JOUVE Henri [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean-Luc Pinol, notice complétée par Guillaume Davranche

Ouvrier carrier ; anarcho-syndicaliste.

Au sortir de la Grande Guerre, Henri Jouve était un militant en vue de la minorité révolutionnaire de la CGT, et un fervent défenseur de la Révolution russe.

En février 1920, il fut élu secrétaire du syndicat du bâtiment de la Seine. De tendance minoritaire, il déclara, lors d’un meeting, en mars 1920 : « Le jeu des augmentations de salaires ne peut durer indéfiniment. Il subsistera tant que le capitalisme aura les moyens de récupérer les augmentations sur le travail, au détriment de la classe ouvrière. Il faut que le prolétariat comprenne son devoir et qu’il sache quel idéal il doit revendiquer. Cet idéal, il ne pourra l’atteindre que s’il se sent fort et conscient. Il a l’exemple de la Russie soviétiste. » En avril 1920, lors d’un meeting organisé par la 18e région de la Fédération du bâtiment, il proclama : « Nous ne devons pas tolérer que l’on détruise le régime des soviets. »

Du 27 septembre au 2 octobre 1920, Henri Jouve représenta le syndicat du Bâtiment de la Seine au congrès confédéral d’Orléans. Quelques jours plus tard, il fut élu au comité central des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR). De décembre 1921 à avril 1922, il participa à la rédaction du journal Le Syndicaliste révolutionnaire, qui défendait point de vue « syndicaliste révolutionnaire pur » (voir Pierre Besnard).

En janvier 1921, il fut poursuivi pour son activité militante et surtout pour sa propagande en faveur du Sou du soldat.

En février 1921, il fut l’un des signataires du Pacte qui liait entre eux les « purs » (voir Pierre Besnard). Durant la préparation du congrès du bâtiment qui devait avoir lieu du 16 au 21 mai 1921 à Dijon, il s’opposa à délégation de Pierre Gendrau et imposa à sa place Guillaume Verdier, membre du Pacte.

Au congrès de Dijon, il défendit la non-rééligibilité des fonctionnaires syndicaux, et surtout, il présenta, avec Julien Le Pen la motion sur l’orientation syndicale. Cette motion, en recueillant 125 voix contre 96, renversa la direction réformiste de la fédération. Jouve fit alors partie de la commission exécutive provisoire qui prépara le congrès confédéral de Lille, juillet 1921 (voir Louis Barthès). Juste avant le congrès de Lille, il fut confirmé comme membre de la commission exécutive.

En novembre 1921, il démissionna de son poste de secrétaire du syndicat du Bâtiment mais, plébiscité, il reprit sa place. Il était alors imprimeur*gérant du Prolétaire, organe mensuel du syndicat du Bâtiment et des travaux publics de la Seine. Ce journal se proclama dans, un numéro spécial de décembre 1921, « organe du syndicalisme révolutionnaire » et la manchette proclamait : « Le syndicalisme se suffit à lui-même ». Parmi les signataires des articles se trouvaient Guillaume Verdier, Pierre Besnard et Quinton. Le Prolétaire devint l’organe du Syndicat unique du bâtiment (SUB) de la Seine après la création de la CGTU.

En février 1922, Henri Jouve eut un grave accident. L’échafaudage sur lequel il travaillait s’écroula et il fit une chute de 8 mètres. Il resta trois semaines à l’hôpital et en profita pour répondre à l’enquête sur le fonctionnarisme syndical ouverte par Sébastien Faure dans La Revue anarchiste. Sa réponse parue dans le numéro de mars 1922. Henri Jouve s’élevait contre la croyance que les permanents occupaient une « sinécure ». « Je puis certifier, écrivait-il, que si notre organisation n’avait pas décidé la création de délégués à la propagande je me demande où seraient aujourd’hui les effectifs que nous possédons, et qui, pourtant, ne sont pas ce qu’il devraient être. » Il se prononçait en revanche pour une limitation de la durée du permanentat à deux ans.

Lors de l’assemblée générale du SUB de la Seine, le 3 juin 1923, Henri Jouve attaqua violemment les tentatives de noyautage du PCF. Sa motion condamnant les commissions syndicales communistes recueillit 2 000 voix contre 60.

Du 4 au 7 juillet 1923, il fut délégué au congrès de la fédération CGTU du bâtiment à Paris. Il y cosigna la motion Couture* qui, votée à une large majorité, confirma la défaite des communistes face aux syndicalistes révolutionnaires — ou « anarcho-syndicalistes » pour reprendre leur expression. Henri Jouve y fut élu à la commission exécutive.

Du 12 au 17 novembre 1923, il fut délégué au congrès confédéral CGTU de Bourges, où il se classa dans la minorité. Par la suite, il appartint à la Minorité syndicaliste révolutionnaire (MSR) et collabora à son organe La Bataille syndicaliste.

Le 17 février 1924, après l’assassinat de Clos* et Poncet* qui devait provoquer la rupture des anarcho-syndicalistes, Jouve participa à la délégation du bâtiment CGTU qui proposa à la fédération CGT du bâtiment une fusion dans l’autonomie. En vain. Les pourparlers se poursuivirent plusieurs mois. Enfin, au conseil national fédéral des 27 et 28 juillet 1924, il déposa une motion affirmant que l’unité fédérale du bâtiment était, en l’état actuel des choses, impossible. Il fut suivi par 7 voix contre 3, et les pourparlers furent rompus.

En mai 1924, il appartint au Groupement de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie (voir Jacques Reclus).

La fédération du Bâtiment rompit officiellement avec la CGTU le 31 octobre 1924. Durant le premier semestre 1925 elle traversa une crise morale et ses deux secrétaires à la propagande, Épinette* et Parant*, démissionnèrent. Jouve fut désigné pour les remplacer.

Du 18 au 20 juin 1925, Henri Jouve fut délégué au congrès de Lyon de la Fédération autonome du bâtiment qui décida du maintien dans l’autonomie. Il fut élu à la commission exécutive.

Le 18 juillet 1926, le comité fédéral national de la Fédération autonome du bâtiment adopta la motion Barthès-Jouve-Boudoux qui visait à regrouper le syndicalisme révolutionnaire au sein d’une « 3e CGT ». Celle-ci fut créée sous le nom de CGT-SR à l’issue du congrès du 15-17 novembre 1926 à Lyon, et Henri Jouve en fut membre.

Une Fédération syndicale internationale des travailleurs du bâtiment (FSITB), affiliée à l’AIT, fut également fondée le 17 novembre 1926 à Lyon par les délégués internationaux présents au congrès fondateur de la CGT-SR. Henri Jouve fut élu à son secrétariat, comme représentant de la France.

Il semble qu’en 1928, Henri Jouve appartenait toujours au SUB de la Seine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155677, notice JOUVE Henri [Dictionnaire des anarchistes] par Jean-Luc Pinol, notice complétée par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 2 avril 2014, dernière modification le 4 juillet 2022.

Par Jean-Luc Pinol, notice complétée par Guillaume Davranche

SOURCES : Arch. Nat. F7/13618, 13650 et 13651. — Arch. PPo. 296. — Syndicalisme révolutionnaire et communisme, op. cit., p. 278. — Le Libertaire, n° du 29 juillet au 5 août 1921. — La Revue anarchiste, de mars 1922. — La Voix du Travail, août 1926, février 1927. — Le Travailleur du Bâtiment, mars 1924. — Boris Ratel, « L’anarcho-syndicalisme dans le bâtiment de 1919 à 1939 », mémoire de maîtrise en histoire, université Paris-I, 2000.

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