SIROLLE Henri, Édouard [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, Georges Ribeill, notice revue par Guillaume Davranche

Né le 1er novembre 1886 à Rochefort (Charente-Inférieure), mort le 7 septembre 1962 à Onzain (Loir-et-Cher) ; cheminot ; syndicaliste anarchiste, puis réformiste.

Henri Sirolle (1920)
Henri Sirolle (1920)
Agence Rol

Acteur majeur du syndicalisme révolutionnaire chez les cheminots de 1911 à 1921, Henri Sirolle fut également un ferme opposant à la guerre et un animateurs de la grande grève de 1920. En revanche, il ne fut jamais vraiment à sa place dans les complexes luttes de tendances qui déchirèrent le mouvement syndical après guerre, comme le montrent ses prises de position parfois décalées, et notamment ses hésitations vis-à-vis de l’Internationale syndicale rouge.

Son père, André, Simon Sirolle était né le 12 mai 1846 au Château d’Oléron (Charente-Inférieure) et était « marin classé » au moment de son mariage à Rochefort le 12 mai 1874, avec Geneviève Melget, veuve de Henri Lalys, née à Aytré (Charente-Inférieure) le 6 décembre 1845. À sa naissance, ses parents avaient donc plus de 40 ans et son père était « second maître vétéran » Il avait un oncle, lui aussi second maître vétéran, marié le 18 mars 1873, qui eut deux fils jumeaux nés le 5 mai 1884.

Henri Sirolle s’engagea pour 5 ans, en novembre 1902, au 2e Dépôt des équipages de la flotte et en sortit breveté fusilier. il devint ensuite manoeuvre puis ouvrier électricien aux ateliers des chemins de fer de l’État-Rive droite (Paris-Saint-Lazare), appartint au groupe de Paris 15e de la Fédération communiste anarchiste (FCA).

En 1911-1913, il siégeait au comité fédéral de la Fédération nationale des transports par voie ferrée (FNTVF), scission révolutionnaire du Syndicat national des chemins de fer (voir Yves Bidamant). La CGT ayant refusé son adhésion, la FNTVF, minoritaire, dut réintégrer le Syndicat national.

En juillet 1913, Sirolle participa à la fondation du groupe des cheminots anarchistes, qui donna bientôt son adhésion à la FCA. Ce groupe, dont il fut secrétaire avec Lebec*, comptait également parmi ses membres Yves Bidamant et Dussaux. Par l’entremise de Lebec, le groupe put être hébergé quelque temps dans les locaux de la FNTVF de Paris-Nord, avant de tenir sa permanence au 1, rue Simplon, à Paris 18e.

À l’automne 1913, il assistait l’opérateur de la société Rapid’Films pour les projections au Cinéma du peuple, afin d’apprendre le métier.

Mobilisé en 1914 et affecté spécial aux chemins de fer de campagne, il écrivit à Pierre Monatte le 24 janvier 1915 pour le féliciter de son opposition à l’Union sacrée. Il habitait alors au 9, rue Lacaille, à Paris 17e. En juillet, il intervenait en faveur de la paix dans une réunion CGT de la gare Saint-Lazare. Il était également en relations épistolaires avec Marcel Martinet*.

En mai 1917, Sirolle entra à l’Union des syndicats de la Seine comme représentant des cheminots du réseau État. En février 1918, il fut l’un des animateurs de la réunion extraordinaire des comités syndicaux minoritaires de la Seine. Il y annonça la victoire des minoritaires chez les cheminots parisiens. En juin, il prit la parole au congrès fédéral. En octobre 1918, il appuya la grève des midinettes et vint tenir des discours pacifistes dans leurs meetings.

Ferme opposant à la politique de la majorité de la CGT, Sirolle fut délégué au congrès fédéral des cheminots de mai 1919. À l’époque, il était membre de la Fédération anarchiste (FA), collaborait à son hebdomadaire Le Libertaire, et était un de ses orateurs habituels dans les meetings. En parallèle, il était membre de la commission exécutive du Comité de la IIIe Internationale, fondé en mai 1919. Cependant, dès l’année suivante, il y fut marginalisé par les socialistes Souvarine et Rappoport.

