BAPTISTE René, Charles, Louis, André

Par Madeleine Singer

Né le 22 mai 1932 à Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines), mort le 1er juillet 2014 à Saint-Michel (Charente) ; agrégé d’histoire ; militant de la JEC puis syndicaliste et militant de l’UGS, membre du comité national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) de 1963 à 1971, secrétaire départemental de la Charente de 1962 à 1974.

René Baptiste était l’aîné des deux enfants de Louis Baptiste, sous-officier de carrière. Il fit la Sixième au lycée Henri IV à Poitiers (Vienne) et entra en 1944 au collège de Chatellerault (Vienne) où il passa le baccalauréat en 1950. Il fréquenta alors la faculté des lettres de Poitiers où il obtint la licence d’histoire en 1954, le DES en 1955, et prépara l’agrégation. Ayant été ajourné définitivement au service militaire, il fut nommé maître auxiliaire en octobre 1957 au lycée technique de Sillac à Angoulême (Charente). Intégré en 1959 dans le cadre des certifiés après avoir passé les épreuves pratiques du Capes, il demeura dans son poste. Quand celui-ci fut supprimé en 1967, il fut affecté au lycée Guez de Balzac dans la même ville. Il y prit sa retraite en 1992 après avoir été l’année précédente nommé agrégé par promotion interne. Il avait épousé en 1957 Raymonde Phelippeau qu’il avait rencontrée tant à la JEC qu’à l’Association générale des étudiants de Poitiers (AGEP). Certifiée de lettres classiques en 1956, celle-ci avait été nommée en juin 1957 à Angoulême ; elle avait été auparavant secrétaire fédérale de la JECF. Ils eurent trois enfants : une fille, cadre administratif hospitalier ; deux fils, l’un professeur dans une école d’ingénieurs, l’autre ingénieur dans une société d’aménagement urbain et rural.

Adhérant à la JEC dès son entrée en Faculté, René Baptiste y milita aussitôt en qualité de membre du bureau fédéral de Poitiers dont il fut le secrétaire de 1953 à 1955. Il militait en même temps dans le syndicalisme étudiant : trésorier de la Corpo de lettres de Poitiers en 1952-1953, il fut l’année suivante président de l’AGEP, puis en 1954-1955 secrétaire général de l’AGEP. Il refusa de « monter » à l’équipe nationale JEC ainsi qu’au bureau national de l’UNEF quand on l’en sollicita, pensant qu’il n’avait pas le niveau culturel et intellectuel, ni l’origine sociale des dirigeants qu’il avait rencontrés lors de réunions nationales. Il s’intéressait surtout à l’action sociale : adhérant au Mouvement de libération du peuple (MLP) vers 1954, il fut le trésorier de la fédération de la Vienne du MLP de 1955 à 1957, tout en militant aux Associations familiales ouvrières (AFO) qui étaient affiliées au MLP. Aussi n’est-il pas étonnant qu’il fut à Poitiers en 1955-1956 président du Comité étudiant anticolonialiste : il s’y retrouvait avec des gens du Parti communiste (PC), de la Fédération protestante et de la JEC. Invité cette année-là dans un pays de l’Est par la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique qui était alors dans la mouvance du PC, lequel payait les voyages, il ne s’y rendit pas car l’équipe nationale de la JEC lui demanda d’y renoncer afin de ne pas accroître la tension avec l’épiscopat. R. Baptiste fut ensuite en 1956-1957 président du Comité étudiant antifasciste. Dès cette époque il avait conçu son engagement militant comme une aide aux milieux populaires pour qu’ils prennent en mains l’amélioration de leur condition ; il donnait la priorité au travail d’éducation et d’éveil de la « base » et prônait la limitation de la durée des mandats de responsabilité.

Dès que René Baptiste entra dans l’Éducation nationale, il adhéra au SGEN car c’était le seul syndicat enseignant confédéré, et fit aussitôt partie du bureau départemental du SGEN. Mais comme il me le dit lors d’un entretien en 1983, lui et sa femme avaient alors plus de contact avec la CFTC qu’avec le SGEN ; ils voyaient aussi l’équipe de prêtres ouvriers de leur quartier et militaient au Mouvement de la paix. Plus tard ils furent abonnés à Enseignement 70 : c’était l’organe d’un groupe de recherche pédagogique fondé en 1962 par une trentaine d’enseignants qui venaient du syndicalisme étudiant. Ce groupe avait pour objectif de réfléchir sur la pratique enseignante de façon interdisciplinaire en gardant le contact avec l’Enseignement supérieur. Il organisait chaque année des sessions de huit jours avec participation de professeurs du Supérieur. Ainsi Raymonde Baptiste se trouva au stage de Melun (Seine-et-Marne) en septembre 1968, pendant que son mari était à la session de cadres SGEN à Bierville, sur le territoire de Boissy-la-Rivière (Essonne).

