Par Delphine Naudier, notice complétée par Marianne Enckell
Née le 12 mars 1920 à Paris (XVIIe arr.), morte le 3 août 2005 à Paris (XIVe arr.) ; écrivaine ; adhérente du PCF (1945-1957) ; féministe, libertaire.
Notice mise à la Une à l’occasion du colloque international "Redécouvrir Françoise d’Eaubonne" , 16 au 18 novembre 2022 à l’IMEC (Saint-Germain-la-blanche-herbe) et à la MRSH de l’université Caen Normandie.
Le grand-père maternel de Françoise d’Eaubonne était un militant carliste dont la tête avait été mise à prix et qui avait dû fuir l’Espagne pour la France où il épousa la grand-mère de l’écrivaine. Sa mère, Rosita-Mariquita Martinez y Franco, une des premières femmes à poursuivre des études scientifiques, suivit les cours de Marie Curie à la Faculté des Sciences de Paris. Engagée, elle milita au « Sillon », le mouvement progressiste chrétien de Marc Sangnier. Elle y rencontra Étienne d’Eaubonne. Ce dernier appartenait à une famille de grands voyageurs et avait un ancêtre navigateur anti-esclavagiste des Antilles. Quatre filles et un garçon naquirent de cette union. Françoise d’Eaubonne fut la troisième des cinq enfants. Elle fut élevée dans une famille progressiste et cultivée. Son père, anarchiste chrétien, était secrétaire général de compagnie d’assurance. Sa mère enseignante l’avait très tôt sensibilisée aux inégalités vécues par les femmes. Elle-même n’avait pas continué sa carrière scientifique une fois mariée.
Françoise d’Eaubonne fit ses études à la faculté des Lettres et des Beaux-arts de Toulouse. Elle fut très tôt attirée par les jeux d’écriture et se consacra, dès l’adolescence, à une pratique d’écriture littéraire soutenue par sa famille. Elle publia ses premiers poèmes en 1942 et son premier roman, Le cœur de Watteau, chez Julliard en 1944.
Sous l’Occupation, Françoise d’Eaubonne participa à la Résistance à Toulouse, puis adhéra au Parti communiste en 1945 dont elle resta membre jusqu’en 1957. Elle était proche de Laurent Schwartz, Vladimir Jankélévitch, Lucien Goldmann et Jacques Aubenque avec qui elle se maria. Elle se remaria en 1976 avec le détenu Pierre Sanna, matricule 645 513, pour dénoncer sa condamnation pour meurtre.
Elle fut lectrice aux éditions Julliard (1953-1960), chez Calmann-Lévy (1960-1966), Flammarion (1966-1970). En 1953, elle devint membre du Conseil national des écrivains. Elle fut secrétaire générale de SOS Sexisme depuis 1988. Critique littéraire à Radio Mouvance, Paris FM, Radio-Paris et Radio-Beur (1989) et à Paris Pluriel, elle consacra de nombreuses biographies à des auteurs masculins et féminins. Elle eut deux enfants qu’elle éleva avec l’aide de sa famille.
La lecture du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir en 1949 fut déterminante pour l’engagement féministe de Françoise d’Eaubonne. Elle prit la défense de la philosophe en publiant Le complexe de Diane en 1951. Son engagement politique la conduisit à signer le Manifeste des 121 en 1960 pour l’indépendance de l’Algérie. Elle participa au Mouvement de libération des femmes, appartint au courant des féministes radicales, signa le manifeste des 343 (« Je me suis fait avorter ») en 1971 et fonda, la même année, le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) avec Guy Hocquenghem et Anne-Marie Grélois. Elle poursuivit un travail de théoricienne et créa le mouvement « Écologie et féminisme », peu suivi en France, qui trouva surtout un écho en Australie et aux États-Unis.
Elle fut animatrice de Radio libertaire à ses débuts, et participa à plusieurs reprises aux journées de l’Association Liber-Terre à Bieuzy et Pontivy (Morbihan).
Elle a rassemblé à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine des dizaines de manuscrits d’œuvres inédites, ses journaux intimes et sa correspondance.
Les principales féministes dans le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?mot192
Par Delphine Naudier, notice complétée par Marianne Enckell
ŒUVRE CHOISIE : Comme un vol de gerfauts, Denoël, 1947. — La couronne de sable, vie d’Isabelle Eberhardt, Flammarion 1967 — Les Femmes avant le patriarcat, Payot, 1976. — Le Féminisme ou la mort, Pierre Horay, 1974. — Contre violence ou résistance à l’Etat, Tierce, 1978 — Louise Michel la Canaque, Encre, 1985 — Ses Mémoires irréductibles, publiées en 2001, reprennent ses « Mémoires précoces » et s’enrichissent d’une nouvelle partie rédigée de 1980 à 1999, Les Feux du crépuscule.
SOURCES : Sylvie Chaperon, Les années Beauvoir (1945-1970), Fayard, 2000. — Françoise d’Eaubonne, Mémoires irréductibles. De l’entre-deux guerres à l’an 2000, Dagorno, 2001. — Françoise d’Eaubonne, DOS EAU, 2, Correspondance et documents donnés par Gérard Verroust, fonds Bibliothèque Marguerite Durand. — J. Jackson, « Arcadie : sens et enjeux de « l’homophilie » en France, 1954-1982 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2006/4, 53, p. 150-174. — Prochoix, n° 5, avril-mai 1998, entretien de Fiametta avec Françoise d’Eaubonne, Marie-Jo Bonnet, « 5 mars 1971, le futur FHAR attaque Laissez-les vivre ». — A. Marchant, « Daniel Guérin et le discours militant sur l’homosexualité masculine en France (années 1950-années 1980) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2006/4, 53, p. 175-190. — IMEC, fonds Eaubonne, Françoise d’.