GRANDIDIER Louis [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy et Guillaume Davranche

Né le 3 avril 1873 à Saint-Denis, mort le 19 mars 1931 à l’hôpital de Saint-Denis (Seine) ; employé puis journaliste ; syndicaliste et anarchiste, puis réformiste.

Louis Grandidier (1905)
Louis Grandidier (1905)
Portrait par Mich, dans Le Matin du 29 décembre 1905.

Fils d’un couple d’ouvriers journaliers, aîné d’une famille de six enfants, Louis Grandidier était dès le début des années 1890 membre du groupe anarchiste de Saint-Denis, dont faisait également partie son frère Alfred Grandidier.

Fuyant la grande répression contre l’anarchisme, il s’exila en Grande-Bretagne en avril 1894, et fut brièvement hébergé à Londres par l’anarchiste Henry Clerc, puis s’installa quelque temps à Birmingham. En décembre 1894, il fut arrêté par la police londonienne.

En novembre 1895, revenu en France, Grandidier fit partie de l’équipe fondatrice du Libertaire, avec Sébastien Faure et Louis Matha. Il devint alors un rédacteur assez connu et de nombreux titres de la presse libertaire accueillirent sa prose : La Bataille publiée à Namur entre 1895 et 1902 ; La Renaissance, de Pierre Martinet en 1896 ; Le Père Duchêne, édité par P. Guyard de mars à mai 1896 ; Le Droit de vivre, d’avril à juin 1898.

Durant l’Affaire Dreyfus, il s’engagea dans le camp dreyfusiste avec toute l’équipe du Libertaire et, de février à décembre 1899, il suivit Sébastien Faure dans l’aventure du Journal du peuple.

Quand Le Libertaire fut relancé, en août 1899, il en fut le gérant, et le resta jusqu’en octobre 1901. Désormais partisan du syndicalisme révolutionnaire, il écrivit dans Le Libertaire du 5 novembre 1899 que les syndicats ouvriers « sont et seront, à mon avis, les embryons de la société future » et invitait les compagnons à sortir « enfin de cette tour d’ivoire dans laquelle nous étouffons : allons aux syndicats ».

Le 10 octobre 1901, il comparut en tant que gérant devant la 9e chambre du tribunal correctionnel pour un article retentissant de Laurent Tailhade dans Le Libertaire du 22 septembre, « Le triomphe de la domesticité », où celui-ci avait appelé à mots couverts à assassiner le tsar Nicolas II lors de sa visite en France. Tailhade fut condamné à un an de prison et à 1000 francs d’amende ; Grandidier à six mois et 100 francs. En prison à la Santé, il fit office de secrétaire à Tailhade, qui appréciait sa conversation.

Il fut libéré à la mi-janvier 1902 et partit aussitôt seconder Ernest Girault dans une tournée de conférences en faveur de la grève générale. Il en tira plusieurs comptes-rendus qui furent publiés.

À l’époque, au Libertaire, il fréquenta Francis Jourdain, qui se souviendrait plus tard de Grandidier comme d’un « sympathique ouvrier dionysien dont la laideur était fameuse », le comparant même à un « pithécanthrope ». 

En 1903, il dirigea la réalisation de L’Almanach du Libertairepour l’année 1904.

En 1904, il donna des articles à Libre Examen d’Ernest Girault et à Tribune internationale.

Le 7 janvier 1905, il fut élu secrétaire adjoint du syndicat des journaliers, manœuvres et aides de tous métiers de Saint-Denis.

Le 26 octobre 1905, il comparut devant le tribunal correctionnel de Montluçon, accusé d’avoir procuré au jeune antimilitariste Marien Dagois une fiole d’explosif. À l’audience, Dagois mit Grandidier hors de cause et celui-ci fut acquitté. Le même mois, il avait cosigné la fameuse « affiche rouge » de l’AIA (voir Roger Sadrin). Au procès, qui se tint du 26 au 31 décembre 1905, il fut condamné à deux ans de prison. Il fut libéré à l’occasion de l’amnistie du 14 juillet 1906.

À l’époque, tout en poursuivant sa collaboration au Libertaire, il donna des articles à La Cravache de Reims, qui vit le jour en décembre 1906 et publia plusieurs de ses chansons, au Cubilot, le journal de la colonie communiste d’Aiglemont dirigée par Fortuné Henry, et au journal toulousain Germinal.

Dès la fondation du journal néomalthusien Génération consciente par Eugène Humbert en avril 1908, Grandidier en fut un rédacteur et militant actif. Il fut gérant du journal pendant deux périodes.

En novembre 1908, il était secrétaire du Comité de défense sociale. Il fut remplacé à ce poste le 15 février 1909 par Eugène Péronnet. Devenu secrétaire de la bourse du travail de Saint-Denis, il ne se représenta pas à ce poste en octobre 1910. Il écrivait, à l’occasion, dans La Voix du peuple.

En mars 1912, il écopa de trois mois de prison, vraisemblablement pour colportage de brochures néomalthusiennes. Avant d’être écroué, il épousa Alexandrine Baratier à Saint-Denis, le 13 avril.

Le 1er mai 1914, il fut un des orateurs des meetings organisés par la CGT en région parisienne. À l’époque, il donna des articles au journal de Benoît Broutchoux, L’Avant-Garde.

Pendant la guerre, Louis Grandidier fut un partisan convaincu de l’union sacrée et devint secrétaire de rédaction de La Bataille syndicaliste puis, après octobre 1915, de La Bataille.

Est-ce durant la guerre qu’il adhéra au Parti socialiste ? Il l’était en tout cas quand son épouse mourut d’une longue maladie, en janvier 1917, lui laissant une fillette. L’Humanité annonça son incinération au columbarium du Père-Lachaise, le 19 janvier. Durant la cérémonie, François Marie et René de Marmande prononcèrent quelques paroles.

Le 12 décembre 1918, Grandidier se remaria à Paris 20e avec Gabrielle Faiety.

Dans La Bataille du 13 janvier 1919, il qualifia les militants du Comité de défense syndicaliste (voir Boudoux) d’« agents du gouvernement et de la réaction ». Cela lui valut d’être violemment interpellé le dimanche suivant, dans un meeting des chômeurs du bâtiment qu’il était venu couvrir. On le fit monter de force à la tribune, où on exigea qu’il s’explique. Comme il s’y refusait, Raymond Péricat lui administra une gifle magistrale.

Le 4 novembre 1919, il assista aux obsèques de Laurent Tailhade à Combs-la-Ville. Ils n’avaient, semble-t-il, jamais rompu le contact depuis leur procès de 1901.

Après guerre, il écrivit dans l’hebdomadaire La Bataille économique, sociale, ouvrière, paysanne, dirigé par François Marie, où il signait la rubrique « L’échoppe du Père Peinard ». Il ne fut en revanche pas secrétaire adjoint de la Fédération des employés CGT, comme une source l’indique par erreur.

Au moment de son décès le 19 mars 1931, Le Libertaire écrivit : « Il appartenait au Parti socialiste tout en n’acceptant pas certains points de vue de ses chefs ». Louis Grandidier fut incinéré au Père-Lachaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155900, notice GRANDIDIER Louis [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy et Guillaume Davranche, version mise en ligne le 10 mars 2014, dernière modification le 8 octobre 2022.

Par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy et Guillaume Davranche

Louis Grandidier (1905)
Louis Grandidier (1905)
Portrait par Mich, dans Le Matin du 29 décembre 1905.
Carte de Louis Grandidier à Eugène Humbert (1916), Institut d’Histoire sociale d’Amsterdam. Cliché signalé par Eric Coulaud.
Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES : Arch. Nat. F 7/13618 ― Archives Raymond Péricat (IFHS) ― La Revue sociale des travailleurs du Livre, 1902 ― L’Humanité du 11 janvier 1905, du 12 novembre 1908, du 19 février 1909, du 25 septembre 1912, du 18 janvier 1917 ― La Guerre Sociale, 27 avril 1910 — Le Libertaire, 27 mars 1931 — Alfred Rosmer, Le Mouvement ouvrier pendant la guerre, Librairie du travail, 1936 ― Francis Jourdain, Sans remords ni rancune, Corrêa, 1954 ― J. P. Brunet, Saint-Denis la ville rouge, Hachette, 1980 ― René Bianco « Un siècle de presse... », op. cit. ― Constance Bantmann, « Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne, 1880-1914 », thèse soutenue à l’université Paris-XIII, 2007 ― Gilles Picq, Laurent Tailhade, Maisonneuve & Larose, 2001 ― notes d’Anthony Lorry.

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