BALLANGER Robert, Victor, Marcel, François

Par Claude Pennetier, Nadia Ténine-Michel

Né le 2 novembre 1912 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), mort le 26 janvier 1981 à Sevran (Seine-Saint-Denis) ; employé ; résistant ; membre du comité central (1945-1950, 1959-1981) ; député communiste de Seine-et-Oise, puis de Seine-Saint-Denis (1945-1981), président du groupe parlementaire communiste (1964-1981), conseiller général, conseiller municipal de Livry-Gargan (1953-1959).

Robert Ballanger dans les années 1940
Robert Ballanger dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Robert Ballanger est né dans une famille modeste, sa mère était couturière et son père maréchal des logis chef lors de sa naissance, puis dans les années trente surveillant général aux Chantiers de la Loire. Dans son autobiographie destinée au Komintern, il le disait favorable au Front populaire, mais le qualifiait ultérieurement de « plutôt à droite ». Il était frère de Guy Ballanger*.

Robert Ballanger fut élève de l’école primaire supérieure de Nantes jusqu’au brevet supérieur et continua des cours du soir de littérature française pendant quatre ans au Conservatoire de Nantes. Il fut même comédien amateur au « Théâtre de la jeunesse au travail ». En 1928, il entra comme garçon de course ou « courantin » dans une banque dont il fut renvoyé en 1933 pour motifs politiques. En effet, il adhérait en 1930 aux Jeunesses laïques et républicaines et en 1931 à la Ligue fédéraliste bretonne, de gauche. Il représenta celle-ci au comité nantais d’Amsterdam-Pleyel dont il devint en 1933 trésorier, puis secrétaire. Chômeur de mars 1933 à janvier 1935, il adhéra au PCF en mars 1934, à la suite des événements de février, patronné par Jean Bruhat* et Raymond Sémat*. Il fut employé en 1935 à l’usine métallurgique des Batignolles. Il se maria en 1935 avec Marie Roussel, maîtresse primaire au lycée de Nantes, qui adhéra en même temps que lui au PCF et siégeait en 1938 au bureau de la section de Nantes. Elle mourut en 1943.

Après son service militaire d’octobre 1935 à octobre 1936, Robert Ballanger entra comme commis auxiliaire au ministère des Colonies à Nantes, il en fut licencié le 30 novembre 1938, ayant été le seul gréviste de son bureau, fut réintégré en avril 1939, puis révoqué en 1940.

En janvier 1937, il devenait secrétaire adjoint de la section de Nantes-ville, en juillet 1937, secrétaire et membre du comité, puis du bureau régional. En 1939, il était secrétaire régional de Loire Inférieure.

En 1939, Robert Ballanger fut mobilisé en Alsace, envoyé ensuite à la frontière belge et se trouvait dans la poche de Dunkerque en juin 1940. Il passa en Grande-Bretagne et revint aussitôt en France. Au cours d’une permission, il avait été chargé par la direction du PCF d’une mission de confiance : convoyer Raymond Guyot* en compagnie de la belle-sœur de celui-ci Lise London* de la caserne de Tarascon jusqu’à la frontière belge, sur ordre de l’Internationale.

Robert Ballanger fut démobilisé à Nantes en juillet 1940 et s’engagea dans la clandestinité. Dès l’été de 1940, refusant les consignes légalistes du parti, il commença, en compagnie d’Auguste Lecœur* et Marcel Paul*, à stocker des armes abandonnées, recenser des dépôts de poudre et donc préparer la lutte armée. Après avoir échappé à une arrestation, il fut chargé à la fin de 1940, avec l’aide de Venise Gosnat* de réorganiser le parti en Bretagne, succédant à Auguste Havez*. De la fin de 1940 à 1942, il fut « instructeur » en Bretagne. Il fit reparaître clandestinement, en mars 1941, l’hebdomadaire La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime et contribua à la formation de l’« Organisation spéciale », embryon des futurs FTP, qui réalisa divers sabotages. De mai à octobre 1942, il devint responsable « interrégional » de la région Centre (départements du Cher, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret et Nièvre). En octobre 1942, il était instructeur ou interrégional dans la région parisienne En octobre 1943, il entrait à l’état-major national des FTP et devenait collaborateur direct de la direction illégale du PCF, assurant entre autres la liaison avec la MOI (Main d’Œuvre immigrée).

À la Libération, il était adjoint au secrétariat de la région parisienne. En août 1944, Robert Ballanger était nommé vice-président du Comité départemental de Libération de Seine-et-Oise, en tant que représentant du PCF. Il était également secrétaire de la région Paris-Ouest et membre de la commission des conflits et litiges du comité d’entente socialiste-communiste créé le 4 décembre 1944. En mars 1945, le PCF se donnait dans la région parisienne une organisation conforme au découpage administratif et créait une fédération de Seine-et-Oise dont Robert Ballanger était le secrétaire. Elle revendiquait 21 000 adhérents en mars 1945 et 31 000 à la fin de 1946, ce qui en faisait une des premières de France, tandis que le parti gagnait la présidence du conseil général au printemps de 1945. Robert Ballanger entrait au comité central du PCF au Xe congrès de 1945. En même temps, il entamait une carrière d’élu qui se poursuivrait toute sa vie. Een mars 1945, il devenait conseiller général de Seine-et-Oise dans le canton du Raincy jusqu’à 1951 et surtout député aux deux assemblées constituantes, puis aux trois législatures de 1946, 1951 et 1956, toujours en troisième position sur la liste communiste de la première circonscription (nord) de Seine-et-Oise. Il devait déployer à l’Assemblée comme à l’extérieur des qualités de tribun qui en firent un orateur populaire recherché.

