BARTHÈS Louis [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche

Né le 18 juin 1885 à Cransac (Aveyron) ; terrassier ; anarchiste et syndicaliste. À ne pas confondre avec Louis Barthe, syndicaliste du Bâtiment dans les Basses-Pyrénées.

Louis Barthès (1922)
Louis Barthès (1922)
L’Humanité du 28 juin 1922.

Fils de François Barthès, mineur, et de Rosalie Marty, ménagère, Louis Barthès était lui-même mineur lorsqu’il fut appelé en octobre 1906 pour faire son service militaire au 3e régiment d’artillerie coloniale, mais il fut réformé n°2 en mars 1907 pour « crises convulsives » (épilepsie).

En 1909, il travaillait comme terrassier à Paris. Le 25 février 1909, le tribunal correctionnel de la Seine le condamna à huit jours de prison et à 25 francs d’amende (avec sursis) pour coups et blessures. Il se maria le 19 juin à Paris 15e avec Marie Peschaud, caoutchoutière. Le couple demeurait alors au 60 bis, rue des Bergers.

Le 11 août 1913, Louis Barthès représenta les Jeunesses de Paris 15e au congrès des Jeunesses syndicalistes de la Seine, qui se tenait au siège confédéral de la CGT. Il y désapprouva la stratégie d’insoumission militaire systématique prônée par Jules Lepetit et lut un rapport sur la nécessité pour les JS d’organiser des activités sportives.

Début 1916, il était, avec Émile Hubert, un des responsable du syndicat des terrassiers, et fervent opposant à la guerre et à l’union sacrée. Il fut ensuite un des piliers du Comité de défense syndicaliste (voir Paul Veber).

Le 9 décembre 1916, lors de la réunion des conseils syndicaux de la Seine, la minorité syndicaliste se divisa sur l’attitude à avoir quant à la venue du président Wilson en France. Bourderon voulait que les pacifistes se mêlent à la foule pour y lancer des slogans en faveur de la paix ; Barthès plaida pour tenir une manifestation pacifiste distincte.

Au printemps 1917, Louis Barthès subit la répression : il fut condamné le 18 avril 1917 pour entrave à la liberté du travail et port d’arme prohibé, mais fit appel. Puis, le 14 mai, il passa devant la commission de révision en vue d’être expédié au front. Heureusement pour lui, la commission confirma son exemption pour épilepsie. Le 26 mai 1917, il prenait la parole devant une assemblée d’ouvrières plumassières en grève, tenant des paroles violemment anticapitalistes, antigouvernementales et pacifistes. Le 5 juin, la cour d’appel confirma sa condamnation d’avril, à deux mois de prison.

Soutien fervent de la Révolution russe, il le manifeste « La Révolution russe et les syndicalistes » paru dans La Tranchée républicaine du 8 août 1917, qui prenait position en faveur des « socialistes maximalistes et anarchistes russes » réprimés après l’échec des journées insurrectionnelles de juillet à Petrograd (voir Henri Einfalt).

Le 13 mars 1918, lors d’une réunion du CDS, il critiqua vivement Raymond Péricat pour avoir accepté un mandat de délégué à la conférence syndicaliste interalliée de Londres.

En mai 1918, il coanima la grève du Bâtiment de la Seine. Le 9 mai, devant une assemblée de grévistes à la Grange-aux-Belles, il récusa l’idée que le mouvement faisait « le jeu des Boches » et affirma la primauté de la lutte de classe : « nous ne nous occupons ni des Boches ni des Français en ce moment ». Le 15 mai, à la réunion du Comité de défense syndicaliste, il disait : « Dès que le mouvement sera bien parti, il faudra que la grève soit déclarée révolutionnaire et contre la guerre. »

Les 19-20 mai 1918, Louis Barthès participa au congrès des syndicats minoritaires à Saint-Étienne (Loire).

En octobre 1918, il fut élu secrétaire de la 18e région (Seine) de la fédération du Bâtiment. Ses appointements étaient alors équivalents à ceux des permanents de l’Union des syndicats de la Seine : 600 francs par mois.

Du 10 au 13 juillet 1918, il fut, avec Émile Hubert, délégué (minoritaire) des terrassiers de la Seine au congrès de la fédération du Bâtiment à Versailles. En décembre, il fut, avec Raymond Péricat, Jean-Louis Thuillier et Jean-Baptiste Vallet, candidat de la minorité révolutionnaire au secrétariat fédéral. La majorité les écarta, mais il fut élu à la commission exécutive de la fédération.

Le 5 avril 1920, il fut réélu à la commission exécutive de la fédération du Bâtiment, et aussitôt délégué au suivi de la grève des terrassiers sur le chantier naval Worms au Trait (Seine-Inférieure). En juillet, c’est au Havre qu’il se trouvait, pour engager les terrassiers en lutte à faire respecter la loi sur les huit heures.

Du 27 septembre au 2 octobre 1920, il fut délégué (minoritaire) au congrès CGT d’Orléans par les terrassiers de la Seine. Louis Barthès participa également, en marge du congrès, à l’assemblée générale des syndicats minoritaires qui donna naissance aux Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR).

Au sein de la commission exécutive de la fédération du Bâtiment, le bras de fer se durcissait entre majoritaires et minoritaires. Lors du conseil national fédéral du 26 décembre 1920, 5 minoritaires – Barthès, Le Pen, David, Maucolin et Fève – prirent prétexte d’un article de L’Atelier jugé insultant pour la mémoire de [Vergeat-154381] et Lepetit pour donner leur démission.

