LETELLIER Louis, Auguste [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 9 septembre 1863 à Rouen (Seine-Maritime) ; mort le 17 mai 1936 à Paris (VIIIe arr.) ; employé aux écritures, publiciste ; anarchiste à Paris.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Dans ses mémoires, Jean Grave évoquait un Letellier, sans donner de prénom, qui aurait incité Émile Méreaux, à tirer des coups de revolver sur la police et blesser légèrement un sergent de ville ce qui lui valut deux ans de prison. Grave indiquait que Letellier était soupçonné d’appartenir à la police.
Le 2 février 1892, Louis Letellier demeurait, 4 Impasse Léon, il figurait sur une liste d’anarchistes militants résidents à Paris au 1er avril 1892. Il demeurait 29 rue Bénard (mars 1892).
Le 22 avril 1892, le Préfet de police dénombrait les anarchistes contre lesquels les juges d’instructions délivraient 66 mandats d’arrêts. Parmi eux Letellier fut perquisitionné, 15 rue Beaunier (en garni, chambre 27), pour association de malfaiteurs, sur mandat du juge d’instruction Dopffer . Rien d’important ne fut découvert lors de la perquisition. Il était mis à la disposition de l’autorité judiciaire et remis en liberté. Il était considéré comme un anarchiste militant.
En novembre 1892 Il habitait chez Chalain, 7 rue des Boudonneaux. Il avait pour surnom Couturier. La mention « dangereux » était soulignée de deux traits rouges.
Il se serait réfugié à Londres où il aurait fréquenté le cordonnier Greniti et Magrini, expulsé de France par arrêté du 22 février 1892 et qui habitait 112 High Street à Islington chez le compagnon Defendi.
Il s’agirait sans doute du Letellier qui, le 31 décembre 1892, dans une réunion du groupe des Ve et XIIIe arrondissements, avait proposé d’aller étrangler Sabatier, suspecté d’être un mouchard.
En février 1893, il demeurait 6 rue Berthe.
Un indicateur occasionnel dans un rapport du 10 juin 1893, expliquait qu’il était emprisonné à Sainte-Pélagie avec Vivier. Letellier y était bibliothécaire et déclara à Vivier qu’il ne croyait pas les déclarations de sa compagne Louise, Marie Dabert, l’accusant d’être un mouchard. Toutefois le rapport évoquait un indicateur emprisonné à Sainte-Pélagie, sans que l’on puisse déterminer s’il s’agissait de Letellier ou de Vivier.
Début octobre 1893, Letellier qui travaillait à l’Intransigeant, ne participait plus aux manifestations dans la crainte que cela déplaise à Rochefort.
Il figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 26 décembre 1893, il habitait 6 rue Berthe depuis février 1893.
Lors des rafles anti anarchistes, il fut perquisitionné et arrêté le 3 mars 1894. Son dossier à la Préfecture de police portait le n°294.672. La Préfecture de police adressait adressait sa notice au juge d’instruction Meyer le 16 mars 1894.
Il figurait sur une liste d’anarchistes établie le 14 avril 1894, son adresse était 4 rue du Rhin, il était considéré comme dangereux. L’adresse 6 rue Berthe (?) était rayée. Il y vivait avec Marie, Louise Dabert, femme Gauthier (ou Gonthier).
La Petite république du 3 juin 1894, publiait sa lettre de protestation contre cet emprisonnement :
« Mazas, le 29 mai 1894.
Monsieur le procureur général,
Je vous serais très obligé de vouloir bien me faire savoir quand la détention arbitraire dont je suis victime prendra fin.
J’ai été arrêté à mon domicile le 4 mars dernier ; le surlendemain, sans avoir été interrogé sur ce qui avait motivé cette arrestation, j’ai été écroué à Mazas.
Depuis près de trois mois j’y suis détenu sous le fallacieux prétexte d’affiliation à une association de malfaiteurs.
Depuis mon incarcération ici, c’est-à-dire depuis le 6 mars, je n’ai pas été appelé une seule fois à l’instruction. Je me dispense (et pour beaucoup d’excellentes raisons) de qualifier cette façon d’agir. Sous le couvert de cette prétendue association, qui, vous le savez mieux que personne, n’a jamais existé que dans l’imagination fertile de ceux qui avaient intérêt à faire croire à son existence, l’abus de pouvoir le plus odieux, le déni de justice le plus flagrant, sont commis à mon égard.
Je demande justice.
Rien dans ma conduite ni dans mes actes n’a pu faire croire un seul instant à ma culpabilité ; on n’a saisi à mon domicile ni lettres ni quoi que ce soit démontrant une affiliation quelconque de ma part à n’importe quelle association ; pourquoi me prive-t-on de ma liberté ?
