CHARRIER Jacques, Mecislas [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy.

Né à Paris le 2 mai 1895, guillotiné le 3 août 1922 ; anarchiste individualiste ; illégaliste.

Mécislas Charrier
Mécislas Charrier
Le Matin du 4 août 1922.

Anarchiste individualiste, Mecislas Charrier était le fils de l’étudiante Berthe Charrier et de Mecislas Goldberg, qui ne le reconnut pas mais l’éleva seul jusqu’à l’âge de 5 ans, avant de le laisser, faute de moyens, à sa mère. Selon la femme de Paul Delesalle, « il eut pour berceau le tiroir d’une commode ».

N’ayant pu terminer des études, il travailla comme aide pâtissier à Paris, puis émigra à Oran où il fit des petits métiers avant de s’embarquer comme marin sur un vapeur de la ligne du Maroc. Atteint de tuberculose, il fut ensuite débarqué à Marseille.

Mobilisé en 1914, il fut affecté dans une section d’infirmiers, puis, après une rechute de sa tuberculose, fut mis en convalescence. Suite à un chantage auprès d’une ancienne compagne, il passa en conseil de guerre et fut condamné à 6 mois de prison. Réformé et libéré le 1er juin 1915, il revint à Marseille où un nouveau chantage auprès de son ancienne compagne lui valut d’être condamné à 8 mois de prison. Libéré de la prison de Nîmes en février 1918, il fut envoyé aux Bataillons d’Afrique avant d’être rapatrié, victime d’une congestion pulmonaire et démobilisé. Il parvint alors, par un subterfuge, à toucher six fois la prime de démobilisation, escroquerie qui lui valut une peine de deux ans de prison à Grenoble.

Libéré en juin 1921, il participa comme guetteur, le 25 juillet, avec deux malfaiteurs dont il avait fait la connaissance à la prison de Grenoble, à une attaque de voyageurs dans le train Paris-Marseille. Un jeune homme, qui avait résisté, fut tué dans l’attaque. Le 30 juillet, Mecislas Charrier fut arrêté dans un hôtel de la rue des Fossés-Saint-Jacques, à Paris 5e, où il avait une chambre au nom de Dujardin. La police qui trouva sur lui une somme d’argent et le plan de l’attaque du train. Charrier reconnut les faits et dénonça ses complices, qui le jour même furent abattus au moment de leur arrestation, après avoir tué un inspecteur.

Inculpé de « vol et de complicité d’homicide volontaire », Mecislas Charrier, que la presse présentait comme « un petit jeune homme maigre, au teint olivâtre, aux cheveux noirs, au long nez, avec de petits yeux de chinois » (Le Figaro du 29 avril 1922) fut, bien que n’ayant pas directement de sang sur les mains, condamné à mort au terme du procès, tenu en avril 1922.

Dans une lettre datée du 18 mai, il écrivit au Libertaire : « Certes, je fus un de vos fervents adeptes jadis, mais au fil des jours malheureux, d’obstacles, de douleur en douleur, de déception en déception, je jugeai utile de ne pas trop me sacrifier moi-même. C’est alors que je me mis à songer à la vengeance. Vous n’admettez pas ces théories, vous n’êtes pas individualistes, vous réprouvez toute application du principe de la reprise individuelle, vous réfutez la violence ayant pour but un intérêt personnel, je le comprends fort bien…Ce n’est pas sans amertume que j’écris ces lignes, car enfin je ne puis me défendre de la sympathie que j’éprouve pour vos conceptions ; j’en reconnais toute la valeur, mais que voulez-vous, j’ai trop souffert pour ne pas vouloir me venger, et j’ai été trop écoeuré par les inégalités sociales pour vous suivre dans l’âpre voie du travail. »

Il rédigea également le testament suivant : « Je, soussigné Jacques Mecislas Charrier, étudiant en médecine, militant libertaire et condamné à mort par la grâce de douze enfants terribles, lègue : mon estomac à l’avocat général qui en a manqué ; ma peau… lisse au chef de la Sûreté ; ma plante des pieds au jardin… des plantes ; mes seins à l’Eglise romaine ; mes pectoraux à la pharmacie Cannone. Non terminé pour cause de décès involontaire. » Il fut guillotiné dans la cour de la prison de la Santé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155389, notice CHARRIER Jacques, Mecislas [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy., version mise en ligne le 8 avril 2014, dernière modification le 29 décembre 2018.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy.

Mécislas Charrier
Mécislas Charrier
Le Matin du 4 août 1922.

SOURCES : Le Libertaire du 26 mai 1922 — Témoignage de Mme Delesalle — Philippe Oriol, « La triste et lamentable histoire de Mecislas Charrier » in Mécislas Goldberg, passant de la pensée, Maisonneuve & Larose, 1994.

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