Une épreuve douloureuse lui fut infligée en mai 1948, son remplacement à la tête de la fédération de Seine-et-Oise par Michel Vandel*, assorti d’une pénible autocritique à la conférence fédérale sur des « habitudes de facilité » prises par certains membres de la direction, ainsi qu’un « esprit de coterie ». Cette sanction semble avoir été la suite du suicide en novembre 1947 du trésorier fédéral. Robert Ballanger restait cependant membre du comité fédéral – il l’était en 1952 – et président du groupe communiste au conseil général, mais avait des rapports compliqués avec ses camarades. Il fut aussi évincé du Comité central au XIIe congrès de 1950. Il cessait d’être un homme d’appareil, mais conservait son mandat de député et intervenait sur des questions d’importance croissante, notamment l’Algérie et les institutions. Le 19 juillet 1957, il demandait « la reconnaissance du droit de l’Algérie à l’indépendance ». Il fut également conseiller municipal de Livry-Gargan (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis) de 1953 à 1959.

La Ve République et le retour au scrutin majoritaire lui donnèrent l’occasion d’un succès inattendu aux élections législatives de novembre 1958 où furent élus seulement dix députés communistes. Le découpage de la 9e circonscription de Seine-et-Oise ne lui était pourtant pas particulièrement propice, mais il battit le favori, le gaulliste de gauche sortant Jean de Lipkowski, ainsi que le socialiste Fernand Herbaut, dans une triangulaire. Il améliora ensuite sa position dans cette circonscription jusqu’en 1973, sauf en 1968. Celle-ci devenait en 1967, la 8e de Seine-Saint-Denis.

C’est sans doute ce qui explique son retour au comité central au XVe congrès de 1959, ainsi qu’au bureau fédéral. Il était ainsi le seul des évincés de 1950, tous anciens résistants, à reprendre place au Comité central. En 1962, Robert Ballanger accédait à la vice-présidence du groupe communiste à l’Assemblée nationale et en 1964 succédait officiellement à Waldeck Rochet* comme président ; il devait exercer cette charge jusqu’à sa mort. Il incarnait le député communiste dont il donnait la définition suivante dans l’Humanité du 13 février 1978 : « Un militant qui vit parmi les ouvriers... habite une HLM, un petit pavillon de banlieue ou une ferme... Ne conserve qu’une paye d’ouvrier qualifié... Fait entendre la voix des travailleurs... représente aussi la nation. » Il siégea à la Commission de l’Intérieur de 1946 à 1958, à celle des Finances de 1962 à 1978, puis à celle des Affaires étrangères.

Au début des années soixante, après avoir eu un domicile à Gagny (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis), il se fixa à Aulnay sous bois (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis), se remaria en 1969 avec Yvonne Ernoult, déjà mère de leur fille Françoise. Il en divorça en 1975 et se remaria en 1976 avec Marie-Hélène Bettocchi qui lui donnera sa deuxième fille Vanina.

Robert Ballanger allait contribuer à faire gagner au PCF la principale ville de sa circonscription, Aulnay-sous-Bois, en prenant la tête d’une liste d’union de la gauche en 1965. Il n’en fut pas alors le maire en titre, laissant ce mandat à son camarade Louis Solbès, mais donnait avec celui-ci les impulsions essentielles. Il devint maire de 1971 à 1978, faisant en 1971 et 1977 passer sa liste au premier tour grâce à un prestige personnel qui débordait celui de son parti. Il fit dans cette fonction ses preuves de gestionnaire dans une ville qui avait grand besoin d’être administrée. Elle connut en effet de 1962 à 1975 une croissance démographique de 66 %, atteignant 78 955 habitants. Le District y construisait des grands ensembles dont les permis de construire émanaient directement du ministère de la Construction, contournant l’autorité du maire. Robert Ballanger s’efforça d’y améliorer la part de la commune dans l’attribution des logements. Grâce à l’étendue de la ville put aussi s’y installer l’usine Citroën, ainsi que le centre de routage Garonor et des zones industrielles qui amélioraient les ressources municipales. Ceci facilita les équipements, ainsi que la construction d’un stade nautique et d’une maison de la Culture. Robert Ballanger fit également créer un parc urbain qui porte aujourd’hui son nom afin d’empêcher de nouvelles emprises immobilières.