En 1958, c’est-à-dire un an après son arrivée à Angoulême, René Baptiste devint membre du bureau académique de Poitiers et l’adjoint du secrétaire académique, Louis Girard* ; il allait le demeurer jusqu’en 1971 tout en assumant à partir de 1962 le secrétariat départemental de la Charente que Pierre Clerfeuille devait abandonner pour raison de santé. En outre le suppléant de Louis Girard au comité national, Touvier, élu au congrès de 1962, quittant l’académie, c’est René Baptiste qui le remplaça. On le retrouva donc au comité national du 1er mai 1963 où il intervint sur l’action revendicative, déclarant notamment que les positions indiciaires des catégories pilotes auraient dû être précisées. Par les comptes rendus des comités nationaux de 1964 et de 1965, on constate qu’il suivait aussi bien les problèmes confédéraux que les questions socio-pédagogiques, tout en participant activement à la commission Dopff (développement, organisation, propagande, formation, finances).

À partir de Mai 68, le rôle de René Baptiste au plan national s’accrut. Lors de la session de Bierville déjà évoquée, il fit partie de la majorité qui rédigea le « relevé des conclusions » de cette session. On y évoquait les causes profondes du mouvement de Mai : la puissance de la jeunesse et l’incapacité de la société des adultes et de l’économie capitaliste à l’accueillir ; la puissance retrouvée du mouvement ouvrier ; enfin le caractère contraignant et autoritaire de la société française sur le plan politique, économique, administratif. Le même texte déclarait que le SGEN, devait dans l’Université, contribuer à maintenir les conquêtes de Mai 68 : réforme de l’enseignement ; transformation des rapports entre élèves et maîtres par un partage du pouvoir dans la gestion des établissements scolaires et universitaires. Dans la communication que R. Baptiste rédigea pour le conseil départemental de la Charente au sujet de cette session, le 26 septembre 1968, il indiquait que les documents qui avaient servi de base aux discussions avaient été distribués par Poitiers et Rouen. Il révélait que le comité national restreint qui avait suivi la session, avait voté malgré l’opposition de Paul Vignaux* et de Charles Piétri, l’insertion dans Syndicalisme universitaire du « relevé des conclusions ». Mais le même comité national, disait-il, avait rejeté la demande de congrès extraordinaire présentée par Amiens, Nantes, Orléans, Poitiers et Rouen.

Au comité national de novembre 1968, c’est René Baptiste qui, au nom des académies d’Amiens, d’Orléans, de Nantes et de Poitiers, présenta un texte critiquant la politique suivie par le bureau national en mai-juin, avec des réflexions également critiques sur la structure et le fonctionnement de l’organisation. Ce texte contenait en outre un programme de recherche qui fut accepté par P. Vignaux. Mais celui-ci proposa une motion qui approuvait la politique du bureau national et fut votée par 65 % des participants.

Pendant l’été 1969, le bureau national mit en place un groupe de travail, « Orientation 70 », afin d’étudier les problèmes d’orientation syndicale avec ceux qui avaient réclamé la tenue d’un congrès extraordinaire. Quand ce groupe envisagea, les 6 et 7 septembre 1969, la succession de Paul Vignaux qui ne se représentait pas, il chercha à constituer une équipe acceptable par tous car la candidature de Charles Piétri au poste de secrétaire général, candidature prévue au congrès d’avril 1968, suscitait maintenant des réserves. On proposa donc qu’Antoine Prost* prît la tête d’une « troïka », épaulé par Jacques Julliard* pour les rapports avec la CFDT et par C. Piétri pour le Supérieur. Antoine Prost acceptait à condition que C. Piétri retirât sa candidature. Comme ce ne fut pas le cas, le comité national de novembre 1969 eut à étudier les rapports présentés l’un par C. Piétri, l’autre par Jacques George*, candidat des « minoritaires ».

Au cours de la discussion, René Baptiste demanda qu’un large débat fût engagé dans le Syndicat à partir des deux textes et déclara que, dans les congrès académiques, les membres du bureau national ne devraient intervenir que sur le rapport d’activité sans prendre position sur les rapports d’orientation. Il souhaitait qu’aucun vote n’intervînt au cours de ce comité national afin de « refuser une coupure dans le Syndicat et maintenir ouverte la possibilité de recherche de toute solution ». Le vote ayant toutefois eu lieu, R. Baptiste opta évidemment pour le rapport de Jacques George et rejeta celui de Piétri. R. Baptiste ayant donné dans le bulletin départemental de la Charente un compte rendu de ce comité national, une correspondance peu amène s’ensuivit en décembre 1969 car C. Piétri lui reprocha des inexactitudes. R. Baptiste rétorqua que les adhérents devaient être renseignés et que la démocratie syndicale autorisait une libre interprétation des positions prises par les uns et les autres dès lors qu’on ne rapportait pas de faits inexacts. Ce genre d’incident s’explique car Syndicalisme universitaire n’avait publié, le 27 novembre 1969, qu’un compte rendu sommaire du comité national. Il fallut attendre les Bulletins cadres du 16 décembre 1969 et du 4 février 1970 pour avoir un compte rendu exhaustif qui d’ailleurs ne parvenait qu’aux militants.