Pendant la grève de la métallurgie parisienne de juin 1919, plusieurs milliers de cheminots parisiens tinrent une grande assemblée générale le 6 juin à la bourse du travail pour décider de marcher ou non. Sirolle et Monmousseau s’opposèrent à la grève immédiate, préférant lancer un ultimatum au bureau fédéral des Cheminots pour qu’il appelle à la grève nationale. En vain.

Sirolle fut un des porte-parole de la minorité révolutionnaire au congrès CGT de Lyon du 15 au 21 septembre 1919. Au moment où se lançait un débat sur l’avenir de la CGT, il s’éleva, dans Le Libertaire du 12 octobre 1919, contre toute entreprise de scission.

Révoqué fin mars 1920, il fut supplanté comme leader durant la grève des cheminots de mai par Monmousseau et Lucien Midol. Il devint néanmoins secrétaire adjoint de la fédération des cheminots quand les révolutionnaires gagnèrent la majorité, lors du congrès de la salle Japy, du 22 au 24 avril 1920 (voir Gaston Monmousseau).

Arrêté le 4 mai 1920 dans le cadre du « complot contre la sûreté de l’État » (voir Marius Hanot), Sirolle fut emprisonné à la Santé. Remplacé par Le Guen à la commission administrative de la CGT, il cosigna avec Toti*, Delagrange, Sigrand, Chaverot, Gauthier et Courage, une lettre accusant la direction confédérale de la CGT de trahir la grève des cheminots. Mis en liberté le 11 juin, il devait bénéficier d’un non-lieu le 27 novembre. Sirolle put du coup assister au congrès du Réseau État. Au titre du secteur de Paris, il présenta une motion approuvant l’ordre de grève, qui fut repoussée à 300 voix près, sur 33 830 suffrages.

Du 27 septembre au 2 octobre 1920, Sirolle fut un des principaux porte-parole de la minorité révolutionnaire au congrès confédéral de la CGT à Orléans. Marquant sa différence avec ses camarades anarchistes, il s’y affirma partisan de la « nationalisation industrialisée » pour des raisons tactiques, jugeant que cette revendication ne pouvait conduire qu’à une authentique socialisation.

En marge du congrès confédéral, une conférence minoritaire fonda les Comités syndicalistes révolutionnaire (CSR), qui déclarèrent aussitôt leur solidarité avec la IIIe Internationale. Cette orientation souleva l’inquiétude de Sirolle et d’une partie des syndicalistes révolutionnaires qui, dès lors, estimèrent le syndicalisme « en danger ».

Du 14 au 15 novembre 1920, il assista au Ier congrès de l’Union anarchiste à Paris.

Au congrès extraordinaire de l’Union des syndicats de la Seine, en novembre 1920, il se prononça pour la non-rééligibilité des responsables et fut élu à la commission exécutive sur la liste révolutionnaire. En novembre 1921, à l’issue du IIe congrès de la Seine, il y fut réélu.

En février 1921, il cosigna le « Pacte » secret des syndicalistes révolutionnaires dits « purs » au sein des Comités syndicalistes révolutionnaires (voir Pierre Besnard).

Cette année-là, il fit partie de la délégation française au Ier congrès de l’Internationale syndicale rouge (ISR) avec les anarchistes Moïse Kneler*, Jean Gaudeaux*, Claudine Lemoine* et Albert Lemoine* ; les « syndicalistes purs » Victor Labonne et Georges Gaye ; les procommunistes Tommasi et Godonnèche.

Bien que cette délégation fut dominée par les « purs », Sirolle chercha une voie médiane entre le rejet pur et simple de l’ISR et la soumission aux exigences des Russes. Selon Godonèche, dans les jours qui précédèrent le congrès, qui se tint du 3 au 19 juillet 1921, il chercha à convaincre les délégués italiens de l’USI et espagnols de la CNT qu’il était possible de constituer une opposition syndicaliste révolutionnaire pure au sein de l’ISR.

