GAUVREAU Claude [Dictionnaire des anarchistes]

Par Daniel Vidal

Né le 19 août 1925 et mort le 7 juillet 1971 à Montréal (Canada) ; poète, écrivain, homme de théâtre ; un des fondateurs du groupe des Automatistes du Québec (Canada)

À neuf ans, il écrivit sa première pièce de théâtre et à 16 ans, il décida de devenir écrivain. À 17 ans, étudiant, il rencontra Paul-Emile Borduas . Lorsque celui-ci créa le groupe des Automatistes, empruntant une démarche déjà entamée par les surréalistes en France, il se joignit à eux. Ces artistes combattaient l’académisme artistique et enseignant, la morale bourgeoise ainsi que le poids étouffant de l’Eglise catholique au Canada. Pour libérer la créativité artistique, les Automatistes considérèrent qu’il fallait réhabiliter l’acte émotif, créatif et rebelle par définition, et donc le libérer de la morale dominante, capitaliste et cléricale.

Outre les expositions, conférences, lectures publiques, ils n’hésitèrent pas à soutenir des luttes sociales ou à faire de l’agitation contre la liberticide Loi du Cadenas (1937, abrogée en 1957). C’est le manifeste "Refus global", rendu public le 9 août 1948, qui synthétisera l’essence des postures artistiques et politiques de ce groupe.

Au sein des Automatistes, Claude Gauvreau développera son propre concept de "langue exploréenne" qui s’appuie sur l’idée que tout produit du cerveau est concret, que ce soit un son, un geste ou un mot. Il y avait donc lieu de les considérer comme des réalités autonomes et non des concepts. Il rejetait la grammaire et l’orthographe comme des mécanismes bridant la créativité sous prétexte de garder un usage correct de la langue. Ces théories seront développées par l’artiste à travers des centaines d’articles, un roman, un scénario, sept recueils de poésies, huit pièces de théâtre et même un livret d’opéra.

Sa sensibilité politique libertaire (il admirait Bakounine*, Makhno* ou Garcia Oliver) l’amena à refuser l’évolution idéologique des Surréalistes français contre Breton, et d’une partie des automatistes canadiens. D’autres automatistes tels que Borduas, le sculpteur Jean-Paul Mousseau*, Jean-Paul Riopelle* rejetèrent le rapprochement avec les communistes canadiens. Gauvreau réfutait l’idéologie marxiste, la jugeant non révolutionnaire, car provoquant l’abêtissement (par le biais de la propagande), le dirigisme et "la pulvérisation de tout germe de dissidence", et ne remettant pas en cause la morale bourgeoise. Après la rupture avec les communistes québecquois, à l’instar des Surréalistes français avec Breton, c’est vers les anarchistes qu’il se tourna après une rencontre avec Alex Primeau*, par l’intermédiaire de Muriel Guilbault.

Politiquement, il évolua de l’individualisme au socialisme libertaire. Il exprima que « Le socialisme libertaire sera accompli lorsque tout capitalisme sera aboli : les travailleurs seront possesseurs des moyens de production et l’individu se gouvernera par la maturité spontanée épanouie ». Dans son recueil de poèmes Etal mixte, écrit entre 1950 et 1951, il évoque Ravachol* ; dans un tableau, un autoportrait, il se représente avec la mention "anarchiste".

Après la quasi-disparition du groupe Automatiste au début des années 50, Gauvreau continua pourtant à défendre les conceptions de ce groupe dont l’impact dépassa largement son époque et ses initiateurs. Muriel Guilbault, sa compagne et sa muse, se suicida en 1952.

Souffrant de maladies mentales, il subit des mois d’internements psychiatriques. De son vivant, il n’obtint pas la reconnaissance du public, y compris par les jeunes révolutionnaires des années 60. Il fut hué à plusieurs reprises sur scène, et son travail ne fut que très partiellement publié ou interprété.

Il se suicida en se défenestrant de son domicile, rue Saint-Denis à Montréal.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155894, notice GAUVREAU Claude [Dictionnaire des anarchistes] par Daniel Vidal, version mise en ligne le 31 mars 2014, dernière modification le 31 mars 2014.

Par Daniel Vidal

SOURCES : Mathieu Houle-Courcelles, Sur les traces de l’anarchisme au Québec, Editions Lux, 2008. — Ruptures (Québec), n°7, Printemps 2007.

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