui ne fut pas le cas de la famille de David restée en Roumanie et dont les membres, à l’exception d’une sœur, périrent dans les camps d’extermination.

Á la fin de la guerre David Stettner travailla comme assitant social pour les survivants de la Shoah, un travail qui le marqua profondément. Il reprit son militantisme et adhéra au groupe anarchiste juif du Pré-Saint-Gervais. Collaborateur du Libertaire, l’hebdomadaire de la Fédération anarchiste, il estima toutefois que les anarchistes français n’avaient pas une analyse claire de l’identité juive et en 1949 fonda le journal anarchiste yiddish Der Freie Gedank (Paris, 1949-1966), tiré à 1000 exemplaires et dont il allait être longtemps l’un des principaux rédacteurs avec entre autres Jacques et Rosa Doubinsky*, Nicolas et Lea Tchorbadiev*.

Le groupe anarchiste juif de Paris se réunissait encore à la fin des années 1970 chez David et Golda Stettner à leur domicile, 65 avenue Parmentier, Paris 11e ; à ces réunions participaient entre autres Charles Fieber, Shmuel Ringel, Guy Malouvier* et parfois Rosa Doubinski. David Stettner collaborait également au périodique yiddish Problemen publié à Tel Aviv par Aba Gordin et Yosef Luden, où il se fit l’avocat du mouvement des kibboutz et se montra très critique du féodalisme des leaders arabes et palestiniens.

Après la disparition de la presse anarchiste yiddish en France, David Stettner est devenu dans les années 1990 l’éditorialiste de Unser Stimme (Notre Voix, Paris), organe du Bund, où, sans cesser d’être anarchiste il pouvait s’exprimer en toute liberté.

En 1986 il appela à la solidarité avec le mouvement israélien de résistance à la guerre et au rapprochement mutuel entre Juifs et Arabes.

David Stettner, bien que profondément affecté par la mort de Golda et les échecs du mouvement anarchiste international, resta fidéle à son identité juive et à ses convictions libertaires jusqu"à son décès survenu en juillet 2002 à l’âge de 88 ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154964, notice STETTNER David [Derso] [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 24 mars 2014, dernière modification le 26 janvier 2019.

Par Rolf Dupuy

SOURCES : Notes de G. Malouvier, Nick Heath, Marianne Enckell — Fonds Ligue des Droits de l’homme, BDIC — Notes d’Anne Steiner. — Jean-Marc Izrine, Les libertaires du Yiddishland, Alternative libertaire (2013).

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