BARIL René, Antoine [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy, Guillaume Davranche

Né le 21 juin 1892 à Paris 10e, mort le 10 février 1964 à Brillon (Oise) ; cimentier ; anarchiste.

BARIL René (1933)
BARIL René (1933)
cc Arch. Nat F7/14787

Fils d’une ouvrière journalière, Alexandrine Sauseau, et d’un père inconnu, le petit René prit le patronyme de Baril de l’homme qui épousa sa mère en juillet 1895.

Son registre matricule, en partie illisible et encombré de nombreuses feuilles additionnelles, laisse planer bien des zones d’ombre sur son parcours militaire. René Baril fut appelé au service militaire en 1912 au 90e régiment d’infanterie, puis fut transféré en section spéciale (disciplinaire). A partir du 4 avril 1913, il était affecté en Algérie et au Maroc.

Est-ce à cette époque du « Bat’ d’Af’ » qu’il se couvrit de tatouages ? Son registre matricule et une fiche anthropométrique mentionnent sur les bras : une tête de femme, une tête de soldat disciplinaire ; sur la poitrine : « Martyr militaire » et « À bas l’armée » ; sur l’avant-bras : un clown, un marin ; sur l’épaule « Vive Valet et Carouy » ; par ailleurs des drapeaux, une ancre, « 1892 », « À Biribi »…

Quand la Grande Guerre éclata, il fut envoyé au front, et fit campagne jusqu’au 23 juin 1915. Il fut ensuite évacué, probablement blessé. Sa situation militaire devient alors confuse.

Il semble qu’il ait ensuite été sanctionné pour « propagande anarchiste » (jugement exécutoire du 27 août 1915). Le 9 septembre 1915, le tribunal correctionnel de la Seine l’aurait condamné à deux mois de prison pour escroquerie. En juillet 1916, il était réputé habiter 16, rue Rébeval, à Paris 19e.

Le 31 janvier 1917, il fut arrêté avec André Chaumard, Alfred Joriot, Félix Hautelard et Fernande Richir pour avoir distribué sur la voie publique le tract « Du Charbon ou la paix », signé « Un groupe de mères de familles ». Le 19 mars, il fut condamné à quatre mois de prison pour propagande antimilitariste ; ses co-inculpés furent condamnés à trois mois et Fernande Richir à quinze jours.

Il fut libéré de la prison de la Santé le 1er mai 1917 et se précipita aussitôt à la manifestation convoquée par la minorité de la CGT où, selon lui, il aurait été l’un des premiers à frapper « sur les agents avec un boudin en caoutchouc » (rapport de police, 21 mai 1917).

Le 20 mai 1917 il participa à la sortie champêtre organisée à l’étang de Villeneuve (Garches) par le groupe des Amis de Ce qu’il faut dire de Paris 20e. Au cours de cette sortie qui réunit une trentaine de participants dont Louis Descarsin, E. Armand, Ferlin, Raoul Vigo, Grandin, Floscher et Laubie, Baril s’exerça, selon la police, à tirer sur un arbre avec un Browning. Dans le train qui les ramenait à Paris, les excursionnistes auraient crié « A bas la guerre », « Vive l’anarchie ! », « A bas Poincaré l’assassin » et chanté divers hymnes révolutionnaires dont L’Internationale, Ni dieu ni maître et Révolution (cf. ibid.).

Soutien fervent de la Révolution russe, il cosigna, au nom du Libertaire, le manifeste « La Révolution russe et les syndicalistes » paru dans La Tranchée républicaine du 8 août 1917, qui prenait position en faveur des « socialistes maximalistes et anarchistes russes » réprimés après l’échec des journées insurrectionnelles de juillet à Petrograd (voir Henri Einfalt). Il habitait alors vraisemblablement au 10, rue des Amandiers, à Paris 20e.

Le 29 novembre 1917, il fut signalé comme insoumis de la classe 1912.

Le 19 janvier 1918, il fut arrêté pour braconnage en forêt de Rambouillet, porteurs de papiers d’identité au nom de Léon Aubier, mais fut rapidement identifié. Le 23 avril, le tribunal correctionnel de Rambouillet le condamna par défaut à deux mois de prison et 200 francs d’amende. Il était alors en fuite sans domicile connu.

Le 30 juillet, une lettre de dénonciation révéla qu’il vivait au 2, ruelle de l’Alma, à Chennevière, en Seine-et-Oise, avec sa compagne du nom de Henriette Boly (épouse Bobitsch). La lettre, anonyme, l’accusait de ne vivre que de « vol et de braconnage », signalait qu’il était « connu pour ses propos défaitistes, se mêlant de toutes les grèves », et ajoutait qu’il était « couvert partout le corps de tatouages, dont sur le front il a gravé À Biribi et sur la poitrine À bas l’armée ».

