PAJAUD Julie, Louise, Séraphie, épouse SANDRÉ [dite Séraphine] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy. Marianne Enckell et Marie-Pier Tardif

Née le 6 septembre 1858 à Ars-en-Ré (Charente Maritime), morte après 1937. Propagandiste anarchiste et anticléricale.

Séraphine Pajaud au milieu du groupe Germinal de Saint Junien en 1903 (détail).

« Placée comme institutrice en France et à Londres où je suis restée quatorze ans, j’ai vu de près la décrépitude dont est atteinte la bourgeoisie. A cette époque, je n’étais pas anarchiste, tout au plus étais-je socialiste. » (La Revue, Paris, 15 mai 1904.)

Séraphine Pajaud fut une active propagandiste anarchiste. Elle fut signalée dans un rapport de police du 25 juin 1898 comme étant mariée à Georges Sandré dont elle avait un fils ; ils s’étaient mariés au Mans en 1893, et elle avait eu une fille en 1878. En octobre 1896, elle créa le syndicat professionnel des tailleuses, culottières, pompières et parties similaires, adhérent à la bourse du travail. Elle y devint secrétaire le 22 août 1896 et délégué au comité général de la bourse. Son mari était quant à lui secrétaire de la chambre des galochiers, puis secrétaire adjoint de la bourse du travail. Dès mars 1898, ayant perdu leurs emplois, ils entamèrent le plus souvent à pied, avec leur enfant, une tournée de conférences, d’abord dans l’Aube à Troyes, puis Evry, Croutes, Saint Florentin, Tonnerre...

Après la mort de Georges Sandré, en décembre 1899, elle vécut rue des Récolettes à Marseille et ses interventions dans les réunions étaient signalées par la police, notamment en juillet Salle Bouchard et dans le quartier de la Capelette. Elle ne cessa de parcourir la France pour donner des conférences, ce qui lui valut plusieurs condamnations.

Au début de l’année 1902 elle fit une tournée de propagande dans l’ouest de la France et notamment dans le Finistère où la police signala sa présence à Brest, Morlaix puis Rennes. Dans Les Temps nouveaux, en décembre 1901, elle adresse une lettre à Jean Grave, dans laquelle elle confie avoir passé cinq mois dans le Nord de la France, et plus particulièrement dans le Pas-de-Calais où elle a participé à plus d’une centaine de réunions. Elle indique également avoir passé un mois complet dans l’Oise, soulignant au passage la faible présence d’orateurs anarchistes dans ce département, et s’être ensuite déplacée en Bretagne pour y prononcer des conférences presque quotidiennes. Elle incarne en ce sens un modèle féminin du trimardeur anarchiste qui sillonne les campagnes françaises pour faire de la propagande orale. Dans une seconde lettre publiée dans ce même journal en janvier 1902, elle évoque une comparution devant le juge d’instruction du Mans en raison d’une conférence prononcée à Calais, le 13 octobre 1901, dans laquelle elle aurait conseillé aux mères d’éduquer leurs enfants de sorte à les préparer au combat révolutionnaire. Dans cette lettre, elle dit devoir retourner une troisième fois à Boulogne pour se rendre « au palais d’injustice ». Le 1er mars 1902, à la suite d’une conférence sur « l’inexistence de Dieu », elle fut condamnée par défaut par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer à 6 mois de prison et 100f d’amende pour « excitation au meurtre, pillage et incendie ». Elle s’était réfugiée à Londres.

En 1904 elle participait à une nouvelle tournée de conférences ; elle était alors domiciliée à l’île de Ré en tant que veuve Sandré. Dans une lettre datée de Périgueux le 30 août 1904, elle écrivait à Louise Michel : « Je suis en tournée depuis le 25 mai dernier, j’ai fait les départements de la Haute-Vienne, de la Creuse, du Puy-de-Dôme, de la Haute-Loire, de l’Aveyron, du Lot, de la Corrèze et de la Vienne (...) Je viens de faire (avec beaucoup de succès) la Dordogne (...) Le 24 à Montignac, j’ai eu une réception magnifique, les femmes m’ont reçue à bras ouverts aux cris de « A mort, à l’eau, la Séraphine, la femme à barbe, la Louise Michel ! (...) Avant-hier à Saint-Léon (toujours en Dordogne) les femmes avaient des broches à rôtir ! pour m’embrocher comme gigot et autres volailles ! » (Fonds Louise Michel, IISG Amsterdam).

En 1906 elle fut arrêtée à Alès (Gard) sous la double inculpation « d’apologie de crime et insultes à l’armée ».

Martial Desmoulins, qui la prénomme Amélie et l’avait rencontrée au début des années 1930 chez un vieux compagnon d’origine juive, ami d’Alexandre Jacob, qui l’avait recueillie chez lui à Nice, l’évoquait en ces termes : « Ce fut une des propagandistes les plus fameuses de l’anticléricalisme après la Commune et jusqu’en 1914. Elle faisait ses conférences de ville en ville, souvent n’ayant pas d’argent pour aller à l’hôtel et prendre le train, couchant dans des granges et sur le trimard. J’ai connu des camarades de Périgueux et de Bordeaux qui avaient organisé des conférences avec la camarade Pajaud, ils en faisaient des éloges. Moi, jeune anarchiste, lorsque je la rencontrai, je ne la trouvai pas extraordinaire, brave femme que le copain gardait parce qu’il la connaissait depuis très longtemps. Donc Amélie Pajaud faisait chez le copain un peu la femme de ménage. Sébastien Faure descendait chez ce copain avant de descendre chez Honorée Teyssier (sic pour Eléonore Teissier), qui fut à partir de 1936 la compagne de Louzon. Je me souviens que tous les deux racontaient leurs souvenirs. A. Pajaud avait parcouru toute la France sauf deux départements. Elle avait assisté avec émerveillement à la naissance de la CGT, à son organisation, et croyait que la révolution était une question de jours et de mois. En 1934, il me semble qu’elle se retira en Charente Maritime dont elle était originaire. »

Le 14 août 1937, La Voix libertaire publia une lettre d’elle qui prenait la défense de Jean Grave et de Sébastien Faure « parce que c’est lui qui, par ses livres, ses conférences, en un mot par ses écrits et sa parole, c’est lui qui m’a fait anarchiste ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156267, notice PAJAUD Julie, Louise, Séraphie, épouse SANDRÉ [dite Séraphine] [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy. Marianne Enckell et Marie-Pier Tardif, version mise en ligne le 7 mars 2014, dernière modification le 9 août 2022.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy. Marianne Enckell et Marie-Pier Tardif

Séraphine Pajaud au milieu du groupe Germinal de Saint Junien en 1903 (détail).

SOURCES : Arch. Nat. BB 18/2 290, 128A05 — AD Cher 25 M39 – Temps Nouveaux, 21 mars 1902 & 24 février 1906 – L’Idée libre, janvier 1934 — Libertaire, année 1904 — Paul Pottier, « Parmi les anarchistes », La Revue, Paris, 15 mai 1904, p. 131-150 (Gallica). — Bulletin du CIRA, Marseille, n° 19-20, mai 1983 (Souvenirs de Martial Desmoulins) — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 1M 1377 n°9. — Ephéméride anarchiste. — Notes de Françoise Fontanelli — AF Finistère 4M335 télégramme du 21 février 1901 — IISG, Fonds Louise Michel. — Marie-Pier Tardif, Ni ménagères, ni courtisanes : les femmes de lettres dans la presse anarchiste française (1885-1905), thèse en lettres, Université Lyon 2 et Université du Québec à Montréal, 2021, p. 157-175 (en ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03450965). — Séraphine Pajaud, « [Correspondances & communications] », Les Temps nouveaux, 33, 15-21 déc. 1901 ; « [Mouvement social : France] », Les Temps nouveaux, 37, 12-18 janv. 1902. — Etat civil.

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