FOURNIVAL Léonie, Charlotte, Félicité, Virginie [dite Rolande] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Née le 2 septembre 1864 à Lille (Nord) ; couturière ; propagandiste féministe, végétarienne et naturienne à Paris et à Londres.

Le père de Léonie Fournival était comptable à Lille et demeurait rue de Wazemmes.
Le 22 novembre 1898, « Rolande » assistait à la réunion de la Ligue de la régénération humaine (section du IXe arr.) tenue 89 rue Blanche. Elle était accompagnée de Prudhomme Albert dit Albert d’Iris, qui serait d’après le rapport de l’indicateur Legrand, "son amant secret et qui voudrait la lancer dans le cabaret de Buffalo pour lui faire réciter des poésies révolutionnaires". Rolande parla des tristes conditions de la femme et particulièrement des mères. Pour elle, si l’anarchie pénétrait les cerveaux féminins, les précautions médicales seraient prises et la femme affirmerait son individualité en évitant de se créer des charges qui l’entravent.
Elle avait déjà publié un article dans la Fronde et en instance d’y entrer comme collaboratrice, selon ses propos.

En 1898, « Rolande » collaborait au Cri de Révolte, organe révolutionnaire bi-mensuel publié à Paris, qui eut dix numéros. En décembre de cette même année, elle avait pour projet de créer un journal féministe Le Cri de la femme. Le 20 décembre 1898, une quinzaine d’anarchistes se retrouvaient au café 69 rue Blanche. Au cours de la réunion, Rolande sollicita Louise Réville pour qu’elle intervienne auprès de Villeval, afin qu’il n’adopte pas, en janvier, le titre Le Cri, comme il en avait l’intention. Le 30 décembre 1898, le Cri de la femme allait paraître, Rolande annonçait la nouvelle partout dans les groupes. Les fonds venaient de Mme Pischof, une féministe autrichienne qui était à ce moment-là à Vienne. Celle-ci avait écrit à Rolande : « Ma chère amie. Faites tout le possible pour le succès du Cri de la femme. Je vous enverrai des fonds pour les affiches. Cherchez de bons collaborateurs, mais n’oubliez pas que vous ne devez jamais me nommer. Je vous rappelle mon programme d’activité féministe et révolutionnaire. Ayez bientôt un local. Je vais rentrer à Paris. Votre amie bien dévouée. Pischof . »

Rolande avait déjà touché 50 francs de Mme Pischof avant son départ. Mais l’avance avait été rapidement dépensée. Le 1er janvier 1899, Rolande envoyait à Mme Pischof un article de l’Aurore du 31 décembre 1898 qui annonçait l’apparition du Cri. Le 3 janvier 1899, Rolande cherchait un local pour le Cri de la femme. Elle paraissait en meilleure santé depuis que Mme Pischof lui avait donné quelque argent. Cette féministe autrichienne devait revenir à Paris le 6 janvier, date important pour la « bohème anarchiste qui l’exploite » selon un rapport de police. Elle était à l’initiative de la création d’un comité de réforme du costume féminin.

Rolande commençait à recueillir des articles. Elle en avait reçu d’Ellina Mayence, de Prudhomme, du jeune d’Estoc, de Mme Farge. Elle pensait voir Mme Pischof et toucher de l’argent, mais celle-ci rentrait à peine. À la Maison du Peuple, on avait demandé à Louise Réville qui était le Mayence du Cri de la femme. Rolande voulut expliquer au groupe l’Harmonie qu’Ellina Mayence n’avait rien de commun avec le mouchard Mayence qui avait fait arrêter Mécislas Goldberg. Le 12 janvier 1899, Mme Pischoff avait remis 50 francs à Rolande pour le Cri de la femme mais l’argent avait été dépensé, semble-t-il en nourriture.

Rolande quitta Paris pour Londres au printemps 1899, D’après Louise Réville, c’était en désespoir de cause qu’elle était à Londres, secrétaire d’un avocat. Sans que l’on sache bien le motif de son départ.

Elle avait été la maîtresse de Louis Prudhomme et "de tous les anarchistes qui l’ont voulu" selon un rapport de police qui semblait par là indiquer qu’elle pratiquait l’amour libre. À Londres, où elle habita d’abord chez Auguste Bordes, elle travailla comme couturière puis dans une fruiterie.

En mai 1901, elle adhérait au groupe des anarchistes naturiens qui se réunissait dans une salle de la rue de Maistre à Paris. Rolande y annonça qu’elle avait contribué au développement de l’idée anarchique végétarienne en Angleterre. D’une "maigreur effrayante" selon les rapports de police, elle se disait "littérateur" et s’occupait de sciences occultes.

A la réunion naturienne du 16 mai 1901, elle exposa ses vues sur l’Armée du Salut et le mouvement anarchiste anglais. Le 23 mai 1901, Rolande parla d’une colonie libertaire anglaise qui se trouvait à quelques kilomètres de Londres (Whiteway). Elle y développa le programme tolstoïste et demanda que les naturiens et tous les anarchistes deviennent végétariens et soient doux envers les animaux. Forte contradiction, la séance fut animée et tapageuse.