En même temps, René Baptiste avait bien des responsabilités au sein de la CFTC-CFDT. Dès 1957, il représenta le SGEN au Conseil de l’Union départementale de la Charente. Il fut élu, en 1963, secrétaire général de cette UD afin d’assurer « l’évolution » dans un département alors peu favorable à la déconfessionnalisation. Jusqu’au congrès confédéral de novembre 1964, il alla dans tous les syndicats animer les débats sur les enjeux de la déconfessionnalisation. Le rapport qu’il présenta au Conseil du 21 mars 1964 proposait comme objectif le « socialisme démocratique », comme stratégie « les réformes progressives » imposées par l’action de masse, et concluait que la présence dans les institutions économiques et sociales n’avait pas pour but la gestion du système, mais la collecte d’informations, l’avancement de propositions conformes à l’intérêt des travailleurs et la remise en cause du système. Toute cette action aboutit à un vote à 66 % de l’UD en faveur de la déconfessionnalisation. Resté secrétaire général jusqu’en 1966, R. Baptiste se retira progressivement en devenant alors secrétaire général adjoint. Il quitta le bureau de l’UD en 1968, mais demeura membre du Conseil jusqu’en 1975.

Or en 1964 avait été mis en place un comité régional Centre-Ouest qui couvrait les sept départements correspondant aux provinces du Poitou, de la Charente, du Limousin et de la Marche. René Baptiste y fut aussitôt élu au titre du SGEN et y demeura jusqu’à ce qu’en 1972, l’Union régionale (UR) Centre-Ouest succédât à ce comité régional. Il se consacra alors à la constitution de cette Union régionale, ce qui l’amena à abandonner certaines responsabilités au sein du SGEN : il quitta le bureau académique et le comité national en 1971, le secrétariat départemental et le bureau départemental en 1974, demeurant seulement jusqu’à la retraite secrétaire de son établissement et à ce titre membre du conseil départemental SGEN. Au sein de l’UR-CFDT qui était administrée par une commission exécutive dont il faisait partie, R. Baptiste eut en effet de 1972 à 1975 la responsabilité de l’information politique, économique et sociale régionale. Puis de 1975 à 1981, il fut le trésorier de l’UR. En outre quand furent créées en 1975 les Unions interprofessionnelles de secteur (UIS) lors de la dissolution des Unions départementales, R. Baptiste fut élu au conseil de l’UIS d’Angoulême et y siégea jusqu’en 1983. C’est pourquoi il s’était retiré en 1981 de l’UR Centre-Ouest pour respecter la limitation des mandats.

René Baptiste avait également poursuivi le militantisme politique de ses années d’étudiant. Il appartint à l’Union de la gauche socialiste (UGS) qui s’était constituée en 1957 avec des militants de la Jeune république, du MLP et de la Nouvelle gauche, surtout implantée dans la région parisienne, qui s’exprimait à travers France-Observateur. Il en fut le secrétaire pour son département de 1957 à 1960. Quand en 1960 naquit le Parti socialiste unifié (PSU) par la fusion de l’UGS et du Parti socialiste autonome (PSA), deux courants de pensée de l’UGS ne rejoignirent pas le PSU, l’un d’origine trotskiste, l’autre composé d’anciens du MLP qui craignaient que le PSU ne cherchât la conquête de mandats politiques aux dépens de l’éducation politique des milieux populaires. Faisant partie de ce dernier courant, René Baptiste privilégia dès lors l’engagement syndical. Mais il resta proche du PC jusqu’en 1968 car certains responsables de la fédération de la Charente de ce parti étaient « critiques » à l’égard des dirigeants nationaux et plusieurs d’entre eux quittèrent le PC pour le Parti socialiste dans l’été 1968. En 1965, R. Baptiste avait été sollicité par le maire socialiste de sa commune de résidence, Lisle d’Espagnac (Charente) : il accepta de figurer sur une liste d’Union de la gauche qui allait du PC aux radicaux. Il siégea alors au conseil municipal où il fut réélu en 1971 sur la même liste. En 1977 il ne put y figurer vu le partage des places sur la liste, issu d’accords pris dans le cadre du « programme commun ».

Une fois à la retraite, René Baptiste demeura un militant. Il représenta aussitôt les retraités au Conseil départemental SGEN où il siégeait toujours en 1999. À cette époque il était également membre du conseil et du bureau de l’Union départementale interprofessionnelle des retraités (UDIR) CFDT, ayant été élu en 1995 dans ces deux organismes. En même temps il participait à l’animation de l’Université du temps libre qui à Angoulême a l’originalité d’être une section de l’amicale laïque ; il avait en charge en particulier l’atelier « Histoire et civilisation ». Ainsi il avait une retraite aussi active et aussi féconde que l’avait été sa vie professionnelle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15598, notice BAPTISTE René, Charles, Louis, André par Madeleine Singer, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 17 septembre 2021.

Par Madeleine Singer

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, thèse Lille III, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J1471, notamment le carton 5 pour les lettres) ; Histoire du SGEN, Presses univers. de Lille, 1987, 669 p. — Syndicalisme universitaire (1963-1971). — Entretien avec Raymonde et René Baptiste à Angoulême, le 13 octobre 1983. — Lettres de R. Baptiste à M. Singer, juin 1995, 1er juillet 1997, 18 septembre 1999, 28 octobre 1999 (AP).

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable