GUÉRINEAU Lucien, Louis [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy

Né à Pont-Saint-Esprit (Gard) le 15 décembre 1857, mort le 28 août 1940 ; ébéniste ; militant anarchiste et syndicaliste ; fondateur du Pot à Colle.

Fils d’un charpentier, Lucien Guérineau avait été appelé sous les drapeaux de 1878 à 1882, suite à un mauvais tirage au sort. Dès sa libération, il travailla comme ébéniste à Paris et commença à militer dans le mouvement anarchiste. D’abord membre en 1884 du groupe le Drapeau noir, il collabora au journal Terre et Liberté (Paris, 18 numéros du 25 octobre 1884 au 21 février 1885) publié par Antoine Rieffel* ; la police saccagea son siège du 3 ruelle Pellé (rue Saint Sabin) et Rieffel fut inculpé « d’excitation au pillage » et condamné en mars 1885 à deux ans de prison, 200 Francs d’amende et cinq ans de surveillance. Guérineau collabora sans doute ensuite à L’Audace (Paris, 3 numéros du 7 au 21 mars 1885) toujours situé ruelle Pellé et dont l’imprimeur gérant était V. Leperchey. Le 9 août 1885, il fut condamné à deux mois de prison pour « violences et coups à agents ».

En 1887, il était membre du groupe anarchiste de Montreuil avec entre autres Penteuil, Hensy et Bligny. Il fit ensuite partie du groupe Les Communistes des Amandiers qui se réunissait rue du Repos et où il était plus particulièrement chargé de la correspondance. C’est lui qui fut à l’origine du nouveau nom de ce groupe : Les communistes anarchistes des Amandiers. En 1888, il fut le fondateur de l’Union syndicale du meuble sculpté et de l’ébénisterie, favorable à la grève générale et opposée à la Chambre syndicale de l’ébénisterie, de tendance modérée. En 1891, il fonda avec une vingtaine de camarades du Faubourg Saint Antoine le journal Le Pot à colle (Bagnolet-Montreuil, 19 numéros du 1er mai 1891 au 26 mars 1892), organe des ébénistes dont plusieurs des gérants (E. Villaret, Bertrand) furent poursuivis et condamnés. En 1893, il participa comme délégué des ouvriers polisseurs de métaux de Paris au Congrès socialiste international tenu à Zurich.

Suite aux attentats anarchistes de 1894, il fut accusé d’appartenir à « une association de malfaiteurs » mais fut finalement acquitté en août. Il partit ensuite pour Londres où il demeura plusieurs années, entretint une correspondance avec Jean Grave* et devint le correspondant des Temps Nouveaux. En 1896, il participa au comité anarchiste londonien animé par Errico Malatesta, qui était chargé d’appuyer la position antiparlementaire au congrès socialiste international de Londres. Guérineau fit ensuite partie de la délégation française à ce congrès, avec un mandat du syndicat des polisseurs sur métal de Paris. Il se fixa ensuite à Bruxelles d’où il collabora à une nouvelle série du Pot à Colle (Paris, 10 numéros du 20 juillet 1898 au 11 février 1899) et dont il fut expulsé le 24 juin 1899 pour « participation à l’agitation révolutionnaire ».

Revenu à Paris, il fit partie en 1899 des collaborateurs du Journal du Peuple (Paris, 299 numéros du 6 février au 3 décembre 1899) quotidien fondé par Sébastien Faure* lors de l’affaire Dreyfus dont il prit la défense. Etabli ébéniste, 6 rue Garreau (Paris 18), sous la raison sociale « Guérineau & Aussel », il habitait alors 55 rue du Pont Vert à Bagnolet dans un pavillon qui lui appartenait. Il collabora sans doute alors à la dernière série du Pot à Colle (Paris, 6 numéros de mai à décembre 1901) dont le gérant était Luis Protat.

Le dimanche 19 février 1905, il participa comme conférencier avec Malato* à la fête de propagande libertaire organisée par l’Union ouvrière de l’ameublement avec le concours entre autres de Gaston Couté*, Paul Paillette*, Jehan Rictus et le père La Purge (Constant Marie*).

Après la mort de Pierre Martin* en août 1916, il fut désigné comme l’un de ses exécuteurs testamentaires et assista pendant la guerre à plusieurs réunions du groupe Les amis du Libertaire. Il collabora également à l’organe La Plèbe (Paris, 4 numéros du 13 avril au 4 mai 1918) dont le gérant était Alignier et qui s’était prononcé en faveur des thèses contre la guerre adoptées à Zimmerwald en août 1915. Opposant déterminé à la guerre, il condamna les signatairres du Manifeste des 16 et dans une lettre à Max Nettalu*, datée du 17 octobre 1919, écrivait : "Non, nous n’avons jamais voulu la guerre, j’ai été du clan des camarades trop peu nombreux qui l’int toujours combattue... C’est avec peine que je vis une partie des camarades des Temps Nouveaux faire chorus avec les étatistes, avec les patriotes, je ne leur pardonnerai jamais." (cf. Fonds Nettalu, IISG).

