DESMOULINS Martial [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy, Thierry Bertrand

Né le 12 mai 1890 à Limoges (Haute-Vienne), mort le 17 septembre 1984 à Cannes (Alpes-Maritimes) ; ouvrier en chaussure puis représentant de commerce ; anarchiste et syndicaliste.

Après avoir passé son certificat d’études, Martial Desmoulins devint à 13 ans apprenti coupeur dans une usine de chaussures. « Ce sera pour moi, écrit-il dans une lettre du 20 septembre 1977, un dur apprentissage de la vie ouvrière du commencement du siècle. » Deux ans après il quitta l’usine et traîna avec une bande de jeunes ouvriers sans travail dont la principale activité était de « chercher querelle aux jeunes employés de commerce, qui se croient au-dessus des ouvriers » et de rosser « les petits gommeux et gommeuses de la petite bourgeoisie ».

Embauché dans une grosse fabrique de porcelaine — « dix heures de travail par jour... les travaux forcés avec une chiourme ne nous quittant pas des yeux » — il commença à fréquenter le groupe libertaire de Limoges et distribua l’un de ses premiers tracts intitulé « Les ouvriers n’ont pas de patrie ». Sommé de cesser ses activités militantes par la direction de l’usine, il trouva un travail dans la chaussure et adhéra au syndicat des cuirs et peaux.
Il se mariait le 21 novembre 1910 avec Picot Marie, Marcelle à Limoges.

Après vingt-six mois de service militaire (1911-1913), Martial Desmoulins travailla dans une fabrique de tiges puis à l’usine de chaussures Fougeras. En 1913, il militait avec Marcel Vardelle et Jules Téty aux Jeunesses syndicalistes de Limoges dont il fut le secrétaire. Formé au groupe néomalthusien, il distribuait souvent des préservatifs à la sortie des usines. En novembre 1913, il fut élu trésorier du syndicat CGT des cuirs et peaux de Limoges.

Mobilisé en août 1914, il passa deux ans au front puis déserta en décembre 1916. Le 1er janvier 1917, il se fixa à Marseille où plusieurs autres déserteurs et insoumis vivaient clandestinement (entre autres Gaston Leval et Eugène Galand) et où la compagne de Jean Roumilhac lui trouva une chambre et du travail. Il était alors muni de faux papiers au nom de Deschamps qui avaient été fabriqués à son intention par Louis Moreau, peintre-graveur à Châteauroux.

En juillet 1918, Desmoulins quitta Marseille pour Barcelone où il allait faire partie du « Groupe international » qui avait son siège au 416 calle Cortes, aurait édité le journal en français Aurore rouge, et auquel aurait appartenu Victor Serge.

Revenu en France en 1921, grâce aux efforts des Roumilhac, Desmoulins vécut avec de faux papiers espagnols au nom de Pérez. En 1923, en délicatesse les autorités militaires, il fut interné au fort Saint-Nicolas, avant d’être remis en liberté après une longue instruction. Amnistié en 1926, il regagna Limoges où Henri Grand l’amena à une réunion du groupe libertaire où il rencontra entre autres René Darsouze, André Lansade et Adrien Perrissaguet. De 1929 à 1939, ce groupe devait éditer La Voix libertaire, et Desmoulins y collabora mais entre-temps, en 1927, il s’était réinstallé à Marseille, où il fut représentant en chaussures.

Membre du syndicat La Fraternelle, adhérent à la CGT-SR, il s’occupa de la diffusion de La Voix libertaire dans toute la région. Dans les années 1930 il animait l’Athénée libertaire qui se réunit jusqu’à la guerre au bar cannois Le Petit Poucet autour notamment de Joseph Gleize et Théodore Jean.

Sous l’Occupation, Desmoulins participa au congrès tenu à Nîmes par les Amis de La France au travail, une revue collaborationniste, ce qui lui permit de faire sortir une dizaine de camarades internés au camp de Sisteron. Cette compromission lui fut reprochée à la Libération, mais Martial écrivit à ce propos : « Quelques constipés de la cervelle me reprochèrent de m’être occupé de cette histoire. Mais ce que j’ai fait en 1941, je le referais aujourd’hui si c’était pour les copains qui vont en prison. »

En 1947, Martial Desmoulins fut l’un des organisateurs de la CNT-F à Marseille, avec notamment Luca Bregliano et Pierre Sayas. Il fréquenta régulièrement la bourse du travail de la rue de l’Académie jusqu’à la fin des années 1950, époque où la maladie de sa compagne l’obligea à renoncer au militantisme actif.

En juillet 1960, Desmoulins présida le meeting de commémoration de la Révolution espagnole tenu à la bourse du travail avec la participation d’Annibal Ferré et Roque Santamaria comme orateurs.

Après le décès de sa compagne en 1967, Martial Desmoulins reprit ses activités au syndicat intercorporatif CNT-F et fut sans doute membre du bureau de l’union régionale.

En octobre 1969, lors d’une réunion de l’union locale devant statuer sur l’exclusion des frères Pierre et Richard Meric, il prit la défense de ces derniers, scandalisé par « cette prétention de mettre à la porte d’une organisation libertaire sans entendre les accusés  » et s’opposa vivement à Alain Dreyfus, l’un des responsables de la CNT-F et du groupe FA3 Bakounine (ORA) de Marseille, qui ne cessait de l’interrompre et qu’il finit par traiter de « stalinien » avant de lui envoyer un cendrier à la figure. D’après son témoignage, à la suite de cette réunion, Desmoulins fut également exclu de la CNT-F, mais il n’en fut jamais avisé ni par écrit, ni par oral.

Retraité, il s’installa à Cannes où, dans les années 1970, il fonda le Syndicat des vieux travailleurs de Cannes, adhérent à la CGT-FO. Martial Desmoulins habitait en 1980 au Canet (Alpes-Maritimes) et collaborait au Bulletin du CIRA (Marseille). Il était alors président du Syndicat des vieux travailleurs.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155869, notice DESMOULINS Martial [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, Thierry Bertrand, version mise en ligne le 10 mars 2014, dernière modification le 9 septembre 2020.

Par Rolf Dupuy, Thierry Bertrand

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 1R712. — « Souvenirs ou la fin d’une vie par Martial Desmoulins », Bulletin du CIRA, Marseille, n°19-20, mai 1983. — Notice de René Bianco in Bulletin du CIRA n°19-20. —Témoignage de Martial Desmoulins le 13 juin 1971 à la commission administrative confédérale de la CNT-F.

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