À la réunion naturienne du 26 mai 1901, elle annonça vouloir créer un groupe de végétariens anarchistes, nuance Tolstoï, comme le groupe de Gloucester. Elle publia alors un appel dans le Petit sou mais le journal La Fronde refusa d’insérer son communiqué : selon un rapport de police, ce journal féministe la considérait "comme trop exaltée avec son piétisme spécial et ses signes de croix devant les boucheries".

En juin 1901, Rolande fonda un groupe « Les végétariens de Paris » qui amena une dizaine d’adhérents. Il y eut confusion, au départ, les groupes naturiens, végétariens se fondant tant bien que mal, puis se réunirent dans des salles séparées de la rue de Maistre. Le Libertaire du 13 juillet 1901 annonça que le groupe en formation des Végétariens se réunissait les mardis au café 15 rue Durantin. Un appel était lancé aux libertaires humanitaires, ennemis de la mort des animaux, par Rolande, l’instigatrice du groupe.

Elle était représentante à Paris d’une société végétarienne dont faisait partie aussi Mlle Binis. La directrice de cette association, Mme Alexandrine Veigelé, 87 Praed Street, London, lui envoyait paraît-il de temps en temps un mandat poste. Cela n’empêchait pas Rolande de vivre de mendicité comme deux ans auparavant, avant son départ à Londres. A la réunion naturienne du 21 juin 1901 à 9 heures du soir, elle n’avait pas encore mangé de la journée et on dut lui faire l’aumône pour qu’elle puisse se nourrir.

Rolande ressemblait à une militante de l’Armée du Salut, elle s’habillait de bleu ou de blanc. Un camarade lui apporta le 11 juin 1901, du piqué blanc pour se faire un costume. Elle possédait des noms de végétariens riches qu’elle se promettait d’essayer d’aller « taper » de quelques pièces de monnaies.

A la réunion naturienne du 4 juillet 1901, elle amena un soldat naturien, en uniforme. Elle le couvrit de baisers ! C’était Weiss dit Tchandala, hongrois d’origine, qui revenait du Tonkin et qui publia en 1903 Le naturisme libertaire devant la civilisation.

Le 18 juillet 1901, Rolande réaffirma le programme végétarien et louangea la colonie libertaire de Passy. Elle communiqua au groupe les articles de L’Aurore et du Journal qui mentionnaient l’œuvre des tolstoïens végétariens anglais.

Le 25 juillet 1901, elle proposa qu’on s’intéressât à la prochaine promenade de Monthléry le 18 août, pour y faire un déjeuner végétarien. Les naturiens adoptèrent sa proposition.

Le 5 août 1901, Rolande enchantée s’était mise en rapports avec la colonie tolstoïenne de Christchurch qu’elle voulait prendre comme modèle pour fonder le groupe parisien. Celui qui existait en Angleterre était dû aux efforts de la famille Tcherkov et de révolutionnaires russes déserteurs du service militaire.

Le 14 août 1901, elle était toujours sans un sou et souffrait de la faim certains jours, mais était incapable de travailler. Elle habitait 23 rue de Longchamp. La veille, Mme Révillé et Bernard, pris de pitié, l’avaient fait manger. Ils avaient même affranchi une lettre qu’elle avait écrite à sa mère, Mme Fournival Mornal, 8 rue des Juifs à Odessa (Russie), et qu’elle avait sur elle depuis huit jours, faute de 25 centimes pour l’expédier.

A la réunion du 22 août 1901, Rolande annonça qu’elle irait passer un mois dans les bois pour se remettre de ses maladies nerveuses et se recueillir. Elle espérait emmener avec elle Alice Canova avec qui elle était au mieux.

Le 4 septembre 1901, elle assistait à la réunion. Elle semblait "de plus en plus toquée" selon le rapport de police, elle avait demandé de faire la prochaine causerie sur la métempsycose.

Le 5 septembre 1901, les naturiens n’ayant fixé aucun orateur pour le mardi suivant, Rolande traita « du végétarisme ». Le 19 septembre, elle n’assista pas à la réunion à cause de ses mauvais souliers qui l’empêchaient de marcher sous la pluie. Le même mois, elle organisa un banquet à bas prix pour démontrer l’application de l’idée végétarienne.

Le 8 janvier 1902, elle arriva à la réunion naturienne, habillée en velours blanc avec manteau en velours bleu. Ce fut la dernière réunion des naturiens à laquelle elle assista.

On la signala à nouveau à Londres en octobre 1902. Selon un rapport du Préfet de police de Paris, en décembre 1902 elle vivait toujours dans une profonde misère.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155009, notice FOURNIVAL Léonie, Charlotte, Félicité, Virginie [dite Rolande] [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 24 mars 2014, dernière modification le 18 avril 2020.

Par Dominique Petit

SOURCES : Archives de la Préfecture de police Ba 381,1497,1498,1508 . — Arch. Nat., fonds de Moscou, dossier individuel 19440445 art 210. —Arch. dép du Nord 5 Mi 044 R 175 — Arnaud Baubérot, Histoire du naturisme. Le mythe du retour à la nature, Presses universitaires de Rennes. p.187. — Le Libertaire, 13 juillet 1901, 20 juillet 1901, 10 août 1901, 17 août 1901. — Tanguy L’Aminot, Une lecture ouvrière de J.-J. Rousseau à la Belle-Epoque : les Naturiens, Le Caire [Egypte] : Centre d’études françaises, 1990 — Archives du Nord. Etat civil.

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