VEBER Paul [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche

Né le 24 juillet 1891 à Paris 11e, mort le 12 décembre 1928 à Bagnolet (Seine) ; ouvrier tôlier ; syndicaliste révolutionnaire puis anarchiste.

Paul Veber fut réformé temporaire de l’armée le 8 octobre 1912, puis définitivement réformé n°2 le 26 août 1913 en raison d’un problème cardiaque (« endocardite mitrale »). Il épousa Anna Delaire à Paris 11e le 21 décembre. Il fut maintenu réformé par le conseil de révision le 14 octobre 1914, puis le 21 mars 1917.

En 1915, ils eurent une fille. Il était alors secrétaire adjoint du syndicat des métaux de la Seine, et membre de la commission exécutive de la fédération des Métaux. Celle-ci, emmenée par son secrétaire Alphonse Merrheim, était une des seules fédérations, au sein de la CGT, à prendre publiquement parti contre la guerre et contre l’union sacrée.

Du 5 au 8 septembre 1915 se tint, en Suisse, la conférence de Zimmerwald, première manifestation internationale de l’opposition ouvrière à la guerre. Le 7 novembre 1915, Merrheim et Bourderon en rendirent compte devant une assemblée syndicaliste, à la bourse du travail, et devant une assemblée socialiste, à la Maison commune de la rue de Bretagne, à Paris 3e.

Le 21 novembre suivant, une centaine de syndicalistes se réunirent à la Maison des fédérations et décidèrent la constitution du Comité d’action internationale (CAI). Sa commission d’organisation était formée de Raymond Péricat (Maçonnerie-pierre), secrétaire ; Marcel Hasfeld (Employés), trésorier ; Émile Hubert et Jules Lepetit (des Terrassiers) ; Marcel Vergeat (Mécaniciens) ; Le Ny (monteurs-électriciens) ; Trumelet (Brossiers-Tabletiers) ; Henri Boisleux (Maçonnerie-Pierre) ; Paul Veber (Tôliers) ; Alphonse Merrheim (Métaux) ; Albert Bourderon (Tonneau) ; Stéphanie Bouvard et Louise Couteaudier (Groupe des femmes socialistes).

En décembre, le CAI publia son unique manifeste à « ceux qui sont restés fidèles aux nobles idées de fraternité humaine » et « croient toujours à la nécessité des relations et de l’action internationale des travailleurs ».

Cependant, pour éviter un tête-à-tête avec les anarchistes, Merrheim et Bourderon proposèrent, dès le 19 janvier 1916, de dissoudre le CAI, pour réaliser une union plus large, en s’associant avec la minorité socialiste pacifiste. L’absence du secrétaire du CAI, Péricat, arrêté par la police, facilita sans doute les choses. C’est ainsi que – probablement le 31 janvier 1916 – fut constitué le Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI). Le CRRI était constitué de deux sections – une syndicaliste et une socialiste – qui se réunissaient séparément et dotées chacune de leur secrétaire, respectivement Merrheim et Bourderon. Marcel Hasfeld en était le trésorier. La commission de la section syndicaliste du CRRI était composée de Boisleux, Hasfeld, Émile Hubert, Jules Lepetit et Paul Veber.

En avril 1916, la section syndicaliste du CRRI ouvrit une permanence au 2e étage de la bourse du travail de Paris, bureau n°11, et désigna Paul Veber comme secrétaire.

Dominée par les libertaires, cette section syndicaliste du CRRI manifesta de plus en plus de volonté de séparation d’avec la section socialiste. Progressivement, elle se détacha du CRRI et, en novembre 1916, elle avait pris sa complète autonomie. En décembre 1916, elle se rebaptisa Comité de défense syndicaliste et publia une déclaration « Aux organisations syndicales françaises, à leurs militants ». Le CDS disait vouloir non pas provoquer une scission, mais redresser le syndicalisme.

Paul Veber en fut le premier secrétaire, tandis qu’il continuait de siéger régulièrement à la CE de la Fédération des Métaux.

