AILLOUD Jean, Alphonse [Dictionnaire des anarchistes]

Par Yves Lequin, Jean Maitron, notice revue par Guillaume Davranche

Né le 26 février 1828 à Vienne (Isère), mort le 9 avril 1889 à Vienne ; tailleur ; coopérateur, membre de l’AIT, socialiste puis anarchiste.

Coopérateur, membre de l’Association internationale des travailleurs (AIT), Alphonse Ailloud fut, dans les années 1870, l’âme du mouvement ouvrier à Vienne (Isère).

En 1867, il était membre du conseil de surveillance et secrétaire de la Société de Beauregard (Vienne) qui prit la suite de la Société des Travailleurs unis. Cette société coopérative agricole et industrielle cherchait à constituer un organisme qui contînt tous les éléments de la vie communale.

Il habitait alors, 1, rue de l’Archevêché, à Vienne.

Du 2 au 8 septembre 1867, Ailloud représenta la section de Vienne au IIe congrès de l’AIT à Lausanne. James Guillaume, qui rendit compte du congrès dans Diogène (27 septembre-24 octobre 1867), en fit ce portrait : « Le Dauphinois est un tailleur sérieux [...] à la faconde toute française, parlant vite et haut, crâne républicain. » Ailloud participa à la commission examinant la question du crédit, des mutuelles et des sociétés ouvrières. Il donna également quelques indications sur la section de Vienne : fondée en 1866 avec un noyau de 52 membres, elle fut trop faible pour se faire représenter au congrès de Genève. Aujourd’hui, précisait-il, elle compte 500 adhérents acquittant chacun un versement initial de 1,25 franc et payant mensuellement une cotisation de 30 centimes.

En 1869, il fut parmi les fondateurs du Cercle des travailleurs progressifs [sic], une société d’entraide ouvrière qui jouait le rôle de bureau de placement, de caisse de secours mutuel et de centre d’études doté d’une bibliothèque. Rapidement, le Cercle devint également un pôle de politisation des ouvriers viennois.

Le 13 mars 1870, Ailloud assista à l’assemblée générale de la fédération lyonnaise de l’AIT. Poursuivi deux mois plus tard pour affiliation à l’Internationale, il bénéficia d’un non-lieu.

Après le 4 septembre et la proclamation de la République, il devint commissaire de police à Vienne.

En 1872, le Cercle des travailleurs progressifs connut une scission entre républicains bourgeois et socialistes, les premiers s’en allant fonder le Cercle démocratique. Alphonse Ailloud demeura à la tête des seconds, parmi lesquels figurait le jeune Pierre Martin. En 1878, le Cercle envoya un délégué au congrès national ouvrier de Lyon. En 1879, c’est Alphonse Ailloud qui en fut délégué à l’« Immortel Congrès » de Marseille. Il s’y prononça pour le collectivisme. En 1880, « vieux bonhomme myope », il représenta 14 groupes ouvriers de Vienne au congrès du Havre.

Après son retour, son organisation se rebaptisa Cercle d’études sociales (CES). Le 9 octobre 1880, lors d’une réunion au théâtre de Vienne, le CES décida de désigner des candidats aux élections, conformément aux orientations du congrès du Havre. Les éléments anarchistes se séparèrent alors du CES et constituèrent le groupe des Indignés, avec Pierre Martin.

Alphonse Ailloud fut cependant déçu de l’expérience électorale, et fonda un groupe anarchiste nommé Les Ratapels. Dans L’Étendard révolutionnaire du 8 octobre 1882, il écrivit : « Il ne sera possible de remédier à la situation actuelle que par la transformation complète de la société. La première des conditions est la suppression de la propriété individuelle, et la seconde : réduire l’autorité, qui en est la conséquence, à sa plus simple expression. Considérant en outre que ce n’est pas par le Parlement que cette transformation pourra s’opérer, que bien au contraire il sera toujours un obstacle lorsqu’il s’agira de faire ces deux réformes indispensables. Pour ces motifs, le groupe se place sur un terrain purement et simplement révolutionnaire. Il se déclare abstentionniste. »

Il se montra néanmoins rétif à la propagande par le fait et, après l’attentat de L’Assomoir (voir Cyvoct), il écrivit dans Le Moniteur viennois des 8 et 15 décembre 1882  : « nous ne craignons pas de déclarer que nous sommes anarchistes. Nous ne craignons qu’une chose, après cette déclaration, c’est que notre contradicteur ne nous accuse d’avoir fait partie de ceux qui ont fait sauter L’Assomoir ».

Au cours des années suivantes, malgré son grand âge, Alphonse Ailloud était toujours considéré toujours comme l’âme du « parti » ouvrier à Vienne. En 1883, il organisa un banquet pour célébrer l’anniversaire du 18 mars 1871, qui rassembla une trentaine d’anarchistes et de socialistes collectivistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156137, notice AILLOUD Jean, Alphonse [Dictionnaire des anarchistes] par Yves Lequin, Jean Maitron, notice revue par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 16 mars 2014, dernière modification le 29 janvier 2021.

Par Yves Lequin, Jean Maitron, notice revue par Guillaume Davranche

SOURCES : Arch. Nat., F7/12 489 — Arch. PPo., B a/439. — Arch. Dép. Isère, 52 M 55 52 M 56, 55 M I et 75 M I. — Etat civil Vienne. — J. Gaumont Histoire générale de la coopération en France, t. 1, pp. 532 et 613. — James Guillaume, L’Internationale, op. cit., t. 1 p. 31. — O. Testut, Le Livre bleu de l’Internationale, Paris, 1871, p. 45-46. — Caroline Reynaud-Paligot, « Une décennie parmi les anarchistes viennois, 1880-1890 », IEP de Grenoble, 1988.

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