En avril 1921, délégué par le comité central des CSR à Roanne, Barthès affirma que si le congrès confédéral de Lille ne donnait pas satisfaction, on allait à la scission, et qu’« en face de la CGT jaune nous dresserons la CGT rouge ». Il évoqua également la fondation de l’Internationale syndicale rouge, et affirma : « Nous irons à Moscou où nous poserons comme première condition l’autonomie complète et absolue du mouvement syndical ».

Barthès fut un des porte-parole de la minorité au VIIIe congrès fédéral du Bâtiment, à Dijon, du 16 au 21 mai 1921. Après ce congrès où les révolutionnaires reconquirent la fédération, Barthès fut élu à la commission exécutive où siégèrent également Ferré*, Le Pen, Julian*, Forget*, Simon, Vallet*, Jouve*, Teulade, Frambourg, Coutadeur et Vuistaz.

Après que le Ier congrès de l’Internationale syndicale rouge eut adopté des conclusions préconisant la « liaison organique » avec l’Internationale communiste, il cosigna une déclaration de responsables des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR) qui, au nom de la Charte d’Amiens, répudiait ces conclusions (La Vie ouvrière du 22 juillet 1921). Il ne fut pas délégué au congrès confédéral de Lille, en juillet 1921.

Délégué au congrès de l’UD de la Seine, le 27 novembre 1921, Louis Barthès s’opposa aux thèses de Gaston Monmousseau. Il prit aussi part à l’assemblée extraordinaire des syndicats minoritaires, tenue du 22 au 24 décembre 1921 à Paris, et fit partie de la délégation qui se rendit rue Lafayette pour d’ultimes négociations avec les majoritaires afin d’éviter la scission. Après que la scission confédérale fut consommée, Louis Barthès fut élu à la commission administrative provisoire (voir Henri Toti) de ce qui allait devenir la CGTU.

Se classant dans la tendance Besnard, il fut un des principaux orateurs du Ier congrès confédéral de la CGTU à Saint-Étienne, du 25 juin au 1er juillet 1922. Il y affirma que le « syndicalisme a un rôle bien défini et bien supérieur au Parti. Il représente le Travail ».

Lors du congrès fédéral du Bâtiment CGTU à Paris, du 4 au 7 juillet au 1923, les « anarcho-syndicalistes » comme les qualifiaient leurs adversaires procommunistes, réaffirmèrent leur majorité. Louis Barthès déposa une motion cosignée par la grosse majorité de la commission exécutive (Blois, Ceppe, Courtinat, Forget, Fougeron, Jouve, Koch*, Le Pen, Monier et Vallet), qui soulignait l’importance de la Charte d’Amiens et précisait que « le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance sera, demain, le groupement de production et de répartition, base de la réorganisation sociale ». Cette motion obtint 159 voix, contre 32 à la motion du communiste Teulade.

La Fédération du bâtiment quitta officiellement la CGTU le 31 octobre 1924, et passa à l’autonomie.

Du 18 au 20 juin 1925, Barthès fut délégué au congrès de Lyon de la Fédération autonome du bâtiment qui devait trancher un important débat : maintien dans l’autonomie ou retour à la CGT. La motion cosignée de Barthès, Pommier, Le Pen, Alliet et Cotinaux qui préconisait « la fusion immédiate » avec la CGT obtint 29 voix. La motion cosignée par Boisson, Vagneron, Simon, Boudoux, Juhel, Pastergue et Malgloire obtint 30 voix. Il y eut également 3 abstentions. À une voix près, la Fédération du bâtiment demeura donc dans l’autonomie. À l’issue du congrès, Louis Barthès fut élu trésorier fédéral.

Le 18 juillet 1926, le comité fédéral national de la Fédération autonome du bâtiment adopta la motion Barthès-Jouve-Boudoux qui visait à regrouper le syndicalisme révolutionnaire au sein d’une « 3e CGT ». Celle-ci fut créée sous le nom de CGT-SR à l’issue du congrès du 15-17 novembre 1926 à Lyon.

Le 28 avril 1928, il se remaria à Clichy avec Jeanne Collon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155628, notice BARTHÈS Louis [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 6 mars 2014, dernière modification le 16 octobre 2022.

Par Guillaume Davranche

Louis Barthès (1922)
Louis Barthès (1922)
L’Humanité du 28 juin 1922.

SOURCES : État civil de Cransac. — Registre militaire de l’Aveyron. — Arch. Nat. F7/13013, F7/13097, F7/13586 (IIe congrès de la CGTU) F7/13647, F7/13650, F7/13651, 19940434/116 — Arch. PPo BA/1900 et carton 296 — Comptes rendus des congrès fédéraux du Bâtiment : 1918, 1919, 1921, 1923, 1925. — L’Action syndicaliste. — La Voix du Travail, août 1926. — Annie Kriegel, Aux origines du communisme français, Mouton & Co, 1964. — Claire Auzias, Mémoires libertaires. Lyon 1919-1939, L’Harmattan, 1993. — Jean-Louis Robert, Les Ouvriers, la patrie et la révolution. Paris 1914-1919, Annales littéraires de l’université de Besançon, 1995. — Boris Ratel, « L’anarcho-syndicalisme dans le bâtiment en France entre 1919 et 1939 », mémoire de maîtrise, université Paris-I, 2000.

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