BALLE Adolphe, Lucien, dit « Pierre des Chênes »

Par Henri Manceau

Né le 31 octobre 1872 à Gué-d’Hossus (Ardennes), mort le 20 octobre 1954 à Bourg-Fidèle (Ardennes) ; bûcheron ; poète ouvrier.

De famille pauvre, Adolphe Balle fréquenta peu l’école communale. C’est sa mère qui lui apprit ses lettres. Le soir, après journée faite, le jeune bûcheron, passionné de lecture, lut les romans de Zola, les œuvres de Victor Hugo dont, à plus de quatre-vingts ans, il pouvait encore réciter les poèmes.
Lors de la longue grève de Bourg-Fidèle en 1891, Adolphe Balle suivit les réunions de Jean-Baptiste Clément qui révéla au jeune ouvrier les nécessités de l’étude, de l’organisation, une nouvelle morale sociale, tout un humanisme prolétarien nourri de sensibilité.
Rude est le travail des forêts, petit le gagne-pain, surtout quand il faut passer une part de sa nuit à gagner à pied la coupe lointaine ou à en revenir. Par intervalles, la forêt, immense champ de chômage, devenait hostile, rejetant ses travailleurs solitaires d’un arr. à l’autre, de France en Belgique. Mais elle opérait aussi des rapprochements de chaque côté de la frontière. Ses ouvriers, Français et Belges, voisins de coupes, échangeaient leurs idées, leurs sentiments de révolte et d’espoir. Ainsi, grâce à une nature apaisante, beaucoup de bûcherons allaient à la fois vers la poésie et le socialisme.
Adolphe Balle fut l’un d’eux. De la forêt du Brûly, en janvier 1905, il écrivait son Anathème au tsar en prévoyant la fin de l’autocratie :
« Vois, l’aube d’un quatre-vingt-treize.
« Empourpre déjà l’horizon... ! »
Il fut libertaire, et c’est la colonie libertaire de Boitsfort, en Belgique, fréquentée par lui, qui publia en 1908 son recueil signé Pierre des Chênes, intitulé Au vol de la cognée et préfacé par Charles Malato, le patron de « l’Expérience ».
Tel nous l’avons connu en 1954, tel il était, semble-t-il, cinquante ans plus tôt : gai et révolté contre l’injustice, simple, plein d’à-propos, poète, adorant la nature et attaché aux réalités sociales, volontiers disant et chantant. Ses poèmes, dédiés aux militants ardoisiers de Fumay, aux métallos de Revin, à Gilbert de Nouzon, étaient écrits pour être chantés dans l’action.
Lors de la grande grève de Revin de 1907 à laquelle participèrent les deux mille métallos de la bourgade, Adolphe Balle descendit dans la vallée pour soutenir les camarades et leur offrir son chant de grève, Debout, les braves sur l’air de Debout, frères de misère, dont on entonnait les strophes pour tromper la faim et qui fut tiré à des milliers d’exemplaires.
Balle fut aussi un homme pratique, un organisateur porté par son sens de classe : à Revin, il fit réduire de beaucoup les cafuts qui lésaient les salaires du tarif aux pièces ; en 1908, à l’époque de la colonie libertaire d’Aiglemont où il se rendait, où il avait des amitiés, il groupa dans des syndicats les bûcherons ardennais de Sévigny-la-Forêt, Sécheval, Gué-d’Hossus, Vendresse ; il organisa en 1909 la grève des bûcherons de Regniowez, vouant les « sarrasins » au mépris de la classe ouvrière et paysanne ; maire de Gué-d’Hossus après 1918, il intervint à la préfecture auprès des services de la reconstruction.
Depuis 1945 et son adhésion au Parti communiste jusqu’à sa mort, il ne cessa de suivre de près les moments cruciaux de la politique internationale (Plan Marshall, Pacte atlantique, CED...) et il traduisit son sentiment - angoisse, révolte ou espoir - dans des poèmes écrits sur l’heure, composés sur le rythme des chansons prolétariennes de sa jeunesse, et qu’il chantait sans se faire prier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15548, notice BALLE Adolphe, Lucien, dit « Pierre des Chênes » par Henri Manceau, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 17 octobre 2022.

Par Henri Manceau

ŒUVRE : Auteur de nombreuses pièces et en particulier des Plébéiennes et du Vol de la cognée.

SOURCES : Arch. Dép. Ardennes, enregistrement de Radio-Nancy (juin 1954). — L’Exploité, journal ardennais. — H. Manceau, « Adolphe Balle, poète bûcheron », Présence ardennaise, n° 21.

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