BERTANI Orsini [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche, Lucia Campanella

Né le 28 juillet 1869 à Florence (Italie), mort en 1939 à Montevideo (Uruguay) ; anarchiste illégaliste ; inculpé du « procès des Trente ».

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Avant de s’installer en France en 1892, Orsini Bertani avait été un militant anarchiste actif en Argentine. Lors d’une perquisition aux bureaux de La Révolte, la police saisit une lettre qui le recommandait à Jean Grave, en date du 23 décembre 1893. L’année d’avant, il était déjà surveillé à Marseille, soupçonné de fabriquer de la fausse monnaie « pour alimenter la caisse de la cause anarchiste ».

Fit-il partie de la « bande Ortiz » ? Il vécut en tout cas avec sa compagne, Marie Milanaccio, dans le « repaire » de la bande, au 1, bd Brune, à Paris 14e, où était entreposé le butin des cambriolages.

Le 18 mars 1894, la police opéra une descente dans le « repaire » du bd Brune et saisit les objets volés et une partie de la bande. Orsini Bertani, qui venait de rentrer d’un voyage à Londres, fut arrêté et incarcéré. Le Matin le décrivit comme « un grand garçon d’une trentaine d’années, aux traits réguliers ; sa chevelure moutonnante et sa barbe noire, divisée au menton en deux pointes méphistophéliques, lui donnent un grand air de ressemblance avec le sâr Peladan ».

Du 6 au 12 août 1894, Bertani comparut avec toute la « bande Ortiz » devant les assises de la Seine dans le cadre du « procès des trente » (voir Élisée Bastard). Défendu par Me Deshayes-Saint-Merry, il fut condamné à six mois de prison et à 16 francs d’amende pour port d’arme prohibé.

Rentré en Argentine, il devint le compagnon d’Anita Lagourdette, collaboratrice de Virginia Bolten au journal anarchiste féministe La voz de la mujer. À Buenos Aires il participa comme propagandiste aux grèves de 1902, se fit expulser la même année dans le cadre de la “Loi de résidence” et s’installa durablement à Montevideo. Pendant ses premières années sur place il multiplia les activités autour des métiers du livre et de l’édition : il fonda la “Librería Moderna” vers 1903 ; il ouvrit également une imprimerie, “El Arte”, où l’on produisait tout type de livres et d’imprimés, dont la revue anarchiste Futuro. À partir de 1904, une maison d’édition qui porte son nom, “O. M. Bertani”, vit le jour. Celle-ci publia les œuvres complètes de Rafael Barret, formant ainsi un catalogue de qualité, considéré comme une des bases historiques de l’édition professionnelle en Uruguay. Orsini Bertani consolida tout au long de quatre décennies une immense influence dans la scène culturelle et littéraire locale.

Il s’éloigna de l’anarchisme vers 1912, devenant proche des idées et même de la personne de José Batlle y Ordóñez, président de la République à deux reprises (1903-1907 et 1911-1915). Pour le compte du président, Bertani exerça pendant plusieurs années la fonction d’inspecteur du travail. Vers 1922, inquiet de la montée du fascisme en Italie, il fut à l’origine de plusieurs initiatives antifascistes à Montevideo.

À sa mort en 1939 un hommage lui fut rendu au Parlement et un nombreux cortège accompagna sa dépouille au cimetière central de Montevideo.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155811, notice BERTANI Orsini [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, Lucia Campanella, version mise en ligne le 5 avril 2014, dernière modification le 15 mai 2021.

Par Guillaume Davranche, Lucia Campanella

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES : Le Matin du 22 mars 1894. — Le Journal des débats du 15 juillet 1894 et du 6 au 13 août 1894. — Camba, Julio, Ô juste, subtil et puissant venin ! L’exil et autres écrits en Anarchie (1902-1906) (Hervé Denès traducteur) Montreuil : l’Insomniaque, 2016. — Fabbri, Luigi. Epistolario ai corrispondenti italiani ed esteri (1900-1935) (Roberto Giulianelli éditeur) Pisa : BFS Edizioni, 2005. Lettre à Malatesta, le 17 janvier 1930 à Montevideo, pp. 252-253. — Rocca, Pablo. « Vida y milagros de Orsini Bertani (Una semblanza : quehaceres de la cultura letrada del Novecientos) ». Letras de Hoje, 53(2), 2018, pp. 275-286. Consulté le 23 mars 2019, https://dx.doi.org/10.15448/1984-7726.2018.2.31511 — Oved, Iaacov. El anarquismo y el movimiento obrero en Argentina, Mexico : Siglo XXI, 1978.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable