Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche
Né le 13 décembre 1890 à Paris 18e, mort le 18 août 1969 ; publiciste ; anarchiste individualiste, puis anarchiste-communiste, puis socialiste, puis radical.
D’une famille de huit enfants, frère de Léon et Albert Goldschild, Jean Goldschild dut quitter l’école à l’âge de 13 ans. Son père Gustave était un vieux militant républicain qui fut pendant six ans président de la section Combat-Villette de la Ligue des droits de l’homme et secrétaire de la section PS de Paris 19e.
Sous le nom de Goldsky, il adhéra très jeune au mouvement libertaire. Il fut le benjamin du groupe d’anarchistes qui fonda en octobre 1906 la colonie communiste de Saint-Germain-en-Laye (voir Lorulot). Cette expérience se solda par un échec et prit fin à l’automne de 1908.
En avril-mai 1907, il participa à la campagne abstentionniste initiée par l’hebdomadaire L’Anarchie.
En août 1907, il fut signataire de l’affiche de l’AIA « Aux crimes, répondons par la révolte » (voir Eugène Mouchebœuf). Pour cela, il fut condamné le 15 septembre à trois ans de prison.
Goldsky fut par la suite, pendant plusieurs années, un des rédacteurs en vue de La Guerre sociale. Avec Miguel Almereyda, Eugène Merle, Tissier* et Emile Dulac notamment, il faisait partie des « anarchistes de la GS » tandis que leurs collègues Hervé, Perceau, Jobert, Madeleine Pelletier ou Méric appartenaient au Parti socialiste.
En avril 1909 fut formée la Fédération révolutionnaire (voir René de Marmande). Almereyda, Merle et Goldsky furent membres de sa section de Paris 18e et firent partie de son 2e comité fédéral.
Le 24 mars 1910, il fut parmi les 16 signataires de l’affiche « À bas Biribi » imprimée par le CDS pour réclamer justice dans l’affaire Aernoult-Rousset (voir Albert Dureau). Les 16 comparurent aux assises le 4 juillet et furent acquittés.
De 1910 à 1913, Goldsky eut une évolution politique similaire à celle de Gustave Hervé. Après avoir soutenu le projet d’un Parti révolutionnaire en 1910, il fit siens les concepts de « militarisme révolutionnaire » en 1911, puis de « désarmement des haines » (entre la CGT et le PS). Lors de la formation de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC) en novembre 1910, il proposa en vain que la nouvelle organisation se constitue en section du futur Parti révolutionnaire.
À partir d’avril 1911, Goldsky figura au comité exécutif des Jeunes Gardes révolutionnaires mis sur pied par La Guerre sociale (voir René Dolié et Miguel Almereyda). Le 7 octobre 1911, avec ses camarades de La Guerre sociale, il comparut devant les assises de la Seine pour la séquestration de Bled, Dudragne et Métivier (voir Miguel Almereyda), et il fut acquitté.
La GS du 25 octobre 1911 annonça son départ pour le régiment. Goldsky allait mettre en pratique le « militarisme révolutionnaire » de La GS. Il fut transféré de sa première garnison, à Épinal, à l’Ile-d’Aix puis, suite à ses réclamations et à celles de ses amis, ramené à La Rochelle, au 3e régiment d’artillerie à pied.
Le second trimestre 1912 vit la rupture publique de Goldsky avec l’anarchisme. Au printemps 1912, il cosigna la déclaration publiée dans La Guerre sociale du 8 mai, qui annonçait la rupture du journal avec l’abstentionnisme et l’antiparlementarisme.
Pendant ce temps, au régiment, il gagnait du galon. Sous le pseudonyme de « Sergent G. », il signa plusieurs articles dans La Guerre sociale dispensant des conseils aux jeunes révolutionnaires entrant à la caserne. La France de Bordeaux et du Sud-Ouest écrivit à son sujet le 8 septembre 1912 : « Il a conquis, par sa correction de soldat consciencieux et discipliné, l’estime et la confiance de ses chefs. » En septembre 1912, ils le chargèrent du coup d’une conférence à la caserne sur la loi des retraites ouvrières. Il remplissait par ailleurs la fonction de bibliothécaire. Plusieurs rapports de police de septembre 1913 devaient déduire de son attitude qu’il était devenu patriote (Arch. Nat. F7/13332). Le 18 juillet 1912, il avait épousé Judith, Marthe Bernheim à Paris 4e.
