BARANTON Raymond, Henri

Par Justinien Raymond

Né le 10 novembre 1895 à Paris (Xe arr.), mort le 6 mars 1976 à Paris (Xe arr.) ; a occupé divers emplois, notamment à la Sécurité sociale ; militant syndicaliste, coopérateur, socialiste et communiste ; député de Paris.

Raymond Baranton est le fils d’une ouvrière couturière et d’un représentant de commerce. Il fréquenta jusqu’à l’âge de douze ans l’école primaire d’Achères où il obtint le Certificat d’études. Né dans un foyer modeste, il allait désormais « gagner sa vie ». De novembre 1907 au 28 août 1914, il fut employé à la Société générale d’assurances mutuelles sur la Vie, 27, boulevard des Italiens, à Paris. Par correspondance il fit des études de droit civil, commercial et pénal et conquit le diplôme de capacitaire en droit devant la Faculté de Paris, le 6 juillet 1928, en passant dans divers emplois coupés par la Première Guerre mondiale.
Le 28 août 1914, il s’engagea au 144e régiment d’Infanterie avec lequel il combattit jusqu’à la fin de 1917. Après un stage, il fut pilote d’avion de combat de janvier 1918 jusqu’à la fin de la guerre. Il ne fut démobilisé qu’en août 1919. La cruelle expérience de la guerre s’ajoutant à celle d’une vie de travail allait orienter Baranton vers le combat social. À la 1re compagnie de mitrailleuses du 144e RI, il connut le militant ouvrier, Garrabé, secrétaire du Syndicat de la métallurgie du Boucau (Pyrénées-Orientales). Il lut et diffusa La Vague de Pierre Brizon. Il approuva les contacts de Zimmerwald et donna une conclusion politique à ses convictions nouvelles : il envoya au secrétaire général Louis Dubreuilh une demande d’adhésion au Parti socialiste SFIO. Cette adhésion sera régularisée à la 10e section de Paris, en 1919, lorsque Baranton reprit la vie civile.
Le 29 septembre 1919, il entra à la Compagnie du gaz de Paris : il en fut révoqué pour activité syndicale le 1er décembre 1919. Du 5 décembre 1919 au 2 mai 1924, il travailla aux Établissements chimiques Kuhlmann d’où il fut encore chassé pour fait de grève. À cette activité dans la Fédération des Employés adhérant à la CGT à laquelle il s’était affilié en septembre 1919, s’ajoutaient l’activité de l’ancien combattant, à l’ARAC, du coopérateur, à « l’Égalitaire », rue de Sambre-et-Meuse, Paris (Xe) et, bien entendu, celle du militant socialiste. On mesure le chemin parcouru par ce jeune homme élevé dans une famille ouvrière, mais aussi de tradition catholique et bonapartiste (une aïeule avait été cantinière dans l’armée impériale et avait transmis un culte pour Napoléon). C’est la laideur et la stupidité de la guerre et les conversations avec un militant syndicaliste qui l’ont orienté vers le combat qu’il mène désormais.

