Par François Ferrette, révisé par Guillaume Davranche
Né le 24 avril 1874 à Roubaix (Nord) ; ouvrier tisseur, puis charpentier en fer, puis marchand ambulant ; anarchiste puis communiste, puis de nouveau anarchiste.
Fils d’Alfred Cornil et de Zoé Desmarchelier, Eugène eut sans doute un frère, Victor, né le 10 novembre 1875, car ses deux parents sont cités dans un rapport de police évoquant un Victor Cornil.
De 1896 à 1907, Eugène Cornil fut militant au groupe socialiste de Roubaix. En 1907, il approuva, avec d’autres, une déclaration antimilitariste envoyée à La Guerre sociale. Cela irrita les dirigeants guesdistes du PS du Nord, qui prononcèrent à leur encontre une mise à pied de six mois. Eugène Cornil passa alors à l’anarchisme, « avec d’autres socialistes qui venaient là parce que écœurés, comme moi, par la cuisine des politiciens du Nord », devait-il raconter en 1920, dans un court article adressé à La Vie ouvrière.
Le 11 décembre 1910, il fut un des fondateurs du Groupe d’action et d’éducation syndicaliste (GAES) de Roubaix, qui structura la minorité syndicaliste révolutionnaire dans ce département où la CGT était dominée par les guesdistes. Le GAES, animé par les libertaires, avait son siège au 104, rue Bernard.
Orateur dans les meetings néomalthusiens et libertaires, Eugène Cornil fut, en janvier 1911, un des initiateurs de la nouvelle série du Combat, « organe communiste révolutionnaire du Nord » animé par le groupe anarchiste de Roubaix.
En août 1911, en pleine crise marocaine, et à l’occasion du congrès de la fédération du Textile, le GAES organisa un meeting contre la guerre avec des orateurs révolutionnaires de la CGT : Raymond Péricat, Charles Dhooghe*, Caïti, Chauvière, Oscar Descamps*, etc.
Le 7 septembre 1911, les syndicats affiliés à la bourse du travail de Roubaix votèrent un ordre du jour se dissociant nettement du GAES. Celui-ci répondit en distribuant une circulaire mettant en accusation « ceux qui font du syndicalisme pour en vivre ». Eugène Cornil, qui était collecteur pour le syndicat du Textile, fut alors exclu du syndicat par l’assemblée du 5 octobre 1911. Cet abus provoqua une crise qui poussa des centaines de syndiqués — et même des milliers selon Le Combat — à démissionner et à constituer un syndicat dissident : l’Union des travailleurs. La nouvelle organisation, non fédérée, eut son siège au 57, rue des Champs. Bientôt, elle eut ses équivalents à Lille (voir Oscar Descamps) et à Tourcoing (voir Jean-Baptiste Knockaërt).
Le 9 octobre 1911, quatre jours après son exclusion du syndicat du Textile, Cornil fut en outre condamné pour distribution de brochures anarchistes.
Le 12 décembre 1912, il fut condamné pour entretien de concubine au domicile conjugal.
Durant le premier trimestre 1914, à l’époque où Alphonse Merrheim fut exclu du Syndicat des métaux de la Seine, Le Combat fit campagne en direction de la CGT pour mettre en parallèle le cas de Cornil, lui aussi exclu pour « délit d’opinion ». Georges Dumoulin intervint en sa faveur, mais il ne fut sans doute pas réintégré avant la guerre.
Pendant la Première Guerre mondiale, Eugène Cornil ne fut pas mobilisé.
Il adhéra au Comité de la IIIe Internationale qui se forma dans le Nord en juillet 1920. Un certain nombre d’anarchistes qui adhérèrent dans ce Comité étaient issus du Combat, comme Oscar Descamps*. Dans le Bulletin communiste du 8 juillet 1920, il versait une souscription en l’accompagnant du slogan : « À bas toutes les patries ».
Le 17 décembre 1920, le tribunal correctionnel de Lille condamna Cornil à 500 francs d’amende et à un mois de prison pour introduction illégale en France de propagande communiste.
Après la scission PS-PCF au congrès de Tours, en décembre 1920, La Vie Ouvrière lança un débat en direction des anarchistes et des syndicalistes révolutionnaires sur leur entrée dans le PCF. Eugène Cornil donna alors sa position : « je crois qu’il est du devoir de tout socialiste sincère d’entrer ou de rentrer au Parti pour compléter s’il est nécessaire la besogne d’épuration et y renforcer l’esprit révolutionnaire ».
En 1922, devenu entre-temps marchand ambulant de bouteilles, il semblait appartenir à la fois au groupe anarchiste de Croix et à la section communiste de Roubaix.
Le 29 octobre 1930, le Préfet du Nord le raya du carnet B. Par la suite, on devait relever sa signature dans le journal Terre Libre, qui en août 1936 devint l’organe de la Fédération anarchiste de langue française.
En 1919, il avait divorcé deux fois et été remarié une troisième fois. Il avait un fils âgé de 19 ans, né de sa première femme.
Par François Ferrette, révisé par Guillaume Davranche
SOURCES : Centre des archives contemporaines, cote 1994 0437 article 375 dossier 34290 — AD Nord d7477/1. — Le Combat, 1911-1914. — La Vie Ouvrière, du 1er avril 1921. — Terre Libre, année 1934 — René Bianco « Un siècle de presse… , op. cit. — Notes de Rolf Dupuy et de Julien Chuzeville.