Durant le congrès, il prit la parole au nom de la délégation française pour demander la libération des anarchistes emprisonnés, qu’il invita à ne pas confondre avec « l’œuvre destructive de Makhno » ce qui indique qu’à cette époque encore, les anarchistes français n’étaient pas informés du caractère véritable de la Makhnovstchina. Le 13 août, il participa à une réunion privée entre la délégation française et Lozovsky, Zinoviev et Radek, à l’issue de laquelle il cosigna une déclaration appelant à aplanir les différends entre les CSR français et l’ISR. La déclaration concluait que l’autonomie syndicale n’était pas mise en cause par les statuts de l’ISR.

Au Ier congrès confédéral CGTU de Saint-Étienne, du 25 juin au 1er juillet 1922), Sirolle fut un des porte-parole de la tendance Besnard* qui, au point de vue international, plaidait pour ne pas adhérer à l’ISR avant d’avoir obtenu toutes les garanties sur son autonomie vis-à-vis de l’Internationale communiste. Après que le congrès ait décidé l’adhésion « avec réserves » à l’ISR, il estimait néanmoins qu’il n’y avait pas d’autre solution, et défendit sa position dans Le Libertaire du 4 août 1922, ce qui lui valut d’être sévèrement critiqué par Pierre Le Meillour*.

Il n’assista pas, semble-t-il, au congrès de Bourges de la CGTU en novembre 1923.

Sirolle fut brièvement membre de la CGT-SR, fondée en novembre 1926, mais s’opposa rapidement à Pierre Besnard et la quitta pour rejoindre la CGT. Il fut délégué aux congrès confédéraux de la CGT de 1927, 1929 et 1931.

Henri Sirolle s’éloigna à l’époque définitivement de l’anarchisme et évolua vers le syndicalisme réformiste et anticommuniste. Pour la suite de son itinéraire, consulter le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.

Il s’était marié trois fois : à Rochefort le 6 décembre 1910 avec Hélène Marie Pontac, à Bordeaux le 15 avril 1915 avec Andrée Marthe Cassou, à Clichy-sous-Bois le 23 octobre 1919 avec Suzanne Marcelle Bouteville.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155608, notice SIROLLE Henri, Édouard [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, Georges Ribeill, notice revue par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 17 mars 2014, dernière modification le 24 août 2022.

Par Jean Maitron, Georges Ribeill, notice revue par Guillaume Davranche

Henri Sirolle (1920)
Henri Sirolle (1920)
Agence Rol

SOURCES : Arch. Nat. F7/13053, F7/13055, F7/13574, F7/13618, 13675 et 13677. — Arch. Départ. Charente inférieure, état civil, registre matricules. — Arch. PPo. BA/1892. — La Bataille, 24 août 1920. — Le Libertaire des 14 janvier et 13 juin 1921. — La Revue anarchiste n°3, mars 1922. — L’Humanité, 23 mars 1930. — Pierre Monatte, Trois scissions syndicales, Éditions ouvrières, 1958. — Annie Kriegel, Aux origines du communisme français, Mouton, 1964. — Syndicalisme révolutionnaire et communisme. Les Archives Pierre Monatte, Maspero, 1968. — Cahiers de l’Institut Maurice-Thorez, n°1, 1966 (témoignage de L. Midol) — Georges Ribeill, Les Cheminots en guerre (1914-1920), Certes-ENPC, 1988. — R. Baudouï, « Un grand commis de l’État, Raoul Dautry (1880-1951) »,Thèse à l’IEP de Paris, 1991. — Jean-Louis Robert, Les Ouvriers, la patrie et la révolution, Paris 1914-1919, Université de Besançon, 1995. — Le Monde libertaire du 27 septembre 2001. — David Berry, A History of the French Anarchist Movement 1917-1945, Greenwood Press, 2002. — Notes d’Alain Dalançon.

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