Au moment où Baranton rejoint le Parti socialiste SFIO, à sa démobilisation, ce dernier a le vent en poupe dans les milieux populaires en écho à la Révolution d’octobre en Russie. Mais il est aussi profondément divisé par le problème de l’adhésion éventuellement à la IIIe Internationale. Baranton fait partie du « Comité de la IIIe Internationale ». Il est même secrétaire de ce comité pour le Xe arr. de Paris, de septembre 1919 à décembre 1920. Aussi, après le congrès de scission de Tours (décembre 1920), Baranton se trouva avec la fraction majoritaire au Parti d’abord appelé socialiste (SFIC) puis, l’année suivante, Parti communiste (SFIC).
Aux élections législatives de 1924, Baranton qui n’avait que vingt-neuf ans mais un passé de militant courageux de cinq ans fut placé au 3e rang de la liste des treize candidats du Bloc ouvrier et paysan menée par Marcel Cachin* dans le 1er secteur de la Seine (VIIIe, IXe, Xe, XVIIe, XVIIIe et XIXe arr. de Paris). Avec Cachin et Auffray il fut élu député avec 47 112 voix, la moyenne de la liste étant de 47 090. Parlementaire mais resté militant - il suivit, selon Vassart, les cours de l’École centrale de Bobigny en 1924-1925 - Baranton mena une activité dévorante. Il signa toutes les propositions de lois collectives du groupe communiste, mais il présenta nombre de propositions personnelles : pour le chauffage des « Chambres de bonnes » et la suppression des « taudis sous les toits » (1925) ; pour assurer le droit réel des salariés à la candidature politique (1927) ; pour assurer la stabilité de l’emploi aux salariés élus conseillers municipaux (1927) ; pour l’admission des femmes dans la composition du jury criminel (1927) ; pour la mobilisation en temps de guerre des députés et ministres en âge de combattre (1927) ; pour la fixation d’un salaire minimum légal pour tous les salariés (1927) ; pour permettre aux parents dans le dénuement de déposer provisoirement un enfant à l’Assistance Publique (1927) ; pour accorder à la Tunisie la satisfaction des revendications du Destour ; pour accorder le droit syndical aux travailleurs tunisiens (1926) ; pour accorder le droit de vote aux femmes et aux militaires.
Il collabora à l’Humanité. Il donna dans les Cahiers du Bolchevisme (n° 62 de 1926), un article sur « Les Problèmes de la démocratie ouvrière ». Il assura, outre ses comptes rendus de mandats, des réunions de propagande en province et en Algérie. Il participa à des rassemblements internationaux, en Tunisie (Bizerte et Sousse en 1926), en Allemagne (Sarrebruck en 1925), en Tchécoslovaquie (Prague et Brno en 1925). Il fut tête de liste communiste aux élections municipales du 3 mai 1925, à Montreuil-sous-Bois, obtint 3124 voix et ne fut pas élu.

Militant et député, Baranton ne va pas tarder à entrer en conflit avec son parti : il est en désaccord avec certains mots d’ordre. Surtout, il leur reproche d’être lancés par le bureau politique sans consultation préalable, tel celui concernant « l’autonomie de l’Alsace-Lorraine ». Le 31 mars 1926, il protesta contre l’éviction de Charles Rappoport dans une lettre à Pierre Semard, secrétaire général du Parti communiste. Il adressa à des membres du Parti, une circulaire ronéotypée, La Discussion, pour réclamer la démocratie à l’intérieur du Parti : la circulaire n° 1 est du 10 novembre 1926 ; la circulaire n° 5 du 10 février 1927, et ce ne fut pas, sans doute, la dernière. Le bureau politique déféra Baranton à la commission de Contrôle (l’Humanité, 21 janvier 1927). Le 17 février, il prononça son exclusion du Parti, de même que celles de Germaine Goujon et Victor Engler.
Ainsi du 18 février 1927 au 31 mai 1928, fin de la 13e législature, Baranton figura à la Chambre comme député « non inscrit », avec les « socialistes-communistes » de la Loire, Ernest Lafont, Ferdinand Faure et Antonin Jouhannet. Cette exclusion d’un élu parlementaire fit un certain bruit, dans la presse de Paris, de province et même à l’étranger.
Baranton avait, par son esprit d’indépendance, sacrifié ses chances de réélection. Au scrutin uninominal de 1928, il tenta pourtant sa chance dans la 2e circ. du XIXe arr. de Paris, sous l’étiquette de « socialiste indépendant ». Il n’obtint que 742 voix sur 11 096 suffrages exprimés, le candidat du PC Beaugrand se classant en tête avec 3 216 pour être élu au second tour du scrutin.

