LE GALL Jules, Louis [Dictionnaire des anarchistes]

Par Georges-Michel Thomas, Jean-Yves Guengant, Rolf Dupuy

Né le 13 décembre 1881 à Brest (Finistère), mort en déportation le 13 juin 1944 à Buchenwald ; ouvrier à l’Arsenal de Brest, libraire, puis quincaillier ; militant anarchiste et syndicaliste ; franc-maçon.

Fils de Louis, Eugène Le Gall et d’Émeline Charpentier, Jules Le Gall travailla d’abord à l’Arsenal de Brest, comme chaudronnier dans le même atelier que Victor Pengam. Ensemble, ils fondèrent en 1903 un des premiers groupes de la Jeunesse syndicaliste, qui devait compter jusqu’à une soixantaine de jeunes ouvriers de l’Arsenal.

Le 4 juillet 1904, suite aux importantes grèves de mai-juin, était créée la bourse du travail de Brest, dont Le Gall fut le secrétaire et Pengam le trésorier. En septembre, Le Gall fut délégué au congrès confédéral CGT de Bourges. Le 3 octobre 1905 il était poursuivi avec Pengam pour « incitation de militaires à la désobéissance » mais fut finalement acquitté en janvier 1906. Il fut également délégué au congrès confédéral CGT d’Amiens, en octobre 1906.

Le 4 mai 1906, suite à une perquisition à la Bourse du travail, il fut arrêté avec 17 autres militants syndicalistes.

Le 1er mai 1907 il prononça un discours où il déclarait notamment : « La société est pourrie et il ne faut reculer devant rien pour la renverser ! Soyons prêts à nous faire trouer la peau pour maintenir nos droits et s’il faut répandre du sang, répandons-en ! ». Suite à ce discours, il fut arrêté le 29 août pour « incitation au meurtre et au pillage » et interné au droit commun à la prison du Bouguen, à Brest. Au bout de soixante jours, il fut traduit devant la Cour d’assises de Quimper, où il fut défendu par Me Lévy-Oulmann. Le 28 octobre 1907, il fut condamné à trois mois de prison ferme. Dans sa déclaration à la cour, Jules Le Gall avait déclaré : « Je ne suis ni un saint, ni un sanguinaire, je suis tout simplement révolutionnaire et je le revendique. Je suis révolutionnaire parce que j’ai souffert, parce que j’ai vu les gens souffrir, parce que je vois partout souffrir. Lorsqu’à l’âge de 10 ans je perdis mon père, j’ai su ce qu’était la souffrance. » Dans le dossier d’instruction, il était précisé : « C’est un travailleur et un laborieux. Et c’est aussi un homme de cœur qui fut l’unique soutien de sa grand-mère et de sa mère, sans parler de son frère infirme. »

À son retour en gare de Brest, le 1er décembre 1907, Jules Le Gall fut fêté par une manifestation ouvrière qui occasionna quelques bousculades avec la police. Désormais licencié de l’Arsenal, Jules Le Gall devint gérant d’une librairie coopérative, fondée, en partie, avec le produit d’une tombola organisée par un comité présidé par Victor Pengam.

Une fiche individuelle de police datée du 1er février 1909 décrivait ainsi Jules Le Gall : « célibataire, 1 m 63, front découvert, menton pointu, cheveux châtain, yeux châtain clair [...]. » La même année, il était inscrit au carnet B. Il habitait alors au 1, rue de la Porte.

Ne pouvait plus être syndiqué, Jules Le Gall se recentra sur la propagande libertaire. Il créa tout d’abord un groupe lié à La Guerre sociale de Gustave Hervé, qui vécut deux ans. Il collabora également au Prolétaire breton où il se faisait un ardent propagandiste de la grève générale et de l’insurrection.

À l’occasion des élections législatives du printemps 1910, il participa à la campagne antiparlementaire (voir Jules Grandjouan) et fut candidat abstentionniste dans la 1re circonscription de Lorient.

En 1911, ayant sans doute rompu avec l’hervéisme, il animait un groupe lié aux Temps nouveaux de Jean Grave. En décembre 1912 le groupe adhérait au Comité d’entente des groupes d’avant-garde qui menait à Brest la propagande contre la guerre. Il collaborait occasionnellement à La Bataille syndicaliste.

Jules Le Gall tint par la suite une quincaillerie. En août 1913, il fut délégué au congrès national anarchiste de Paris, où il s’opposa aux critiques trop vives adressées à la CGT. À l’instar de Sébastien Faure, il y fit également un bilan mitigé des campagnes abstentionnistes. Par la suite, il fut le secrétaire du groupe brestois de la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR). Il habitait alors au 69, rue Louis-Pasteur.

Quelle fut son attitude durant la Grande Guerre ?

Un rapport de police de 1920 le caractérisait ainsi : « Éducateur de la jeunesse syndicaliste, anarchiste, orateur violent. » Début janvier 1921, il fut initié à la loge maçonnique des Amis de Sully du Grand Orient de France.

Il était également président de la section brestoise du Comité de défense sociale et, en janvier ou février 1921, reconstitua un groupe libertaire avec entre autres René Martin*, René Lochu*, Paul Gourmelon* et Jean Treguer*. Le groupe se réunissait à la Maison du peuple (ancienne bourse du travail du 14, rue Guyot). Il animait également un groupe théâtral pour lequel il écrivit quelques pièces (dont Manant, voici le soleil). Il fut sans doute arrêté lors des nombreuses perquisitions effectuées début juillet 1925 à la Maison du peuple et chez plusieurs militants anarchistes et communistes de Brest.

De 1925 à 1935 il collabora au Libertaire organe de l’Union anarchiste (UA) En 1927 il aurait rencontré Makhno et collaborait au journal brestois Le Flambeau (voir René Martin). Membre du Comité Sacco-Vanzetti, il présida le 8 août 1927 le meeting en leur défense à Brest.

Les 30 et 31 mai 1936, Jules Le Gall, vénérable de la loge Les Amis de Sully, présida le congrès des loges de l’Ouest. Pendant la guerre d’Espagne, il participa au soutien aux antifascistes.

En août 1940 il fut arrêté par la police et interrogé sur les activités de sa loge maçonnique dans le cadre des lois sur la répression des sociétés secrètes. En décembre 1940, il fut interrogé par la Gestapo, puis en juillet 1941 arrêté à son domicile de Recouvrance et incarcéré à la prison maritime de Pontaniou à Brest. En avril 1943 il fut transféré au camp de Royallieu à Compiègne d’où, le 17 janvier 1944, il fut déporté avec 1 942 autres détenus politiques au camp de Buchenwald. Il y fut enregistré sous le matricule 41186. Il y mourut vraisemblablement d’une gangrène.

En 2008, le conseil municipal de Brest donna son nom à un jardin, en rappelant dans la délibération son appartenance à la franc-maçonnerie et son anarchisme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155216, notice LE GALL Jules, Louis [Dictionnaire des anarchistes] par Georges-Michel Thomas, Jean-Yves Guengant, Rolf Dupuy, version mise en ligne le 11 mars 2014, dernière modification le 5 décembre 2021.

Par Georges-Michel Thomas, Jean-Yves Guengant, Rolf Dupuy

ŒUVRE : Manant, voici le soleil (pièce donnée à la Maison du peuple à Brest).

SOURCES : Arch. Nat. BB 18/2272, F7/13567, 13053 et 13602. — Arch. Dép. Finistère série M non classée. — État civil de Brest — Le Petit Journal, 31 août 1907 — La Guerre sociale, 30 octobre 1907 — Le Réveil du Finistère, novembre 1907 — Messidor, 2 décembre 1907. — L’Égalitaire, 10 novembre 1907. — Le Semeur, 9 janvier 1908. — L’Humanité, 23 et 30 octobre 1907. — L’Ouest-Éclair du 25 avril 1910 — Gérard Baal, La Bourse du Travail de Brest, 1904-1914, Mémoire de maîtrise, 1971 (CHS du XXe siècle). — La personnalité de Jules Le Gall est évoquée avec une photographie dans René Lochu, Libertaires, mes compagnons de Brest et d’ailleurs, Éd. La Digitale, Quimperlé, 1983, 210 p. — Marie-Noëlle Salaun, Les Anarchistes dans le Finistère entre les deux guerres : Brest, enclave libertaire (1918-1939), mémoire de maîtrise, Brest, 1990 — Jean-Yves Guengant, Brest et la franc-maçonnerie, Les Amis de Sully des origines à nos jours, Éditions Armaline, 2008. — Jean-Yves Guengant, Nous ferons la grève générale. Jules Le Gall, les anarchistes et l’anarcho-syndicalisme à Brest et en Bretagne, Rennes, Éditions Goater, 248 p. — Le livre mémorial de la déportation donne, par erreur le 13 février 1881 comme date de naissance. — Mémorial de Buchenwald, GedenKstätte Buchenwald, Weimar-Buchenwald — Note de Jean-Pierre Besse et de Claude Pennetier — Documents transmis par Jean-Yves Guengant.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable