MATHIEU Gustave, Louis [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, Rolf Dupuy, Guillaume Davranche, Marianne Enckell, Dominique Petit

Né le 27 février 1866 à Guise (Aisne), mort le 14 janvier 1947 à Guise ; ouvrier mouleur puis forain ; anarchiste.

Gustave Mathieu (1893)
Gustave Mathieu (1893)
cc Le Monde Illustré, 8 avril 1893

Gustave Mathieu commença à travailler très jeune aux établissements Godin à de Guise (Aisne) où son père était ouvrier.

Repéré comme anarchiste, il fut placé en garde à vue par les gendarmes en septembre 1887, quelques jours après le placardage de deux affiches manuscrites dénonçant le licenciement du compagnon Bal*. Il fut licencié par Godin, ainsi que son frère Émile Mathieu.

Passé en Belgique, Mathieu participa à la constitution d’un groupe anarchiste à Morlanwelz (Hainaut). Travaillant toujours comme mouleur, il demeurait chez Lamorisse où les correspondances du groupe devaient lui être adressées (La Révolte du 26 novembre 1887).

Au début du printemps 1889, il participait à Reims à diverses réunions et conférences où il préconisait l’abstention, blâmait les ouvriers de Reims pour leur calme pendant les dernières grèves et louait ceux de Decazeville qui "avaient jeté leur directeur par la fenêtre" Fin avril il avait quitté Reims pour Paris où, selon la police, il résidait à l’Hôtel des Pays Bas, rue de Charonne, était en contact avec l’anarchiste Soudey et travaillait comme distributeur de prospectus pour le magasin Le Printemps.

Le 29 juin 1889 il revenait à Reims avec Auguste Viard où, avec Louise Michel qui ne put venir suite à une indisposition, il devait tenir une conférence à la salle du Bal des Romains, conférence à laquelle assistèrent 500 personnes. Le lendemain avec Viard, il perturbait une conférence tenue dans la même salle par les socialistes et le 17 août le commissaire central de Reims signalait que Mathieu avait été "désigné pour arracher les affiches électorales du 1er canton".
Il fut candidat abstentionniste aux élections législatives du 22 septembre 1889, dans la 2e circonscription de Saint-Denis.

Revenu en région parisienne, il habitait en 1890 à Saint-Ouen et appartenait au groupe anarchiste de Saint-Denis. Il s’agit sans doute du G. Mathieu qui collabora alors à L’En-dehors de Zo d’Axa.

Le 12 février 1890, à Saint Ouen, il avait perturbé une réunion boulangiste, parlant "des excréments qui sortent du ventre des bourgeois", il traita Déroulède, présent dans la salle, de "dupeur" et "sauteur" et voua aux gémonies tous les membres du parlement.
En août 1891, il lançait une souscription dans le Père Peinard pour faire paraître un manifeste diffusé à la population européenne indiquant que Décamps, Dardare et Léveillé étaient en légitime défense lors de la manifestation du 1er mai 1891. Les fonds devaient lui être envoyés rue de Montmartre à Saint-Ouen ou au compagnon Boutteville.
En compagnie de Charles Simon* dit Biscuit, il était employé chez Auguste Viard* qui tenait un commerce de couleur et vernis en gros à Saint-Ouen. Après le décès de Viard le 17 janvier 1892, Mathieu et Biscuit emportèrent, à la demande de sa veuve, 20 000 francs de marchandises qu’ils cachèrent dans plusieurs hangars.
Entre-temps, suspecté d’avoir participé à la préparation de l’attentat commis le 27 mars par Ravachol* contre le domicile du substitut Bulot, Gustave Mathieu fut arrêté mais bénéficia rapidement d’un non-lieu. Il se réfugia alors à Londres. A ce moment, Mme Viard, attaquée par un créancier, porta plainte contre ses deux complices et les accusa de vol. Le 5 mai 1892, Mathieu fut condamné par défaut, ainsi que Simon, à cinq ans prison pour complicité par recel.

Dans une lettre du 19 juin 1892, postée de Londres et lue à l’audience, Gustave Mathieu disculpa Ravachol de l’assassinat des dames Marcon en contestant les déclarations de Chaumartin* qui prétendait que Ravachol s’en était reconnu coupable. Il réclama l’acquittement de Béala*, et ajouta : « quant à notre ami Léon, dit Ravachol, c’est aux anarchistes de s’assurer de sa personne ». Dans L’En-dehors du 3 juillet 1892, il écrivait : « Les petits Ravachol vont grandir. Vous aurez beau faire, ils seront encore plus adroits et terribles que leur devancier ! »
Le 27 mars 1893, Gustave Mathieu fut arrêté à Saint-Michel (Aisne). Le 9 août, il comparaissant devant la Cour d’assises de l’Aisne pour un vol à Saint-Michel, et fut acquitté. Il était par ailleurs toujours sous le coup de sa condamnation du 5 mai 1892. Il fit opposition, fut rejugé le 26 août 1893 et condamné à un an de prison et deux ans d’interdiction de séjour. A cette date, Mme Viard avait disparu de la circulation.

A sa sortie de prison, Gustave Mathieu s’exila en Belgique où il participa à un cambriolage destiné à financer l’évasion de Biscuit, condamné au bagne lors du procès Ravachol. Gustave Mathieu fut condamné à cinq ans de prison qu’il purgea à Louvain, et mit à profit sa détention pour compléter son instruction.
Revenu en France, il s’installa comme vendeur de lingerie sur les marchés de la région parisienne puis à Guise. Il fut entre les deux guerres un abonné fidèle de La Révolution prolétarienne, la revue syndicaliste révolutionnaire de Pierre Monatte. Cette revue annonça son décès, à Guise, en octobre 1947.

Un homonyme était maire adjoint de Guise en 1929, le maire, E. Lamart, étant communiste..

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156248, notice MATHIEU Gustave, Louis [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, Rolf Dupuy, Guillaume Davranche, Marianne Enckell, Dominique Petit, version mise en ligne le 9 mars 2014, dernière modification le 5 juillet 2021.

Par Jean Maitron, Rolf Dupuy, Guillaume Davranche, Marianne Enckell, Dominique Petit

Gustave Mathieu (1893)
Gustave Mathieu (1893)
cc Le Monde Illustré, 8 avril 1893
Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York.
(avec une barbe postiche) Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York.

SOURCES : État civil de Guise — Arch. PPo BA 76 et 1132. — L’Idée ouvrière du 15 octobre 1887. — Le Révolté, 26 novembre 1887 — le Père Peinard, 16 août 1891 — Le Petit Parisien du 22 juin 1892 et du 28 mars 1893. — Le Matin du 6 février et du 6 mai 1892, et du 27 août 1893. — L’En-Dehors du 3 juillet 1892. — La Révolution Prolétarienne d’octobre 1947. — L’Unique n°17, janvier-février 1947. — René Bianco, Un siècle de presse anarchiste... , op. cit. — Le Journal de Saint-Denis (Arch. de la ville de Saint-Denis) — Arch. Dep. de la Marne, 30L41//

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