MITEAU Adélaïde, Léonie (souvent orthographié Mitteaux) épouse PALLET [Dictionnaire des anarchistes]

Par Laurent Gallet, Dominique Petit

Née le 27 janvier 1840 à Champagne-en-Valromey (Ain), morte le 26 mars 1916 à Lyon 4e arr. ; dévideuse puis restauratrice ; anarchiste de Lyon.

Le 10 février 1863, Adélaïde Mitteaux, dévideuse, demeurant 67 rue Bossuet (3ème arrondissement) épousa Tonny Pallet, ouvrier teinturier à Lyon, 3e arrondissement. Le 16 août 1863, elle donna naissance à un garçon, Marie Joseph Pallet, le couple demeurait 11 quai d’Herbouville dans le 4e arrondissement. Elle devint veuve en 1867.
Adélaïde Pallet fit partie de la chambre syndicale des Dames réunies, animée par Mme Labouret-Finet, crée au début de l’année 1879 et qui regroupait des tisseuses, dévideuses, ovalistes, metteuses en main, etc...
Mais des dissensions firent leur apparition au sein de la chambre syndicale des Dames réunies et le 7 août 1879, 75 adhérentes votèrent à l’unanimité la révocation de quatre militantes « qui par leur attitude, ont provoqué le désordre » : les citoyennes Labouret-Finet, Roulet, Pallet, Quinet.
La cause de la dissension semblant être le rôle joué par le mari de Madame Labouret-Finet, typographe au journal réactionnaire la Décentralisation et dont le syndicat voulut s’affranchir de la tutelle.
Adélaïde Pallet appartint au groupe Louise Michel (futur groupe Marie Ferré), fort d’une quarantaine de membres. Ce fut comme déléguée de ce groupe qu’elle participa au congrès régional du parti ouvrier socialiste (fondé suite à une résolution prise au congrès de Marseille en 1879), tenu du 10 au 13 juillet 1880. Au cours de la 3ème journée, Pallet fut chargée d’études sur les questions de la femme et de l’instruction.
Alors que les désaccords s’accrurent au sein du parti ouvrier socialiste, entre suffragistes et abstentionnistes, Joseph Bernard tenta le 1er mars de proclamer la liquidation du parti ouvrier révolutionnaire. Adélaïde Pallet fut nommée membre de la commission chargée de procéder à cette liquidation.
Le 27 mai 1882, Adélaïde Pallet était assesseur d’une réunion publique des tisseurs, à la salle de l’Alcazar, 34 rue de Sèze. Dejoux, ex-gérant du Droit social présidait la réunion. Elle avait également tenu ce poste lors d’autres réunions (7 mai 1881, 22 mai 1881, 20 avril1882 et 1er juillet1882), signalant par la même la reconnaissance qu’on lui accordait dans le mouvement.
Le dimanche 28 mai 1882, une réunion publique fut organisée par la Fédération révolutionnaire à la salle de l’Elysée rue Basse du Port au Bois, environ 300 personnes y assistèrent. L’ordre du jour comportait deux questions : Le journal le Droit social et sa condamnation, des mesures à prendre pour la résistance. Fanny Madinier proposa une quête au profit du journal. Sa proposition fut acceptée, elle fut désignée avec Adélaïde Pallet, étant toutes deux membres du groupe Marie Ferré, pour y procéder.
Le 13 février 1886, elle participa à une réunion publique des groupes anarchistes lyonnais à l’Eden-Théâtre qui regroupa 400 assistants (dont 30 femmes) et accueillit Bordat et Bernard sortis de prison et qui y développèrent des stratégies différents pour les anarchistes : poursuite de la propagande par le fait pour Bordat et éducationnisme, ouvrant la voie au syndicalisme anarchiste pour Bernard.
Le 8 février 1887, deux bombes firent explosion au Palais de Justice blessant un commissaire et sept agents de police. 15 anarchistes furent perquisitionnés, sans résultat probant. Le 24 février, une nouvelle perquisition se tint chez Adélaïde Pallet ,12 rue des Fantasques , où sa correspondance fut saisie. La perquisition eut lieu en sa présence et celle de son associée Juliard Jeanne, 37 ans, dévideuse, y demeurant, ainsi que ses ouvrières, Putteau Mariette, 18 ans, Archet Louise, 30 ans, Loranget Marie, femme Saunier, 31 ans.
L’appartement se composait de 3 pièces, un atelier de dévidage, une chambre à coucher et une cuisine, la perquisition fit découvrir dans les tiroirs de la commode, située dans la chambre à coucher, les courriers suivants :
- Une lettre de Bernard, datée de Clairvaux, 9 juillet 1883
- Une lettre de Lemoine de la prison de St Paul le 15 février 1884
- Une lettre de Louise Michel, datée de Levallois-Perret (Seine) du 26 janvier 1886, à la suite de laquelle figurent deux pages écrites par Didelin qui était alors employé à la Taverne du bagne, chez Lisbonne
- Une autre lettre de Louise Michel, datée du 14 juin 1886
- Une lettre de Polo, datée de Vienne (Isère) du 22 novembre 1886, qui donne son adresse chez Novalette, impasse St André le Haut à Vienne, tisseur
- Une carte de visite de la dame Cyvoct, 1 rue Bissardon à Lyon, mère de Cyvoct, condamné aux travaux forcés à perpétuité dans l’affaire de Bellecour.
Dans sa chambre à coucher, la police découvrit également, plusieurs numéros du journal La Révolte, de la Lutte sociale, et des photographies de Louise Michel, de Blanqui, de Bernard et de la femme de ce dernier, la nommée Madinier, sœur de la maîtresse de Cyvoct.
Adélaïde Pallet fit se marier plusieurs de ses ouvrières avec des compagnons anarchistes, notamment Chautant Louis Joseph, avec Barnerias Benoite, âgée de 18 ans, Grillot Claude Charles, avec Genet Françoise, 18 ans.
