LAGRU Dominique [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche

Né le 30 septembre 1873 à Perrecy-les-Forges (Saône-et-Loire), décédé le 23 février 1960 à Paris 7e ; mineur, puis ouvrier ornemaniste ; anarchiste et syndicaliste, puis communiste.

Dominique Lagru (1914)
Dominique Lagru (1914)
cc Ecomusée du Creusot

Dominique Lagru à l’état-civil, parfois orthographié Lagrue dans des documents officiels, était issu d’une famille paysanne. Après avoir été garçon de ferme, il fut embauché en février 1891 comme mineur aux houillères de Blanzy, près de Montceau-les-Mines.

Ayant déjà un frère sous les drapeaux, il fut dispensé d’un an de service militaire.
Le 13 novembre 1894, il fut incorporé dans le 19e bataillon de chasseurs à pied à Troyes, et en fut libéré le 24 septembre 1895 avec le certificat de bonne conduite. Son frère ayant été réformé n°2, il fut rappelé au service le 6 février 1896. Il y contracta une tuberculose ganglionnaire qui faillit lui coûter la vie. Il fut réformé n°2 le 5 août 1897.

Il semble que cette expérience de l’armée développa chez lui une profonde révolte, qui devait être à la source de son engagement militant.

Réembauché à la mine, il participa à la grève de 1899 à Montceau, adhéra au syndicat des mineurs puis devint assez vite secrétaire du groupe socialiste de la ville. Sans emploi après la fin de la grève, il fut élu en 1900 conseiller municipal de Saint-Vallier sur une liste socialiste opposée à la liste du maire sortant, un patron minier. Secrétaire adjoint de la mairie, il fut cependant écœuré par les intrigues politiciennes et, victime d’une campagne de calomnie qui se propagea même dans les rangs socialistes, il préféra s’exiler à Paris en 1903.

Là il entra en contact avec un ancien de la « bande noire » de 1882, qui avait quitté Montceau-les-Mines depuis une vingtaine d’année. Se réclamant toujours de l’anarchisme bien qu’il s’était fait une situation dans le bâtiment, il l’aida à entrer comme ouvrier sur un chantier. Il y rencontra un autre jeune exilé de Saône-et-Loire, anarchiste lui aussi, qui lui apprit le métier d’ornemaniste. Et Lagru devint anarchiste.

Syndicaliste de base, il fut surtout un membre actif des universités populaires, et s’adonna avec passion à la « culture de soi-même », dévorant les livres et s’instruisant autant qu’il le pouvait. Autodidacte, l’« éducation » devint bientôt sa « marotte familière ». Avec l’aide de son syndicat et une subvention du ministère de l’Instruction publique, il loua une maison pour y installer une bibliothèque populaire. Il en tint la permanence deux fois par semaine pendant dix ans. Il créa également une librairie ambulante et allait vendre ses livres de meeting en conférence.

Le 2 février 1909, il épousa Marie, Ernestine Dion à Asnières.

Dans La Voix du peuple du 17 juillet 1910, il écrivit un article : « Élargissons notre propagande » disant qu’il ne fallait pas que la CGT cantonne son discours à un programme revendicatif, mais qu’elle devait parler de son idéal révolutionnaire.

C’est sans doute le même D. Lagru qui rédigea le rapport sur le syndicalisme pour le congrès anarchiste d’août 1913 à Paris.

En novembre 1913, il donna un article à Libre-Examen, d’Ernest Girault.

Non mobilisé en août 1914, il fut maintenu réformé n°2 en septembre. A l’époque il anima, pour le compte de l’Union des syndicats de la Seine, une soupe populaire qui, selon lui, nourrissait environ 500 personnes par jour. Au printemps 1916, il cosigna le manifeste pacifiste « La paix par les peuples » (voir Charles Benoît) qui s’opposait au Manifeste des Seize (voir Jean Grave).

Après guerre, un « Lagrue » fut trésorier du Parti communiste de Raymond Péricat en juin 1920. Sans doute est-ce le même.

En février 1922, il exprima une position antifonctionnariste absolue dans le cadre de l’enquête de La Revue anarchiste sur le fonctionnarisme syndical.

Dans l’Entre-deux-guerres, Dominique Lagru adhéra au PCF, et y demeura jusqu’à la fin de ses jours. En 1948, à 75 ans, il s’initia à la peinture et produisit une importante œuvre naïve à laquelle l’Écomusée du Creusot consacra en 1974 une exposition.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155456, notice LAGRU Dominique [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 12 avril 2014, dernière modification le 13 novembre 2022.

Par Guillaume Davranche

Dominique Lagru (1914)
Dominique Lagru (1914)
cc Ecomusée du Creusot

SOURCES : Registres matricules de Saône-et-Loire. — La Voix du peuple du 17 juillet 1910. — Le Libertaire du 23 août 1913. — La Revue anarchiste de février 1922 — Alfred Rosmer, Le Mouvement ouvrier pendant la guerre, tome II, Mouton et Cie, 1959. — Annie Kriegel, Aux origines du communisme français 1914-1920, Mouton et Cie, 1964.— Dominique Lagru 1873-1960, Écomusée du Creusot, 1974 — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014.

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