Par Guillaume Davranche
Né le 18 décembre 1857 à Fauverney (Côte-d’Or) ; menuisier ébéniste ; anarchiste.
Dans les années 1884-1885, Pierre Naudet, militant à la chambre syndicale des menuisiers de la Seine et l’un des principaux meneurs du mouvement anarchiste, prit une part active à l’agitation parmi les « ouvriers sans travail ».
Le 23 novembre 1884, la chambre syndicale des menuisiers organisa un grand meeting pour les ouvriers sans travail dans la salle de bal de la rue de Lévis, à Paris 17e. Pierre Naudet fut élu président de la séance par les 3 000 auditeurs présents. Il lut un courrier de solidarité venant d’Espagne, ainsi qu’une déclaration censée avoir été rédigée par un groupe de soldats du fort de Vincennes et disant, en substance : « Commencez la lutte, vous êtes sûrs de nous trouver à vos côtés le moment voulu. » Dix-sept orateurs socialistes (Piéron, Boulay, Crespin) et anarchistes (Leboucher, Lemaire, Druelle, Tortelier, Montant) se succédèrent à la tribune devant une salle surchauffée. La sortie du meeting se transforma en émeute. Un policier en civil démasqué, Pottery, manqua se faire lyncher par la foule. Plusieurs agents furent blessés et, au bout d’une heure, la garde républicaine à cheval dispersa les émeutiers.
Quatorze personnes furent écrouées au dépôt. Onze comparurent devant la 9e chambre du tribunal correctionnel dès le lendemain, et subirent presque toutes une condamnation. Arthur Piéron, deux mois de prison et 16 francs d’amende ; Joseph Siegel*, quatre mois ; Alphonse Desgouttes, vingt jours ; Nicolas Gauthier*, quinze jours ; Auguste Firmin, quinze jours ; Claudius Balthazar, dix jours ; Gustave Sourisseau, huit jours ; Victor Méry, huit jours ; Émile Alhine, huit jours ; Charles Chaudranbrie, 25 francs d’amende. Le cas de deux prévenus, Louis Balin et Émile Siméon, fut renvoyé.
Un second procès fut tenu, cette fois devant les assises de la Seine, les 22 et 23 janvier 1885. Y comparurent deux sortes de prévenus : six orateurs du meeting (Naudet, Piéron, Ponchet, Leboucher, Druelle, Montant) et deux prévenus de tentative de meurtre sur l’inspecteur Pottery (Charles Millet et Émile Simian). Le Gaulois décrivit Naudet comme un « grand rougeaud, à mine très décidée ».
L’accusation fit citer comme témoins plusieurs journalistes : Casabianca, de L’Événement, Maillet, du Temps, Maës, de La Bataille. Tous refusèrent de témoigner par éthique professionnelle, et écopèrent de 100 francs d’amende. L’anarchiste Pierre Martinet témoigna à décharge pour Millet, ce qui provoqua un incident (voir Pierre Martinet).
Au terme des débats, Simian et Naudet furent acquittés ; Millet fut condamné à cinq ans de réclusion ; Piéron, Ponchet, Leboucher, Druelle et Montant, à deux mois de prison et à 100 francs d’amende.
Les années suivantes, Pierre Naudet s’installa dans sa région d’origine, à Dijon (Côte-d’Or), où il continua de militer dans le mouvement anarchiste. En mars 1886, il fit la connaissance de François Monod.
En janvier et février 1887, eût lieu une vague de petits attentats qui fit frémir Dijon. Le 27 janvier, le procureur de la République reçut une lettre indiquant qu’une bombe avait été placée dans un arbre creux d’un parc ; celle-ci fut désamorcée par la police. Le 3 février, une bombe fut projetée contre le palais de justice, ne causant que des dégâts minimes. Puis l’église Saint-Jean fut ciblée. Le 11 février, enfin, une bombe fut placée sous la fenêtre d’un avocat.
La police opéra un coup de filet dans les milieux anarchistes. Naudet – dont un graphologue identifia l’écriture dans la lettre du 27 janvier – fut poursuivi pour tentative d’assassinat sur la personne du procureur et Monod – chez qui on découvrit des produits chimiques – pour avoir fabriqué les bombes.
Les deux anarchistes comparurent devant la cour d’assises de Dijon du 10 au 12 août 1887. Durant l’audience, les compagnes de Naudet et Monod dénoncèrent les pressions qu’elles avaient subies au cours de l’instruction pour obtenir de faux aveux contre eux. Le jury prononça l’acquittement. Les deux hommes comparurent néanmoins le 26 août devant le tribunal correctionnel pour détention d’engins prohibés. Monod fut alors condamné à trois ans de prison et à 500 francs d’amende, et Naudet à trois mois de prison.
Durant son incarcération, Naudet fut victime de mauvais traitements et son père, très éprouvé par les événements, décéda.
Par Guillaume Davranche
SOURCES : Arch. Dép. Côte-d’Or, 20M242 — Le Matin du 24 au 26 novembre 1884, puis des 23 et 24 janvier 1885 — Le Gaulois du 23 janvier 1885— Le Matin du 11 au 13 août 1887 — Le Journal des débats du 27 août 1887 — Vivien Bouhey, Les Anarchistes contre la République, PUR, 2008—Notes de Rolf Dupuy.