Mon innocence ressort tellement claire et indéniable, aux yeux de ceux mêmes qui m’ont fait arrêter, qu’on n’a pas osé m’interroger une seule fois, parce qu’alors, et malgré tout, on aurait été oblige de me mettre en liberté ; et c’est ce qu’on ne veut pas faire.
Cette façon d’agir à mon égard est un singulier moyen de me faire apprécier les beautés de ce que vous appelez la Loi ; cela me démontre, au contraire, et une fois de plus, ce que je savais depuis longtemps : qu’elle n’est faite que pour être violée par ceux mêmes qui sont chargée de l’appliquer. Malgré cela, et justement à cause de cela, je ne me lasserai pas de demander et de crier : Justice : n’ignorant pas qu’au-dessus de vos lois de circonstance et de convention il y a une justice immanente qui, tôt ou tard, se manifeste et rétablit chaque chose dans le droit et dans la vérité.
Si la vôtre me manque, c’est à elle que j’en appelle et en qui je mets mon espoir.
J’ai l’honneur de vous saluer,
Louis Letellier.
Retenu à Mazas, 1ère division, n° 21 »
Le juge Meyer prenait le 6 juin 1894, une ordonnance de non-lieu concernant son affaire d’association de malfaiteurs. Louis Letellier figurait sur l’Album photographique des individus qui doivent être l’objet d’une surveillance aux frontières. Il y était indiqué qu’il s’était réfugié à Londres.
Il figurait sur une liste du 8 novembre 1894, d’anarchistes résidant à l’étranger, mais on le retrouvait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 31 décembre 1894. Il demeurait 34 rue des Trois Frères, il était noté « dangereux ».
En février 1895, il publiait un article dans le n°2 de l’Etat naturel, intitulé « Au désert ».
Le 15 octobre 1895, il assistait avec sa femme à la réunion des Naturiens, 69 rue Blanche. Il travaillait au journal Le Voltaire et publiait une feuille vélocipédique dont le siège était rue Cadet. Une discussion s’y engagea sur le rôle de la femme dans la société future. Letellier déclara « qu’il ne fallait pas parler d’organisation, que la femme, comme les bêtes, nourrira ses petits jusqu’à ce qu’ils aient un certain âge et qu’elle sera libre de s’accoupler avec l’homme qui lui plaira. »
Sur l’état récapitulatif du 31 décembre 1896, il demeurait 7 rue Lebon et était toujours noté « dangereux ».
Le 1er juin 1897, il se mariait à Paris (XVIIe arr.) avec Marie, Aimée Hartmonn, sage-femme. Il était publiciste et demeurait 263 boulevard Pereire.
Sur celui de 1901, il était noté « interné à Sainte-Anne ».
Dans ses mémoires, Jean Grave évoquait également un Letellier, ayant engagé en décembre 1907, un procès contre Octave Mirbeau, mais il s’agissait d’Eugène Letellier, directeur du Journal.
A la fin de sa vie, il demeurait 76 rue des Batignolles. Il était veuf de Marie, Aimée Hartmonn.
Il ne doit pas être confondu avec Eugène, Albert Letellier qui en avril 1892 demeurait 36 rue Curial.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156234, notice LETELLIER Louis, Auguste [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 10 mars 2014, dernière modification le 15 janvier 2021.

Par Dominique Petit

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

SOURCES : Les anarchistes à Paris et en banlieue 1880-1914. Représentation et sociologie par Olivier Delous, Mémoire de Maïtrise, Paris I (CRHMSS), p. 112, 1996 — Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne, 1880-1914 :
Échanges, représentations, transferts
par Constance Bantman. 2007. p. 690 — Le Père Peinard 8 mai 1892 — Le Temps 23 avril 1892 — Archives Nationales F7/12507 — Archives de la Préfecture de police Ba 77, 78, 310, 1499, 1500, 1505,1509 — Journal des débats 7 juin 1894 — La Petite République 3, 9 juin 1894 — Les anarchistes contre la république de Vivien Bouhey. Annexe 56 : les anarchistes de la Seine — Album photographique des individus qui doivent être l’objet d’une surveillance aux frontières. Paris. Imprimerie Chaix. Septembre 1894 — Notices Louis Letellier et Santo, Andrea Magrini du Dictionnaire des militants anarchistesL’Intransigeant 27 février 1895. Note Marianne Enckell — Quarante ans de propagande anarchiste par Jean Grave. Histoire Flammarion 1973, p.226, 227 et 256 — Archives israélites de France 26 décembre 1907 — La République française 19 décembre 1907.

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