La situation en Tchécoslovaquie pendant et après le Printemps de Prague fut pour Robert Ballanger une préoccupation importante, mais moins publique. Il y avait dirigé une délégation de députés communistes en janvier 1968 et avait rencontré les nouveaux dirigeants, marquant sa faveur pour cette expérience. Dans une lettre à Waldeck Rochet* du 9 octobre 1968, conservée dans ses archives, il allait plus loin que le PCF dans la condamnation du Pacte de Varsovie et affirmait la nécessité de l’égalité entre partis communistes sans « parti-maître » ni ingérences et il demandait un exposé public des divergences du PCF avec le PC d’Union soviétique. Il participa encore à une délégation du PCF en Tchécoslovaquie conduite par Étienne Fajon du 25 au 28 novembre 1969 et maintenait alors que l’intervention était une lourde faute. Il se scandalisa ensuite de ce que des notes prises par Jean Kanapa* lors d’un entretien antérieur entre Waldeck Rochet et Dubcek, premier secrétaire du PC tchécoslovaque en 1968 aient été prêtées par Fajon au PC tchécoslovaque en novembre 1969, ce que Ballanger considéra comme un procédé déloyal.

Très hostile à la construction européenne, il désapprouva le ralliement de Georges Marchais à l’élection du parlement européen au suffrage universel. Après les élections législatives de 1978, il garda la présidence du groupe communiste, mais en perdit au profit d’André Lajoinie* une prérogative essentielle, les relations avec le bureau politique.

Paradoxalement, alors qu’il affirmait des positions novatrices sur les rapports entre partis communistes, Robert Ballanger restait fidèle à la « voie révolutionnaire » traditionnelle du PCF, favorable au centralisme démocratique et très réservé sur le parti socialiste resté dans « l’impasse social-démocrate ». En octobre 1980, il déclarait au Monde qu’il ne voterait pas au second tour de l’élection présidentielle à venir « pour un socialiste atlantiste ». Fidélité à ses options originelles qui n’empêchait peut-être pas une opération de poisson-pilote pour le compte du parti dont de nombreux militants allaient suivre cette consigne.

Ce dirigeant très populaire qui fut un des premiers leaders communistes à maîtriser l’usage des médias, est mort brutalement alors qu’il préparait sa retraite. Robert Ballanger était titulaire de la Croix de guerre et de la médaille de la Résistance.

Un parc d’Aulnay sous Bois, ainsi que l’hôpital intercommunal situé à Villepinte (Seine-Saint-Denis) portent son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15547, notice BALLANGER Robert, Victor, Marcel, François par Claude Pennetier, Nadia Ténine-Michel, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 13 avril 2022.

Par Claude Pennetier, Nadia Ténine-Michel

Robert Ballanger dans les années 1940
Robert Ballanger dans les années 1940
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946
Robert Ballanger dans les années 1950
Robert Ballanger dans les années 1950
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956
Robert Ballanger avec François Asensi et Ange-Marie Baragliolli
Robert Ballanger avec François Asensi et Ange-Marie Baragliolli

SOURCES : Arch. du Komintern, Moscou : RGASPI, 495 270 61. — Arch. comité national du PCF. — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 1W371, 372, 413, 417, 428, 435, 471, 1W957, 959, 960, 962, 967, 978, 985, 992, 1W1128, 1104W29, 36, 38, 39, 69, 96, 97, 98, 1104W100 et 106, 1201W39. — Arch. de Robert Ballanger aimablement communiquées par Madame Marie-Hélène Ballanger. — Discours de Rol-Tanguy aux obsèques de R. Ballanger aimablement communiqué par l’auteur — Renaissance de Seine-et-Oise, 7 juillet 1945 et 4 novembre 1950. — Cahier du communisme, 1980. — Nadia Ténine-Michel, « Aulnay-sous-bois et le PC », in Communisme n° 15/16 (1987). — L’Humanité : 13 février et 22 mai 1978, 27 et 30 janvier et 3 avril 1981. — L’Humanité-Dimanche, 30 janvier 1981. — Le Monde, 10 octobre 1980, 27 janvier 1981. — Le Quotidien, Le Matin, Libération, 27 janvier 1981. — Aulnay-Information, 6 février 1981. — Dictionnaire des Parlementaires. — Auguste Lecœur, Le Partisan, Flammarion 1963. — Lise London, La Mégère de la rue Daguerre, Paris, Le Seuil 1995. — Karel Bartosek, Les aveux des archives, Paris Le Seuil 1996. — Annie Kriegel et Stéphane Courtois, Eugen Fried, Paris Le Seuil 1997. — Robert Ballanger, 35 ans de vie parlementaire, recueil de ses interventions réalisé par le groupe communiste à l’Assemblée nationale. — Jean Vigreux, « Le comité d’entente socialiste-communiste », in Le parti socialiste entre Résistance et République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000. — Témoignage de Louis Odru, ancien député de Seine-Saint-Denis, 4 mai 2001. — Renseignements fournis par Jean Josnin. — Notice DBMOF. — État civil de Nantes. — Alain Ruscio, Nous et moi. Grandeurs et servitudes communistes, Éditions Térésias, 2003, p. 115.

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