Baranton reprit sa vie professionnelle. Du 26 mai 1928 au 28 mai 1937 il fut chef de service au Syndicat de garantie du commerce et de l’industrie contre les accidents du travail, rue Saint-Honoré, et chef adjoint du contentieux à la Compagnie « La Préservatrice », rue de Londres du 28 mai 1937 au 31 décembre 1946. Le 1er janvier 1947, il fut muté chef de contentieux de la Caisse régionale de Sécurité sociale, après l’absorption des accidents du travail par la Sécurité sociale. Du 12 mai 1948 à sa retraite au 1er janvier 1956, Baranton dirigea la division du Contentieux de l’Union des Caisses pour le recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), 47, avenue Simon-Bolivar. Retraité, il fut longtemps rédacteur à la Gazette du Palais pour les problèmes de la Sécurité sociale. La Seconde Guerre mondiale bouscula sa vie et il se trouva quelque temps dans le Lot. Mais en province comme à Paris, Baranton continua à être un militant du syndicalisme et du socialisme, à la CGT, puis, après la scission de 1947, à la CGT-FO, et au sein du Parti socialiste SFIO. En juin 1927, il avait demandé à rentrer dans ce parti. La commission exécutive de la Fédération de la Seine renvoya sa demande devant la 18e section de Paris qui entérina cette réintégration. Baranton a été membre de la commission exécutive de la Fédération socialiste du Lot de 1944 à octobre 1946 et, durant la même période secrétaire et rédacteur du journal socialiste Le Travail.
Pour l’élection de la deuxième Assemblée nationale constituante du 2 juin 1946, il arrivait en neuvième position de la liste SFIO de la Seine qui eut deux élus. Revenu à Paris, il entra pour des années, en juin 1949, à la commission exécutive de la Fédération socialiste de la Seine. Pour des années aussi à compter de 1948, il appartint à la commission nationale d’études du Parti socialiste. En 1948 et les quatre années suivantes, Baranton participa aux congrès du syndicat national FO des cadres des organismes sociaux. En 1948, 1949, 1950, 1952, 1953 et 1954, Baranton représenta aux congrès nationaux de la SFIO une minorité de gauche qui s’exprima parfois sur ses propres motions généralement intitulées « Pour un socialisme de classe... ». Il a collaboré au Travail du Lot, au Populaire et au Populaire-dimanche à Force ouvrière, au Droit Humain, à la Bataille Socialiste et à La Revue socialiste dont quelques-uns de ses articles furent tirés en brochure. Enfin, il donna quelques chroniques techniques au Recueil Dalloz.
Au cours d’une longue vie de militant, Baranton est resté fidèle aux idées embrassées dans sa jeunesse. Cette fidélité ne s’est pas démentie alors qu’il était entré dans sa 85e année. Le Monde du 18 mars 1976 annonça son décès.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15611, notice BARANTON Raymond, Henri par Justinien Raymond, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 1er mai 2020.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Renseignements abondants et précis fournis par R. Baranton en 1957. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires. — Les journaux et revues cités dans la biographie. — R. Baranton « Pourquoi je fus exclu du Parti communiste » in Le Droit Humain, 1er avril 1928. — ibid. Lettre du 31 mars 1926 à Pierre Semard (copie remise à nous par l’auteur). — La Discussion, Tribune libre réservée aux membres du Parti communiste (cinq numéros remis à nous par R. Baranton). — La Révolution prolétarienne, n° 28, 15 février 1927, n° 29, 1er mars 1927, n° 173, 25 avril 1934, n° 422, novembre 1957 et n° 424, janvier 1958. — La Nouvelle Revue socialiste, 2e année, n°s 14-15, 15 février, 15 avril 1927 (pp. 254 à 256). — Le Soir, 6 février 1927, 30 juin 1927. — Notes de Julien Chuzeville.

ICONOGRAPHIE : site PARISENIMAGES avec les références suivantes : catégorie Politique, thèmes Partis, Source Roger-Violler, Photographie Henri Martinie, N° d’image 42418-12, N° d’inventaire MAR-461, avec la légende "Raymond Henri Baranton (1895-1976), député communiste et socialiste de la Seine de 1924 à 1928".

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