BALANCHE Jeanne, Léonie

Par Jean Maitron, Maurice Moissonnier

Née le 21 avril 1896 à Lyon (Rhône), morte le 27 octobre 1989 à Bron (Rhône) ; institutrice ; militante lyonnaise du syndicat des instituteurs, secrétaire pédagogique nationale, membre des groupes féministes, rédactrice de la rubrique « la vie scolaire » dans l’École émancipée.

Issue d’une famille de cinq enfants, Jeanne Balanche fut soumise à la férule d’un père conservateur et autoritaire qui exerçait la profession d’expert-comptable. Elle fut élève de l’École normale d’institutrices de Lyon entre 1913 et 1916 et, en 1923, adhéra au Syndicat unitaire de l’Enseignement. Elle aima profondément son métier :" c’est une garantie de bonheur pour toute une vie" écrivit-elle après sa retraite à Jean-Pierre Bernet.

À partir de 1926, elle figura au conseil syndical où elle assuma des responsabilités variées : secrétaire corporative (1927-1928), secrétaire à la propagande (1928-1929). Au début des années 1930, son activité dans le domaine pédagogique se précisa comme en témoigne la fréquence de ses articles dans l’École Émancipée et sa promotion au poste de secrétaire pédagogique du bureau présidé par Jean Aulas en 1929-1930. L’année scolaire suivante, 1930-1931, dans le bureau dirigé par Gilbert Serret, elle accepta la charge de secrétaire corporative. Elle participa à l’activité des groupes féministes qu’elle ne cessa cependant de ne considérer que comme une organisation secondaire. Elle resta très attachée à la majorité fédérale.

En 1929, alors qu’elle exerçait à Francheville (Rhône), elle donna son adhésion au Parti communiste et devint la secrétaire de la cellule locale mais en novembre-décembre elle fut exclue pour insubordination ainsi que Bernard malgré les protestations de ses camarades de cellule ; elle s’obstinait à nier la « radicalisation des masses » et l’accentuation de la répression.

En 1935, après la réunification, elle cessa de militer dans son syndicat tout en restant fidèle à l’École Émancipée. Elle adhéra à une société de libre pensée sans y militer. Une de ses sœurs était aussi institutrice et syndiquée.

En dépit de sa jeunesse et nonobstant ses responsabilités, Jeanne Balanche sut garder sa personnalité et son indépendance. Elle était de ces militantes qui se décrient à l’envi : « J’ai accroché quelques grelots. C’est tout. J’ai fait figure de militante » écrivait-elle le 19 novembre 1971 à Anne-Marie Sohn à qui elle apparut comme une institutrice heureuse d’avoir fait classe et qui dépensa des trésors d’imagination pour renouveler son enseignement s’attirant d’ailleurs des tracasseries de la part des parents, de l’Administration quand ce n’était pas des collègues.

On doit souligner la rare émancipation des sœurs Balanche dans le milieu petit-bourgeois dont elles sortaient. La culture, l’indépendance pécuniaire furent les moteurs de leur révolte intellectuelle. Jeanne Balanche incriminait « son esprit de contradiction » mais des expressions voisines ont fréquemment été employées par d’autres institutrices du même âge pour qualifier un esprit critique estimé incongru chez une jeune fille de l’époque. L’amour de la discussion, dont Jeanne Balanche mentionnait elle-même la permanence, était confirmé par des témoins. La vivacité et l’alacrité des réparties le complètent. Anne-Marie Sohn a de même personnellement goûté, l’humour, l’art des formules piquantes dont elle émaillait ses lettres. La pratique constante de la critique, jointe à l’individualisme bien affirmé, l’éloignèrent de tout parti, de toute organisation politique et elle ne resta qu’un an au PC dont elle fut exclue, on l’a vu pour « insubordination ». Elle constatait d’ailleurs son incapacité à s’insérer dans un groupe. Il n’en reste pas moins qu’elle fut l’une des plus solides adeptes de la FUE ; elle continua en retraite à recevoir l’École Émancipée. Elle y trouvait la liberté d’action, un souffle révolutionnaire et la « camaraderie hommes-femmes si attachante » et neuve dans une société aux sexes encore séparés, qui la retinrent définitivement. Elle avait trop assimilé son idéal pour accepter les compromis de la fusion et elle ne milita pas au SNI. Retraitée, elle cultiva son jardin dans sa villa « Candide ».

Un de ses anciens élèves, Jean-Pierre Bernet, témoigne en 2013 :" Jeanne Balanche qui fut mon professeur d’histoire et de français de 1949 à 1953 dans un Cours Complémentaire d’un quartier ouvrier du 2e arrondissement à Lyon. Ce quartier situé après la gare de Perrache,en se dirigeant vers le confluent, n’était pas fréquenté par la bourgeoisie lyonnaise. On y trouvait les prisons, un terrain vague où fut construit plus tard le Marché Gare et qui servait de surface de sport pour les élèves. Jeanne Balanche m’a surtout laissé un souvenir inoubliable en français sans omettre une grande défenseure de la laïcité ; elle protégeait sans relâche toute intrusion étrangère à l’école ! Je me souviens d’une anecdote où le clergé du quartier avait chargé un élève de notre classe de distribuer une revue "CATHO" dans l’enceinte du cours complémentaire. C’est la seule fois où je la vis réagir avec violence. Après 1953, j’entrai dans un lycée technique où le français passait au second plan. Le goût que j’ai gardé pour l’histoire et la lecture, je le dois à Jeanne Balanche. Aucun enseignant(e) ne m’a laissé autant de traces".

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15524, notice BALANCHE Jeanne, Léonie par Jean Maitron, Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 25 août 2022.

Par Jean Maitron, Maurice Moissonnier

SOURCES : Arch. Nat. F7/13117, rapport du 22 novembre 1929, F7/13123, année 1930. — Anne-Marie Sohn, Féminisme et syndicalisme. Les institutrices de la Fédération unitaire de l’enseignement de 1919 à 1935, thèse de 3e cycle, Nanterre. — Témoignage de Jean-Pierre Bernet et note de Gil Bernet.

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