DARNAUD Émile

Par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell

Né le 15 mars 1826 à Toulouse (Haute-Garonne) ; mort à Foix (Ariège) en septembre 1914. Militaire puis avocat, maire de Roquefixade (Ariège) ; sympathisant anarchiste.

En mai 1871, Darnaud, capitaine d’un régiment de zouaves, combattait dans les rangs versaillais et fut blessé. Contrairement à ce qu’écrivait la première version du « Maitron », ce n’est pas "celui qui fit connaître à Sicre la personnalité de Varlin" : selon le témoignage publié par Lissagaray et repris dans la Vie ouvrière (5 mai 1913), le lieutenant Sicre arrêta Eugène Varlin alors qu’il se rendait au chevet de Darnaud.

Celui-ci passa en tout vingt-trois ans à l’armée (lettre à J. Grave, 4 octobre 1900). C’est en 1884 qu’il publia ses premiers articles dans le Révolté (20 janvier et 16 mars). Dans la brochure Radical ou anarchiste (Paris, Bureau de La Révolte, 1888), il estimait que la révolution libertaire devait venir de la campagne : « … il faut conquérir les paysans à la révolution et leur faire comprendre que les travailleurs des villes n’entendent pas diriger les travailleurs des champs ; que ces derniers, une fois maîtres de la terre, s’organiseront librement au mieux de leurs intêrets…le p aysan et l’armée, voilà les deux objectifs d’une vraie propagande socialiste… Tant que nous n’aurons pas gagné, amené le paysan à nos doctrines, nous nous agiterons en vain… »

Emile Darnaud écrivait dans sa correspondance avec Jean Grave : « …je suis votre disciple ; puisque tous ces articles à qui je dois mon éducation anarchistes, sont de vous, ce que j’ignorais » (28 février 1890). « A moi, vieux bourgeois, il me fallait Grave, c’est-à-dire un travailleur pour de bon, un connaisseur pour de bon et un militant aussi tenace et dévoué que raisonnable et vraiment modeste » (2 mars 1890).

En 1881, il avait été élu maire de Roquefixade, comme avant lui son père et son grand-père. Démissionnaire en 1886, il fut remplacé par un parent et ami. Il fut réélu le 3 mai 1896 par 117 suffrages sur 122 votants alors qu’il était absent de la commune et, à l’unanimité, choisi comme maire. Il le resta jusqu’en 1912, tout en étant avocat à la ville voisine de Foix.

Polygraphe impénitent, il entretint une vaste correspondance avec Charles Letourneau, Pierre Kropotkine, Jean Grave, Jacques Gross, Augustin Hamon, Louise Michel, Max Nettlau, et surtout avec Nelly Roussel, son mari Henri Godet et leur fille Mireille Godet. Il se déclarait féministe mais ses opinions en la matière étaient plutôt conservatrices. Il préfaça un recueil d’articles de Nelly Roussel, Quelques lances rompues pour nos libertés (Paris, Giard et Brière, 1910).

Darnaud publia un très grand nombre de brochures, recueils d’articles du Révolté ou de la Révolte, résumés d’ouvrages (La Société future de Jean Grave), copies de correspondances, quelques œuvres de tiers (Anarchie et communisme de Carlo Cafiero) ; d’autres portent sur l’histoire locale de Roquefixade et du département de l’Ariège.

En été 1914, il s’enthousiasma pour la force de la mobilisation française mais ne vit pas la suite de la guerre, puisqu’il mourut début septembre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155171, notice DARNAUD Émile par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell, version mise en ligne le 24 mars 2014, dernière modification le 30 décembre 2018.

Par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell

ŒUVRE : Une trentaine de brochures, parfois réimprimées et traduites en portugais, hollandais, italien et s’échelonnant de 1886 à décembre 1913, sont de la période anarchiste de Darnaud, dont : Les travailleurs des villes aux travailleurs des campagnes (1888) — Les églises et l’Etat (1886) — La Marianne, recueil de notes sur la politique des paysans (1886) — Lettre d’un militant à un néophyte (1888) — Radical ou anarchiste (1888) — Le Cri du peuple (1888). Une brochure de 1876, Vagabonds et Mendiants : Étude de Droit pénal, 78 p. fut « mise en harmonie avec les idées nouvelles de l’auteur » en 1890.
Sa correspondance se trouve à l’IFHS (Paris), à l’IISG (Amsterdam) et à la Bibliothèque Marguerite Durand (Paris), qui conserve aussi des photos de lui.

SOURCES : Lissagaray, Histoire de la Commune de Paris, appendice XXXVI — Mairie de Roquefixade, 1er juin 1896 et 8 février 1899, Bibliothèque nationale (4° Lk 7/30 255 et 4° Lk 7/31 705) — Lettre de son petit-fils Charles Darnaud, professeur à la Faculté de médecine de Toulouse (21 avril 1972) — J. Grave, Quarante ans de propagande…, op. cit. — Notes de Gui Malouvier et de Rolf Dupuy — Elinor Accampo, Blessed Motherhood, Bitter Fruit, Nelly Roussel and the politics of female pain in Third Republic France, Baltimore 2006 — Max Nettlau, Geschichte der Anarchie, vol. 5.

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