Aimé Rey remplaça ensuite Veber au secrétariat, puis céda sa place le 31 mai 1917 à Raymond Péricat, avec Boudoux comme secrétaire adjoint et Pierre Le Meillour comme trésorier. Le CDS prit alors son allure définitive. Après l’arrestation de Péricat, en mai 1918, Jean-Baptiste Vallet devait prendre la relève.

Plus radical que le CRRI et que la fédération des Métaux, le CDS se donnait pour objectif de passer à l’action concrète en organisant une agitation ouvrière à la fois revendicative et pacifiste, dont l’aboutissement devait être une grève générale pour la paix.

Le 5 mai 1917, à une réunion du syndicat des métaux de la Seine, Veber et Dumercq saluèrent la Révolution russe et firent voter un ordre du jour incluant « Vive la révolution sociale ».

En juin 1917, Veber, toujours secrétaire adjoint du syndicat des métaux de la Seine, se montra particulièrement actif durant les grèves de midinettes et de métallurgistes. Il organisa des distributions de tracts et prit la parole dans de nombreuses assemblées de grévistes, prônant le débauchage et la « chasse au renard », et s’efforçant d’adjoindre des mots d’ordre pacifistes aux revendications sociales. Selon la police, à partir du 8 juin, il se montra cependant plus modéré dans ses interventions, et encouragea les femmes grévistes à reprendre le travail en attendant que la commission d’arbitrage du ministère de l’Armement leur donne raison.

Le 19 juin 1917, une intervention de la préfecture conduisit la bourse du travail de Paris à chasser le CDS de ses locaux. Un mois plus tard, le 18 juillet 1917, l’Union des syndicats de la Seine lui interdisait de se réunir au siège de la CGT, impasse de la Grange-aux-Belles. Le CDS se réfugia au 96, quai de Jemmapes, dans les anciens locaux de La Vie ouvrière, avec l’assentiment de Pierre Monatte.

A l’approche du 1er mai 1918, le 29 avril, il alla avec Benoît Broutchoux tenir des discours aux ouvrières et ouvriers des Établissements Delahaye. Pour ce faire il utilisa le manifeste de l’Union des syndicats de la Seine, et réclama que les gouvernements révèlent leurs buts de guerre. Il plaida aussi pour que les femmes se syndiquent.

En mai 1918, durant la grève de la métallurgie parisienne, Paul Veber, qui représentait alors la fédération des Métaux au comité général de l’Union des syndicats de la Seine, apparut dépassé par les événements. En réunion, le 15 mai, il se trouvait d’accord avec les majoritaires Jules Bled, Renaud et Eugène Jaccoud pour se défier de ce mouvement parti spontanément, en dehors des syndicats des métaux, à l’initiative de « délégués d’usines » inconnus. Veber s’était néanmoins rendu dans la salle de réunion des délégués, et avait vu des cartes de grève portant la mention « grève générale contre la guerre ». Selon lui, le mouvement semblait être dirigé par Michelet, un récent syndiqué de chez Renault, qui « parlait de ses syndiqués comme un général parle de ses troupes » et se revendiquait de la motion issue de la conférence CGT de Clermont-Ferrand. Le lendemain, Veber jugeait que la relève des jeunes classes avait été « la goutte d’eau faisant déborder le vase ».

Il prit probablement part au congrès des syndicats minoritaires, convoqué à Saint-Étienne les 18 et 19 mai par le CDS et l’UD de la Loire. À ce moment, la fédération des Métaux, qui était restée sur ses positions zimmerwaldiennes de 1915, apparaissait dépassée par la radicalisation de la base ouvrière (voir Marius Blanchard). C’est durant cette période que Paul Veber fut gagné à l’anarchisme.

À une réunion du syndicat des métaux, le 23 juillet 1918, il estima que le procès Malvy, voulu par Clemenceau, était inique, et que l’ancien ministre méritait la solidarité de la classe ouvrière.

Durant la grande grève de la métallurgie parisienne, en mai-juin 1919, il donna en exemple les révolutions russe et hongroise. De 1919 à 1925 environ, il habita au 144, boulevard de Ménilmontant, à Paris 20e.

En 1919-1922, Veber fut un des orateurs habituels de la Fédération, puis de l’Union anarchiste.

