Par Constance Bantman, Marianne Enckell
Né le 24 juillet 1858 à Reggio Emilia (Italie), mort à Reggio Emilia le 17 juin 1945 ; cordonnier puis cambrioleur, estampeur et antiquaire ; anarchiste illégaliste, « dynamitard ».
Figure douteuse, mais mythique, de l’anarchisme parisien puis londonien, Luigi Parmeggiani vécut à Lyon puis à Paris à partir de 1886. Il créa avec son ami d’enfance Vittorio Pini* divers groupes anarchistes individualistes, Gli Intransigenti, I Ribelli di Saint-Denis, Gli Introvabili…, et des périodiques (Il Pugnale, Il Ciclone) qui défendaient l’expropriation comme principal instrument révolutionnaire, et la mettaient en pratique.
En août 1887, il fut condamné à deux mois de prison pour avoir contrevenu à un décret d’expulsion du 7 juin, mais resta en France où il fréquenta la Ligue cosmopolite (voir Malato) et continua de polémiquer par voie de presse avec les autres courants de l’anarchisme. En février 1888, Pini et Parmeggiani s’en prirent à Amilcare Cipriani* qu’ils accusaient d’être revenu à un patriotisme interclasses, puis attentèrent à la vie de deux députés socialistes italiens de ses amis, Celso Ceretti (un ancien ami de Bakounine) et Camillo Prampolini. Après des échanges de coups de feu avec la police, ils parvinrent à s’enfuir et à revenir en France, mais Parmeggiani, recherché, dut se réfugier à Londres.
« Beau gaillard aux yeux d’escarboucles, incendie le cœur des Anglaises, après avoir échappé à une extradition, grâce à l’admirable dévouement de sa compagne. Je crois bien que si le beafteck lui manquait, il mordrait à même dans les bourgeois », écrit de lui Charles Malato* (De la Commune à l’anarchie, 1894, p. 262) que Parmeggiani malmènera bientôt dans un des placards de L’Anonymat, Malathohoho et le génie Pouget.
A Londres, il continua en effet de publier journaux et pamphlets polémiques : L’International, publié avec Bordes* et Molas (8 ou 9 numéros, 1890-1891), puis L’Anonymat (une quinzaine de placards, de 1894 à 1898 avec Molas, et des illustrations de Rapa). En même temps, il fit une ascension sociale aussi douteuse que fulgurante. La recette de ses vols lui permit de s’offrir une maison sur le prestigieux Bedford Square, à deux pas du British Museum et du quartier anarchiste, où il ouvrit une boutique d’antiquités. Il acquit une certaine notoriété et, en 1898, son magasin reçut même la visite d’un envoyé de la reine Victoria et de la fille de cette dernière, impératrice d’Allemagne.
Quelques années plus tard, de retour à Paris où il avait ouvert un négoce, Parmeggiani eut des démêlés avec Jean Grave*, qui rappela son passé peu flatteur dans Les Temps nouveaux, tout en précisant que, quatorze ou quinze ans auparavant, l’Italien était considéré par tous comme « un camarade sincère », avant de se révéler sous son véritable jour. À ceci, Parmeggiani répondit : « Je n’étais, d’ailleurs, ni alors, ni à aucune autre époque, en communauté d’idées ni avec vous ni avec votre parti. » Parmeggiani avait désormais bel et bien tourné le dos à l’anarchisme.
Il retourna à Reggio Emilia en 1924 et fit rénover un palais en style maure-gothique pour abriter ses collections, qu’il vendit contre une rente viagère de la commune. La Galleria Parmeggiani fait actuellement partie des musées de Reggio Emilia.
Par Constance Bantman, Marianne Enckell
SOURCES : Journaux cités — Album photographique des individus qui doivent être l’objet d’une surveillance spéciale aux frontières (photo), Paris : Imprimerie Chaix, 1894 – Pietro Di Paola, Italian Anarchists in London, PhD, University of London, 2004 — DBAI (notice de Pietro Di Paola) – René Bianco, Un siècle de presse, op.cit. — Site de la Galleria Parmeggiani, http://www.municipio.re.it/