Le 19 octobre 1918, le 3e conseil de guerre le condamna à trois ans de prison pour insoumission en temps de guerre. La peine fut aussitôt mise en suspens en vertu de la circulaire ministérielle du 20 septembre 1914, et, dix jours plus tard, René Baril fut envoyé sur le front, au 1er bataillon de marche d’infanterie légère d’Afrique.

Le 6 novembre 1918, il fut porté comme déserteur. Le 8 mai 1919, il fut arrêté au 42, avenue du Commerce, à Chelles, chez Berthe Bobitsch. Il fut renvoyé au « Bat’ d’Af’ », au 5e bataillon d’infanterie légère d’Afrique à Gabès (Tunisie). Il fut démobilisé le 12 août 1919.

En 1920-1921, il militait à la Fédération des jeunesses anarchistes (FJA), et fut brièvement administrateur-gérant de son journal, La Jeunesse Anarchiste. En 1921, il fut arrêté avec Albert Duchardes et Raymond Hans pour avoir distribué le tract de la FJA intitulé « À la jeunesse française ». Il fut interné à la prison de la Santé.

Début mars, il laissa Berthe Bobitsch et les deux enfants qu’il avait eu d’elle à sa mère, 76 rue Rébeval, et partit pour Saint-Quentin (Aisne), pour travailler comme cimentier.

Le 26 mars 1921 le 4e conseil de guerre de la place de Paris lança contre lui un mandat d’arrêt pour désertion en présence de l’ennemi.

Le 15 avril, alors que le commissaire Faralicq perquisitionnait les locaux du Libertaire au sujet du tract « Aux jeunes soldats, à ceux qui vont partir », René Baril parvint à s’échapper. Mais il fut arrêté peu après, à Paris 9e. Il avoua être l’auteur de tract, et en avoir diffusé à profusion dans l’Aisne. On trouva sur lui, entre autres, un exemplaire du journal Le Raffût, un de La Jeunesse anarchiste, des papillons gommés anarchistes, des bulletins d’abonnement à La Jeunesse anarchiste, une lettre à Louis Lecoin.

Le 6 juillet 1921, il passa devant la commission de réforme où on lui diagnostiqua un reliquat d’adénite cervicale (séquelle d’une blessure de guerre ?), impliquant une invalidité inférieure à 10%. Par la suite son état se détériora peu à peu. Il repassa devant la commission de réforme en 1923, 1925 et 1927 ; cette dernière devait lui diagnostiquer 15% d’invalidité, et le proposer pour une pension permanente.

Le 29 juillet 1921, il fut arrêté rue Rébeval et inculpé de provocation au meurtre.

Le 9 novembre 1921, il fut déclaré par le conseil de guerre non coupable d’insoumission en temps de guerre.

En février 1923 il figurait sur une liste établie par la police de militants disparus du département de la Seine et recherchés.

Le 25 juillet 1925, il épousa au Mans (Sarthe) Marthe Blanche Louise Bignon.

Le 13 novembre 1925, il fut arrêté par la police, qui le soupçonnait d’être au centre d’une bande de cambrioleurs à Belleville. Il habitait alors 54, rue des Couronnes, à Paris 20e. Il ne fut cependant pas condamné dans ce cadre.

Le 9 avril 1932, il se remaria à Hodenc-en-Bray (Oise) avec Louise Derivery. Il habita désormais dans cette ville où, dans les années 1934-1935, il subit au moins onze condamnations pour braconnage ou colportage de gibier prohibé.

Le 27 septembre 1939, il fut réformé définitivement pour des problèmes pulmonaires, et des séquelles de son adénite cervicale.

René Baril est mort accidentellement dans l’Oise en février 1964. Louis Lecoin écrivit de lui : « C’était un voyou, mais un voyou sympathique par bien des côtés. Il fut souvent très courageux au cours de son existence. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155124, notice BARIL René, Antoine [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, Guillaume Davranche, version mise en ligne le 23 avril 2014, dernière modification le 29 novembre 2022.

Par Rolf Dupuy, Guillaume Davranche

BARIL René (1933)
BARIL René (1933)
cc Arch. Nat F7/14787

SOURCES : Etat civil et registres matricules de la Seine. — Arch. Nat. F7/14787. — CQFD, année 1917. — La Jeunesse Anarchiste, année 1921. — Le Petit Parisien, 13 novembre 1925. — Liberté n°101, 1er mars 1964 (nécrologie de Lecoin). — René Bianco, « Un siècle de presse… », op. cit). — Rapport de police, 21 mai 1917 (Dossier E. Armand).

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