Après la guerre, il reprit sa collaboration avec plusieurs journaux anarchistes. Dans le Libertaire dont il fut l’un des administrateurs et un collaborateur régulier, sous le titre « Ceux d’en bas », il évoquait la constitution en 1887 du syndicat des hommes de peine « qui certes fit quelque esclandre dans le monde des réguliers » et il ajoutait « comme aujourd’hui, les inqualifiés étaient des révolutionnaires » à qui il faut faire place dans les syndicats, car « dans la tourmente insurrectionnelle, ils seront à l’avant-garde » (Libertaire, 24 février 1922). Il était à la même époque rédacteur occasionnel de la Revue Anarchiste (Paris, 35 numéros du 28 janvier 1922 au 10 août 1925 ) publiée par S. Faure auquel il donna l’article « International » paru dans l’Encyclopédie anarchiste.

Il participa également, soit par l’écrit soit en personne, à plusieurs congrès de l’Union Anarchiste (août 1923, novembre 1925, juillet 1926, etc). Lors du congrès tenu à Paris les 12-13 août 1923 il fut nommé à l’administration du Libertaire quotidien avec entre autres Lucien Petit, Anseaume, S. Faure et P. Lentente*. En janvier 1924, il soutint au nom de l’Union anarchiste la création du groupe de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie dont le secrétaire était Jacques Reclus*. Le 25 avril 1927, il fut désigné comme représentant de l’Union anarchiste communiste au conseil d’administration de la Librairie d’éditions sociales. Fin 1927, refusant les nouveaux statuts adoptés lors du congrès tenu à Paris les 30 octobre-1er novembre, il quitta l’Union Anarchiste Communiste et participa à la fondation de l’Union fédéraliste des anarchistes communistes révolutionnaires (puis Association des Fédéralistes Anarchistes) avec entre autres Antignac*, Sébastien Faure et P. Lentente. Il collabora au bulletin édité par l’AFA, Le Trait d’union libertaire (Paris, 4 numéros et un suppl. de janvier à avril 1928) puis fut le correspondant à Bagnolet de son organe Voix Libertaire (Limoges, 1929-1939).

Guérineau participa également aux congrès nationaux anarchistes de Paris (19-21 avril 1930) et de Toulouse (17-18 octobre 1931). Secrétaire du syndicat autonome de l’ameublement depuis 1925, il en devenait le trésorier en mars 1931. Il appartint ensuite à la CGTSR et collabora jusqu’à la Seconde Guerre mondiale à son organe Le Combat Syndicaliste (1926-1939) où en mai et juin 1937 il publia une partie de ses mémoires.

A la déclaration de guerre en août 1939, Guérineau quitta Bagnolet pour aller dans sa famille à Auvers-sur-Oise. C’est là qu’il mourut un an plus tard, le 28 août 1940.

Très lié à Max Nettlau, L. Guérineau avait entretenu avec ce dernier une importante correspondance qui est conservée à l’Institut d’histoire Sociale d’Amsterdam.

Outre les titres cités ci-dessus, L. Guérineau avait également collaboré à L’Ouvrier en meuble (Paris, 1901-1914 ? puis 1915 ? -1939 ?), organe de la Fédération nationale de l’ameublement, au Réveil de l’esclave (Paris, 1902-1903), et à La Revue internationale anarchiste (Paris, 8 numéros de novembre 1924 à juin 1925) dont le gérant fut Férandel*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155016, notice GUÉRINEAU Lucien, Louis [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy, version mise en ligne le 25 avril 2014, dernière modification le 18 janvier 2018.

Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy

SOURCES : Arch. R. Bianco — Notes de R. Bianco, de D. Dupuy & M. Enckell — R. Bianco, "Un siècle de presse anarchiste d’expression française 1880-1983", Aix-Marseille I, 1987 — Le Pot à Colle — Le Temps, 30 juillet 1896 — Actes du congrès socialiste international de Londres (1896) — Combat Syndicaliste, 4 juin 1937 et suivants — Fonds Nettlau, IISG.

ICONOGRAPHIE : Site "Cartoliste" collection E.B-C (photo prise en 1915 à Bagnolet)

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