Louise Michel descendait chez elle, lorsqu’elle venait à Lyon.
En juillet 1890, elle tenait un restaurant 58 rue Bugeaud. Selon un rapport de police du 1er juillet 1890, les anarchistes y faisaient de la propagande « avec le sexe féminin pour appât. Quelques filles d’anarchistes fréquentaient ce restaurant-comptoir et les chefs militants s’en servaient pour attirer la jeunesse et faire des adeptes à leur doctrine ».
Le 13 décembre 1890, deux compagnons anarchistes italiens de passage se trouvaient dans son restaurant de la rue Bugeaud. Mais d’après un rapport de police du 27 décembre 1890, les recherches furent infructueuses car Adélaïde Pallet tenait seulement un restaurant où prenaient pension des ouvriers plâtriers, parmi lesquels des italiens, mais il se semblait pas qu’aucun de ceux-ci fussent anarchistes.
Le 20 décembre 1890, lors d’une réunion privée tenue par les groupes anarchistes lyonnais chez Marcellin, 105 avenue de Saxe, Condom rapporta qu’Adélaïde Pallet était venue se plaindre à lui, du manque de solidarité des compagnons, qui ne lui venaient pas en aide pour élever le plus jeune enfant de Paul Bernard, laissé chez elle par sa mère, lorsqu’elle était allée rejoindre son mari à Genève. Condom proposa qu’une collecte fut faite immédiatement pour payer au moins le blanchissage de l’enfant. La proposition fut acceptée et produisit la somme de 2,10 francs que Condom se chargea de lui porter.
Le 27 décembre 1890, une nouvelle collecte était faite lors de la réunion hebdomadaire des groupes, elle rapporta 1,50 francs. A ce sujet, plusieurs compagnons firent remarquer que Paul Bernard était sans gène d’abandonner ainsi son enfant et ils firent comprendre qu’ils voulaient eux-aussi s’en désintéresser. Quant à Adélaïde Pallet, elle commençait à en avoir assez et elle souhaitait se séparer de l’enfant. Mais début mars 1891, l’enfant était toujours chez elle, une collecte fut faite lors de la réunion du groupe de la Guillotière, au local 5 rue Clos Suiphon. Elle fit demander un subside de 5 francs par mois pour l’enfant de Bernard qui n’avait pas été admis à l’Hospice de la Charité. Condom proposa une souscription obligatoire de 35 centimes par semaine dont le produit servirait à l’indemniser et serait également utilisé pour la propagande anarchiste. Mais un autre compagnon ne fut pas de cet avis et fit observer qu’il valait mieux faire appel à chaque réunion aux compagnons qui donneraient ce qu’ils pouvaient. La collecte produisit 1,90 francs.
Au moins de juin 1891, la femme de Pierre Martin vint passer quelques jours à Lyon chez Condom qui lui apprenait la photographie et chez Adélaïde Pallet. Elle cherchait par cette activité à se procurer de l’argent pour aller rejoindre son mari, détenu à Gap.
Elle revint les 15 et 16 août 1891 et passa une partie de son temps chez Adélaïde Pallet, 168 rue Boileau. Elle fit quelques photographies dans la cour intérieure de la Cité Rambaud.
Au début du mois d’octobre 1891, le groupe informel se réunissait pour préparer une série de conférences à Lyon de Sébastien Faure, et qui se réunissait dans son restaurant fut dénommé par la police « groupe Chez la Pallait ».
Elle fut encore perquisitionnée le 30 mars 1892 en même temps que 38 autres anarchistes lyonnais, puis impliquée dans une poursuite pour association de malfaiteurs en avril-mai 1892. Elle ne fut néanmoins pas arrêtée.
La salle de son restaurant servit encore de lieu de réunion le 24 décembre 1892 et le 12 février 1893, l’établissement était alors situé respectivement au 3 boulevard des Casernes et au 89 rue Ney.
Peu après les attentats de la rue des Bons-Enfants et du bouillon Duval, à Paris, des perquisitions furent ordonnées le 20 novembre 1893 au domicile de 102 militants lyonnais. Elle fut infructueuse au 89 rue Ney, chez Adélaïde Pallet.
Lors du réveillon de Noël 1891, elle participa à une fête de nuit, organisée par Sébastien Faure à la salle Rivoire. On y joua Risette ou les millions de la mansarde, plusieurs compagnons chantèrent des chansons anarchistes et Sébastien Faure fit une conférence et un bal se prolongea jusqu’au matin.
Lors d’une réunion privée des anarchistes de Lyon le 17 juillet 1893, Dumortier dénonça « la mère Pallet dont l’établissement est un repaire de policiers ». Il l’accusa d’être responsable avec Paris, en fuite, de l’arrestation de deux compagnons.
Elle fut la mère d’Henri Louis Mitteaux, militant socialiste-révolutionnaire de Lyon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156454, notice MITEAU Adélaïde, Léonie (souvent orthographié Mitteaux) épouse PALLET [Dictionnaire des anarchistes] par Laurent Gallet, Dominique Petit, version mise en ligne le 4 mars 2014, dernière modification le 13 avril 2020.

Par Laurent Gallet, Dominique Petit

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 4 M 246, 4 M 306, 4 M 307, 4 M 309, 4 M 310, 4 M 312, 4 M 318, 10 M 372 — Arch. Dép. de l’Ain FRAD001_EC LOT19365 – Champagne — Arch. Mun. De Lyon 2E890 et 2E1033— Le Salut public 22 février, 9 août 1879 — Aspects de la vie quotidienne des anarchistes à Lyon par Laurent Gallet. Atelier de Création Libertaire 2016.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable