RODRIGUEZ Léon, Armand (dit Édouard Leduc, Ernest Bertran) [Dictionnaire des anarchistes]

Par Marianne Enckell, notice complétée par Anne Steiner

Né le 16 février 1878 à Paris (9e arr.) ; mort le 17 août 1969 à Paris (10e arr.) ; Individualiste anarchiste, illégaliste ; camelot.

Léon Rodriguez (1912)
Léon Rodriguez (1912)
cc Arch. PPo

Léon Armand Rodriguez naquit à Paris d’un père comédien âgé de 47 ans et d’une mère brodeuse de 20 ans sa cadette, non mariés. À l’âge de 17 ans, il commença à travailler dans un atelier de carrosserie. En 1896, il fut condamné une première fois à Paris pour outrage aux mœurs. Le 17 décembre 1898, il fut condamné à un an de prison à Bruxelles pour avoir collé des affiches anarchistes.

Expulsé de Belgique, il partit pour l’Angleterre. Il y fut condamné, en 1901, à 9 mois de travaux forcés pour émission de fausse monnaie. La France réclama et obtint son extradition. Il fut condamné le 11 novembre 1901, par la cour d’assises de Paris, à cinq ans de réclusion pour émission de fausse monnaie. Il purgea cette peine à la prison de Melun où il apprit le métier de typographe. Après sa sortie de prison, il repartit pour l’Angleterre et fut à nouveau condamné en 1906 à sept ans de travaux forcés pour émission de fausse monnaie et cambriolages. Peine qu’il purgea à la prison de Dartmoor.

Accusé d’avoir tenté de négocier des titres volés lors de l’attaque du garçon de recette de la rue Ordener par Octave Garnier et Raymond Callemin , il fut arrêté à Lille le 12 mars 1912. Le 26 mars, il écrivit à l’inspecteur Jouin pour lui demander sa mise en liberté provisoire, s’engageant à lui livrer en échange Garnier et Bonnot. Demande qui resta sans suite. Il comparut en février 1913, aux côtés des survivants de la « bande à Bonnot », devant la cour d’assises de la Seine. Il fut acquitté mais transféré le soir même du verdict à la prison de Lille. Il comparut devant la cour d’assises de cette ville pour fabrication de fausse monnaie. Du fait de la récidive, il fut condamné à huit ans de travaux forcés et à la relégation perpétuelle en Guyane.

En 1920, il parvint à s’évader de Guyane et parvint au Venezuela en remontant l’Orénoque où il gagna sa vie comme professeur d’anglais, puis il s’installa en Colombie. En 1924, il se procura un faux passeport français au nom d’Édouard Leduc et s’installa à New-York. Il y resta huit ans et il y fréquenta les cercles anarchistes individualistes où il se faisait appeller Ernest Bertran, patronyme sous lequel il collabora à L’En Dehors publié en France par Armand. Il exposait dans ses articles ses projets de colonie anarchiste en Amérique latine.

En 1932, muni d’un passeport espagnol au nom de Benjamin Bolamar, il gagna l’Europe. Il donna à Paris trois conférences dans le cadre des Amis de l’En-Dehors au café du Bel Air situé place du Maine à Paris XVe. Il y exposa son projet de colonie, affirmant avoir acheté plusieurs centaines d’hectares de terres au Costa Rica et proposant de mettre à la disposition des camarades volontaires des parcelles de 15 hectares qu’ils n’auraient la possibilité ni de vendre, ni de louer. Il s’installa à Mastatal (voir Simoneau) en 1933, entreprit de défricher du terrain et se construisit un ranch.

Dix-huit mois passèrent sans qu’aucun des camarades qui s’étaient intéressés à sa proposition de colonie ne se manifeste. Le 27 juillet 1934, Rodriguez prit un bateau pour New York. Il fut arrêté par les autorités du Venezuela lors de la première escale. Emprisonné en forteresse, il fut relâché à la suite d’une intervention du consulat de France, alerté par une de ses amies. Mis sur un bateau à destination de Fort-de-France où il devait être remis aux autorités françaises pour vérification d’identité, il se jeta à l’eau à Port-au-Prince et, après un tumultueux périple, gagna Turin où l’attendait l’amie qui l’avait aidé à sortir des geôles vénézuéliennes. Il vendit ses terres de Mastatal aux Prat (Simoneau) pour 250 dollars.

Muni d’un passeport au nom de Sieronski, mais sous le nom de Bolamar, il s’installa en 1939 en Suisse où il exerça l’activité de camelot (vente de savon de porte à porte). Mais il fut arrêté à la fin du mois d’avril 1940 à Genève pour défaut de patente. Ses empreintes digitales envoyées à la police française permirent de l’identifier. Interné dans le camp de Witzwil (canton de Berne), il parvint une fois encore à s’évader et à regagner Lausanne. Grâce aux papiers que lui fournit un camarade anarchiste suisse, il reprit son activité de camelot jusqu’à la fin de la guerre. Il regagna l’Italie en 1945 et put aussi se rendre en France grâce à la prescription de ses délits.

Il se rendit encore une fois au Costa Rica en 1950 où il revit une ancienne compagne, Goya, d’origine indienne, qu’il avait épousée sous le nom de Leduc, et abandonnée avant la naissance d’une fille dont il était supposé être le père. Il resta six mois auprès d’elle et repartit en Italie sans être retourné à Mastatal où vivait encore un colon, René Baccaglio, qui avait répondu à son appel.

En 1958, il rendit visite à une de ses anciennes conquêtes au Venezuela. Six mois plus tard, il se fit rapatrier par le consulat de France à Caracas. Il était alors âgé de 82 ans et passa le reste de sa vie, dans une maison de retraite située à Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne. Il écrivit des articles pour Défense de l’Homme et pour Contre-Courant, sous son pseudonyme de Bertran et il donna encore quelques conférences. Selon Malcolm Menzies, Rodriguez, qui défendait toujours les thèses illégalistes, fut interviewé à la télévision sur l’épisode de la bande à Bonnot et n’aurait laissé filmer que ses mains.

Léon Rodriguez a utilisé de très nombreux pseudonymes et papiers d’identité : Ernest Bertran, Leduc, Benjamin Bolamar, Sieronski, Daucho, Durol, Duez, Delisle, Duhesse, Roger… Il avait rédigé son autobiographie, qui n’a jamais été publiée. Jusqu’au bout, il afficha des convictions individualistes. Il mourut à Paris le 17 octobre 1969 et fit don de son corps à la science.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article155963, notice RODRIGUEZ Léon, Armand (dit Édouard Leduc, Ernest Bertran) [Dictionnaire des anarchistes] par Marianne Enckell, notice complétée par Anne Steiner, version mise en ligne le 17 mars 2014, dernière modification le 10 octobre 2022.

Par Marianne Enckell, notice complétée par Anne Steiner

Léon Rodriguez (1912)
Léon Rodriguez (1912)
cc Arch. PPo

ŒUVRE : Récit autobiographique déposé au Centre d’Histoire du syndicalisme (Sorbonne, Paris I).

SOURCES : Malcom Menzies, Mastatal, Plein chant, Bassac 2009. — Gazette de Lausanne, 2 mai 1940. — Le Monde libertaire, septembre-octobre 1969. — Archives Ppo E140, E141 et B/a/1643. — Arch. fédérales suisses, BAR#E4264#1985-196#1400.

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