Dans le quotidien radical Le Rappel du 16 octobre 1912, il publia, sous le pseudonyme Jacques Guerrier, un article visant à réhabiliter Gustave Hervé auprès des milieux modérés, expliquant qu’il avait renoncé à la révolution et qu’il était en fait un « blocard impénitent ». Selon le témoignage, en 1918, d’Edmond du Mesnil, directeur du Rappel, Goldsky lui avait été recommandé l’année précédente par Maurice Berteaux, alors ministre de la Guerre, et par Gustave Hervé. Par la suite, Goldsky écrivit plusieurs articles, sous le même pseudonyme, dans Le Rappel.
Dans La Guerre sociale du 10 décembre 1912, Goldsky cosigna la déclaration « Pourquoi nous entrons au Parti socialiste » (voir Émile Tissier). Le mouvement libertaire accueillit la nouvelle comme un non-événement.
En 1914, Goldsky fut ardemment patriote. Il fut mobilisé dans le service auxiliaire mais, « embusqué malgré lui », il demanda à servir en première ligne (cf. L’Homme enchaîné, journal de Clemenceau, du 26 novembre 1914) : « Dès la première menace, j’ai invité les jeunes à s’engager, je me suis efforcé de chauffer l’enthousiasme [...]. Plusieurs de mes amis sont morts d’une mort que j’envie. De quel front pourrais-je reparaître devant ceux qui les aimaient si quelqu’un peut se lever pour dire : “Celui-là a prêché l’héroïsme ; mais, quand la mitraille passait en rafales sur ceux qui l’avaient écouté, il était à l’abri, il se cachait loin du péril”. »
Envoyé au front, Goldsky fut cependant évacué peu après. Dès 1915, d’ailleurs, son enthousiasme patriotique était retombé, puisque cette année-là, il publia, dans Les Hommes du jour, une adresse de sympathie à Romain Rolland. Il se montra par la suite écœuré par l’évolution patriotique de Gustave Hervé. Fin septembre 1915, il fut envoyé au 403e d’infanterie, puis versé à Paris dans un service de secrétaires d’état-major.
En mars 1916, il devint secrétaire général de la rédaction du Bonnet rouge, dirigé par Almereyda et, le 25 septembre, le ministre de la Guerre le mit en sursis d’appel. Il signa dans Le Bonnet rouge, sous le nom de « Général N... », des articles « semi-patriotes, semi-pacifistes » selon Le Libertaire du 10 février 1924 — tous les articles signés de ce pseudonyme ne furent toutefois pas de sa main. Au sein du Bonnet rouge, Goldsky s’opposa à Almereyda, qui « n’avait que de lointains rapports avec l’Almereyda qu’il avait connu » et dont il estimait qu’il était devenu une « véritable chiffe ».
Depuis janvier 1916, Le Bonnet rouge avait repris son indépendance vis-à-vis du gouvernement dont Almereyda désapprouvait le jusqu’au-boutisme. La subvention versée par la Place Beauvau avait cessé, et le journal avait été obligé de se tourner vers de nouveaux financiers. Il reçut alors l’aide d’un certain Émile Duval, qui versa 200 000 francs au journal, puis en devint l’administrateur et l’un des principaux rédacteurs, sous la signature de « M. Badin ».
Grâce aux libéralités d’Émile Duval, Goldsky put également fonder La Tranchée républicaine, d’une sensibilité proche du Bonnet rouge, et qui eut sept numéros du 1er mai au 20 juin 1917. Toujours sur la même ligne, il collabora en 1917, à l’hebdomadaire Les Nations, de René de Marmande.
Puis l’« affaire du Bonnet rouge » éclata. Le 15 mai 1917, Émile Duval fut arrêté à la frontière suisse, porteur d’un chèque de 150 000 francs émanant d’un banquier de Mannheim. S’ensuivit une enquête. Le 3 juillet, soupçonné de travailler pour les autorités allemandes, Duval fut incarcéré. Le 7 juillet, Maurice Barrès souleva l’affaire à l’Assemblée nationale. Le 13 juillet, Le Bonnet rouge fut suspendu sine die et Almereyda incarcéré à son tour. Il mourut dans sa cellule le 14 août. Le 20 août, Duval était inculpé de « commerce avec l’ennemi ». Le 22 septembre, à l’Assemblée nationale Clemenceau mit en cause le gouvernement. Le 24 septembre, Goldsky fut à son tour placé en détention.
