STACKELBERG Frédéric [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell

Né dans l’île de Wormsö (aujourd’hui Virmsi), gouvernement d’Estonie (Russie) le 8 février 1852 ; mort à Nice (Alpes-Maritimes) le 14 février 1934 ; issu d’une famille noble des provinces baltes ; mathématicien ; propagandiste socialiste, et anarchisant.

Frédéric Stackelberg (1894)
Frédéric Stackelberg (1894)
Album Bertillon, 1894.

Stackelberg quitta la Russie « pour ne pas être témoin des sévices employés contre les paysans » (La Voix libertaire, 3 mars 1934, article de A. Sadier*) et s’en fut en Allemagne pour y poursuivre ses études de mathématiques ; il s’y serait lié à Bebel et Liebknecht. Pour avoir protesté contre les annexions de 1871, il fut expulsé d’Allemagne et vint à Paris. Après un passage en Espagne en 1873, où il prit semble-t-il contact avec les fédéralistes, il entra en relations avec les socialistes français et participa à l’organisation du congrès ouvrier qui s’ouvrit à Marseille le 20 octobre 1879 et aboutit à la création du Parti des Travailleurs socialistes de France.

Vers 1880, il habitait à Nice avec ses parents, riches rentiers qui fréquentaient la Côte chaque année de septembre à mai. Un rapport de police établi à Nice le 14 mars 1883 le présente ainsi : « Il est de taille moyenne et d’une constitution chétive, figure osseuse et blême, petite moustache, barbe très peu fournie au menton, cheveux châtain clair et courts, démarche vive et vulgaire. Il porte des lunettes montées sur or [...] Avec ses journaux dans ses poches, il représente assez bien le type du clubiste. »

En juillet 1883, Stackelberg collabora avec les socialistes du comité central révolutionnaire (blanquiste) à la fondation du journal niçois Le Réveil des Travailleurs qui parut pendant sept mois. Son activité politique lui valut d’être l’objet d’un arrêté d’expulsion en date du 26 novembre 1884 ; il se réfugia en Espagne, puis, l’arrêté étant ajourné, était de retour à Nice le 26 janvier 1886 et reprit ses activités politiques ; ordre lui fut alors donné, le 14 avril, de quitter la France. Le 9 décembre 1886, l’arrêté d’expulsion était rapporté. Stackelberg se fixa à Paris et habita, 25, rue Boursault, XVIIe arr. Le 18 mars 1889, il assista au banquet commémoratif de la Commune ainsi qu’à celui qui eut lieu l’année suivante. Il collabora sous le nom de Feodor Lienhart au journal La Lanterne et sous le pseudonyme de Démophile à L’Attaque (voir Ernest Gégout).

À propos de Ravachol*, il écrivait à Alexandre Cohen*, dans une lettre datée 11 juillet 1892 (Ravachol fut exécuté ce jour même) : « Je trouve Ravachol, le héros de l’anarchie, très brave, très crâne [...]. Mais que voulez-vous, tout en ayant une certaine considération pour sa personne crâne, il m’inspire de l’horreur. Quant à ses complices, j’ai pour eux un insondable dégoût [...]. Je comprends parfaitement qu’on soit antiparlementaire en étant révolutionnaire, mais la haine aveugle, enfantine, des anarchistes contre le suffrage universel, qui est d’essence égalitaire, m’a toujours été un mythe... »

Un nouvel arrêté d’expulsion l’obligea à quitter Paris le 28 février 1894. Il se rendit peut-être en Angleterre, puis en Belgique et se fixa à Bruxelles en juin 1894. En mars 1895, il fut autorisé à rentrer en France ; il s’installa d’abord à Nice, puis à Paris. Il fut naturalisé Français par décret du 4 janvier 1907.

Il collabora au journal La Guerre sociale dès sa fondation fin 1906. Le 26 mai 1907, dans une réunion publique organisée à Nice, il remercia Clemenceau « de l’avoir aidé à obtenir la nationalité française » (Arch. Nat. F7/12 497). En décembre 1907, il adhérait au Parti socialiste. En 1910, il fut candidat aux élections législatives dans la 1re circonscription de Nice et obtint 296 suffrages.

Pendant la guerre, il désapprouva l’union sacrée. Au printemps 1916, il cosigna le manifeste pacifiste « La paix par les peuples » (voir Charles Benoît) qui s’opposait au Manifeste des Seize (voir Jean Grave) et il collabora à la revue de Sébastien Faure*, Ce Qu’il Faut Dire, en 1916 et 1917. Après la guerre, il suivit vraisemblablement au Parti communiste la majorité de la fédération des Alpes-Maritimes. Franc-maçon, il appartenait au Grand Orient de France.

En décembre 1919, il était emprisonné à Nice, puis à Marseille, gravement malade ; sa femme Julie demanda de l’aide en écrivaint à Jean Marestan*. Il resta en prison plusieurs mois. En mai 1921, il participait à la rédaction du Travailleur des Alpes-Maritimes, organe de la section communiste de Nice.

Il apporta ensuite une active collaboration à la presse anarchiste et notamment, de 1927 à 1936, au Semeur et, de 1929 à sa mort, à la Voix libertaire. Il écrivit plusieurs notices pour l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure, notamment sur le « Marxisme », mais aussi sur plusieurs questions scientifiques.

« Nous ne partagions pas son admiration pour le régime autoritaire bolcheviste, mais nous sommes restés en relations amicales avec lui jusqu’à sa mort », écrivit un rédacteur de La Voix libertaire, 3 mars 1934.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156129, notice STACKELBERG Frédéric [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell, version mise en ligne le 9 mars 2014, dernière modification le 10 novembre 2019.

Par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell

Frédéric Stackelberg (1894)
Frédéric Stackelberg (1894)
Album Bertillon, 1894.

ŒUVRE : La mesure du temps, 1899 — L’inévitable Révolution, par Un Proscrit, 1903. — Mystification patriotique et solidarité prolétarienne, 1907. — La Femme et la Révolution, 1908. — Vers la société communiste, 1909. Stackelberg a collaboré à de très nombreux journaux. Outre ceux cités ci-dessus : La Révolte, Les Temps Nouveaux, L’Idée libre (avant 1914), ainsi que l’Almanach illustré de la Révolution (pour 1902, 1904, 1905, 1907).

SOURCES : Arch. PPo., B a/ 1 275 — AD Bouches-du-Rhône, dossier 1M805 — AD Alpes Maritimes, 4M489. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes I, op. cit., pp. 98-102, passim. — Journaux cités. — J.-L. Laurent, Le Mouvement socialiste dans les Alpes-Maritimes (1871-1914), MM, Nice, 1970. — Virgile Barel, 50 années de luttes, op. cit. p. 34. — Jean-Rémy Bezias, "Frédéric Stackelberg, ou la révolution importée ", Cahiers de la Méditerranée, décembre 1997 — Charles Malato, "Mémoires d’un libertaire", Le Peuple (Paris), 1937-1938) — La primera Internacional y la Alianza en España, Madrid, Fundación Anselmo Lorenzo, 2017. — notes de Thierry Bertrand. — site gueyer.net
ICONOGRAPHIE : Hubert-Rouger, op. cit., p. 98. Album Bertillon, 1894

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