Le 20 octobre 1919, il prit la parole au grand meeting pour l’amnistie donné par la FA aux Sociétés-savantes, avec Claude Content, Henri Sirolle, Jean-Louis Thuillier, Jules Lepetit, Georges Pioch, l’avocat André Berthon.

En mai 1920, il prit part à la grève des métaux concomitante à celle des cheminots ; il n’était plus membre de la commission exécutive de la fédération des Métaux.

Le 2 août, il figura parmi les orateurs de la Fédération anarchiste lors du grand rassemblement pacifiste du Pré-Saint-Gervais, aux côtés de Pierre Berteletto, Maurice Pfister, Pierre Le Meillour, Sébastien Faure, Second Casteu et Havane.

Il prit part au premier congrès de l’Union anarchiste, les 14 et 15 novembre 1920 à Paris et collabora au Libertaire entre 1920 et 1924.

Militant des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR), il se montra hostile à l’adhésion à l’Internationale syndicale rouge (ISR), fondée à Moscou sous l’égide du gouvernement soviétique. Le 4 mai 1921, lors d’une réunion du syndicat des Métaux, il fit voter une motion demandant la libération des prisonniers politiques en Russie.

Lors du congrès extraordinaire des syndicats minoritaires, tenu du 22 au 24 décembre 1921 à Paris, Veber et Alexandre Lebourg furent élus cosecrétaires du comité central des CSR, en remplacement de Pierre Besnard. Les CSR cependant furent dissous vers février 1922, une fois établi que la scission confédérale était définitive. Veber se trouva donc à la CGTU, dans la tendance de Pierre Besnard.

Du 25 juin au 2 juillet 1922, Paul Veber fut délégué au Ier congrès confédéral de la CGTU par le Bâtiment de Nevers et les Instruments de musique de Mantes. Il prit la parole dans le débat sur l’orientation syndicale, cita abondamment la Charte d’Amiens et Fernand Pelloutier, et attaqua le Parti communiste. Il condamna le concept de dictature du prolétariat qui s’avérait en réalité « dictature sur le prolétariat ». Il précisa également : « les anarchistes ne veulent pas que l’organisation syndicale soit sous la tutelle de l’Union anarchiste ».

En août 1922, il prit part à la campagne pour la libération de Jeanne Morand.

Jusqu’en avril 1924, il écrivit beaucoup dans Le Libertaire, et tint même une chronique syndicaliste dans La Revue anarchiste de Sébastien Faure. Sa collaboration cessa, semble-t-il, quand il se joignit à un groupe dissident de l’UA qui, avec Lucien Haussard, lança L’Idée anarchiste. Ce journal voulait faire le bilan de l’anarchisme et proposer une révision des méthodes et de la doctrine, mais s’éteignit après 13 numéros.

En avril 1925, il était sous-directeur de l’usine de tôlerie industrielle Mondet au 138, rue Sadi-Carnot, à Bagnolet, et occupait un pavillon de fonction attenant.

À sa mort, Le Libertaire du 21 décembre 1928 écrivit : « Le fait qu’il se soit retiré du mouvement anarchiste depuis de longs mois ne nous interdit pas de regretter douloureusement sa fin prématurée » ; il était « venu à nos idées pendant la guerre ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155522, notice VEBER Paul [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 18 mars 2014, dernière modification le 16 octobre 2022.

Par Guillaume Davranche

SOURCES : Arch. Nat. F7/13015, F7/13775 et 19940482/77. — Le Libertaire du 7 juillet 1922 et du 21 décembre 1928. — Plus loin, janvier 1929. — Alfred Rosmer, Le Mouvement ouvrier pendant la Première Guerre mondiale, Mouton & Co, 1959. — Annie Kriegel, Aux origines du communisme français, 1914-1920, Mouton & Co, 1964. — Maurice Labi, La Grande Division des travailleurs, Éditions ouvrières, 1964. — Le Mouvement social, n° 93, décembre 1975. — Le Mouvement ouvrier français contre la guerre, 1914-1918, tome III, Edhis, 1985. — Jean-Louis Robert, Les Ouvriers, la patrie et la révolution. Paris 1914-1919, Annales littéraires de l’université de Besançon, 1995.

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