Le 29 avril 1918 s’ouvrit, devant le 3e conseil de guerre de Paris, le procès pour « intelligence avec l’ennemi » du Bonnet rouge, accusé d’avoir été, au bénéfice de l’Allemagne, « l’organe officiel de la capitulation ». Le 15 mai, Émile Duval fut condamné à mort ; Marion à dix ans de travaux forcés ; Landau à huit ans ; Joucla à cinq ans ; Leymarie à deux ans de prison et 1 000 francs d’amende ; Vercasson à deux ans de prison avec sursis et 5 000 francs d’amende. Goldsky fut, pour sa part, condamné à huit ans de travaux forcés avec dégradation militaire et cinq ans d’interdiction de séjour. Le pourvoi en révision fut rejeté le 11 juin et le pourvoi en cassation fut rejeté le 12 juillet.
Des campagnes de presse, l’intervention de la Ligue des droits de l’homme et de son avocat Pierre Loewel, permirent à Goldsky de ne pas être envoyé au bagne et de purger sa peine à Clairvaux. Le 28 avril 1920, il épousa Jeanne Germaine à Ville-sous-la-Ferté (Aube).
En 1922, Pierre Loewel publia une brochure, Goldsky est innocent. En février 1924, le prisonnier fit pendant douze jours la grève de la faim. Transféré à l’hôpital de Troyes, il fut, à sa sortie, interné au quartier politique de Clairvaux, puis libéré, par anticipation, le 10 août 1924 (cf. Le Libertaire, 11 août 1924), mais non réhabilité.
Goldsky chercha alors des appuis dans son ancienne famille politique. Dans une lettre à Georges Vidal, reproduite dans Le Libertaire du 21 mai 1924 et datée « Maison centrale de Clairvaux, 16 mai 1924, septième année de captivité », Goldsky affirmait : « C’est dans les milieux libertaires que j’ai appris à penser. C’est dans Le Libertaire que j’ai publié mes premières chroniques. Et si la vie, multiforme et contradictoire, m’a parfois éloigné des compagnons de mes premières luttes, ma sympathie ne s’est jamais détournée d’eux, non plus que les tendances profondes de mon action. »
Après sa libération, Jean Goldschild reprit une activité journalistique, fonda Paris-Phare en 1926, Midi-Journal en 1932 et dirigea un temps l’Office général de la presse française (OGPF). Il fut à la même époque, un des dirigeants du Parti radical français devenu ensuite Mouvement radical français. Ayant de nouveau rompu avec les milieux anarchistes, il fut violemment attaqué par Louis Loréal dans Le Libertaire du 26 juin 1931.
Le 23 octobre 1934, il se remaria à Paris 20e avec Charlotte, Marie, Louise Charpentier, dont il divorça le 26 janvier 1944 à Grasse (Alpes-Maritimes). Il se maria une quatrième fois le 4 novembre 1950 à Paris 9e avec Suzanne Odler.
Au soir de sa vie, Goldsky retrouva le chemin du journal de Louis Lecoin, Liberté, ce qui lui valut, lorsqu’il mourut, « une poignée de fleurs » d’AC (Alexandre Croix).
Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche
ŒUVRE : La Réincarnation de Judas. Les trente deniers de Gustave Hervé. Histoire d’une trahison, Éditions de la Tranchée républicaine, 1917 ― En Prison (roman), Paris, Flammarion, 1924 ― L’Antichambre de la mort (roman), Paris, Imprimerie Dubois & Bauer, 1929 ― La Dame de l’Ariana (roman, avec Charlotte Charpentier), Les Presses modernes, 1937.
SOURCES : Arch. Nat. F7/13053 et F7/13332 ― Arch. Dép. Seine-et-Oise, 4 M 30 et 31, vu par R. Balland ― La Guerre sociale du 25 octobre 1911 ― La France de Bordeaux et du Sud-Ouest du 8 septembre 1912― Pierre Loewel, Goldsky est innocent, Paris, 1922, 64 p. ― Nécrologie dans Liberté du 1er novembre 1969 ― témoignage d’Eugène Merle et d’Edmond du Mesnil au procès du Bonnet rouge retranscrit dans la Revue des causes célèbres politiques et criminelles : les procès de trahison, 1918 ― Notes d’Albert Goldschild (1973) sur lui-même et sa famille ― M. Coston, Dictionnaire de la politique française, tome I. — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014. — Etat civil. — Note de Marianne Enckell.