DOUTREAU Maurice [DUWIQUET Maurice, Albéric, Joachim dit] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, complété par Rolf Dupuy et Dominique Petit

Né le 15 juin 1909 à Outreau (Pas-de-Calais), correcteur, militant anarchiste.

Fils d’un garde républicain, le 26 août 1927, Maurice Duwiquet (orthographié aussi Duviquet) s’engagea pour quatre ans au 501ème régiment de chars de combat. Il fut réformé le 12 septembre 1927. Reconnu par la suite « bon pour le service armé » par le conseil de révision de la Seine, il fut incorporé au 24e escadron du train le 15 avril 1930, puis nommé sous-lieutenant de réserve le 2 avril 1931 et affecté au 19e escadron du train. Rayé des contrôles le 20 octobre 1931, il se réengagea le 8 janvier 1932 à Vincennes, au 71e régiment d’artillerie d’où il fut libéré le 14 décembre 1933.
En 1935, il adhéra à la Ligue internationale d’action pacifiste et sociale où il prit maintes fois la parole dans des meetings sous le pseudonyme de Doutreau. Il collabora à la Patrie humaine, où il fit paraître de nombreux articles, notamment en faveur de la libération de l’objecteur de conscience Gérard Leretour.
Il se lia d’amitié avec Raffin dit Loréal, ex-gérant du journal.
En 1936, domicilié 100 rue du Boulet (XIIIe arr.), il était à cette époque le responsable du secteur Est de la Fédération parisienne de la Jeunesse Anarchiste Communiste et adhéra à l’Union anarchiste communiste révolutionnaire.
Il fut candidat libertaire sur la liste de l’Union anarchiste aux élections législatives du 26 avril 1936, dans la 2e circonscription du 13e arrondissement.
De janvier à juin 1936, il s’inscrivit au fonds de chômage du 19ème arrondissement.
Lors du congrès de l’Union anarchiste tenue les 30-31 octobre et 1er novembre 1937, Maurice Doutreau avait été nommé à la commission administrative comme rédacteur du Libertaire (voir Frémont) puis secrétaire adjoint.
En septembre 1936, il fit paraître dans le Libertaire, une lettre de menaces envers Clément Vautel du Journal. Les militants de la Patrie humaine trouvèrent cette lettre ridicule et Aurèle Patorni, mis en cause par Doutreau, dans cette lettre, fut furieux de propos qu’il jugea incohérents.
A la suite de article paru dans le Libertaire, il fit l’objet d’une plainte pour menace de mort, émanant de M. Clément Vautel. Pour ce fait, il fut condamné par défaut le 9 novembre 1936, par la 12ème chambre correctionnelle, à deux mois de prison, 100 francs d’amende et 2.000 francs de dommages et intérêts.
Dans le Libertaire du 18 septembre 1937, il publia un écho non signé, intitulé « Les morts naturels » se terminant ainsi : « Quant à nous, nous pensons avoir mieux à faire qu’à pleurer la mort de deux assommeurs d’ouvriers ».
Au cours d’une réunion le 1er octobre 1937, à Villeparisis, Doutreau commentant les événements du quartier de l’Etoile, fit cette déclaration : « Toute la presse, sans exception, à pleurniché hier sur le sort des deux agents tués. Je suis très heureux, au contraire, d’avoir deux adversaires de moins. Ils n’avaient pas besoin de faire ce métier-là ».
Le 10 février 1938, il fut arrêté à Annecy,en vertu d’un mandat d’arrêt du juge d’instruction de Meaux. Il fut condamné à deux mois de prison, par le tribunal correctionnel de Meaux, pour avoir tenu des propos considérés comme une apologie du meurtre. La cour d’appel ajouta 1.000 francs d’amende.
Il purgea sa peine à la prison de la Santé, où il reçut la visite de Charles d’Avray et fut remis en liberté le 12 mars, après le versement d’un acompte de 800 francs, versé par Aurèle Patorni.
En avril 1938, il fit une tournée de conférences contre la guerre et l’union sacrée, pour le compte de l’Union anarchiste à Saint-Claude, Lyon, Annecy, Annemasse, Thonon, Chambéry, Grenoble.
Il fit également une tournée de conférences dans le sud (Limoges, Agen, Toulouse, La Ciotat...) sur le thème "Face à la démocratie bourgeoise et à la dictature fasciste : révolution sociale". Membre de la rédaction de l’hebdomadaire SIA, il y était plus particulièrement responsable de la rubrique "Secouons le tamis".
Le 6 décembre 1938, il anima une réunion à La Ciotat, présidée par Denegri assisté de David et Bérenger, puis quelques jours plus tard au Royal Cinéma de Marseille où devant environ 125 personnes dont "quelques indigènes nord-africains", il avait comparé les accords de Munich "à un poulet qui devait être égorgé par une cuisinière, mais celle ci, au dernier moment, l’avait laissé vivre pour l’égorger au réveillon, lorsqu’il sera bien gras et à point".
Il fut arrêté en janvier 1939 au nom de la contrainte par corps. Il participa à cette époque à de nombreuses réunions et conférences organisées par la Solidarité Internationale Antifasciste (SIA) au profit des réfugiés espagnols.
Au printemps 1939 il était également membre de l’Université de la jeunesse prolétarienne (UJP) qui avait été fondée début 1939 sous l’égide de l’UA et dont faisaient également partie Ringeas et Aurèle Patorni.
En avril 1939, il fut désigné secrétaire de rédaction du Libertaire en remplacement d’Anderson.
Dans une lettre à André Bösiger à Genève il raconte qu’il a donné une conférence à Annemasse à la veille de la déclaration de guerre de 1939, la salle « était comble, il y avait même 2 à 300 personnes qui n’ont pas pu entrer » ; il voyageait alors avec Charles Ridel (Louis Mercier).
Depuis novembre 1939, le courrier de l’Union anarchiste lui était remis. Il s’occupait activement d’Henri Jeanson, détenu et avec lequel il correspondait, en vue de lui obtenir le régime politique
Sous l’occupation allemande, il n’eut pas d’activité politique.
Mobilisé au début des hostilités, il aurait été réformé en décembre 1939 grâce à une visite médicale où il trompa le médecin militaire.
Depuis le début janvier 1940, Dewiquet était hébergé chez Aurèle Patorni 112 boulevard Malesherbes qui était absent depuis plusieurs mois.
En févier 1940, lors d’une réunion tenue au siège du Libertaire, 9 rue de Bondy, avec une quinzaine de militants dont Maurice Germain et Guennec, il avait proposé de "procéder à une sorte de recensement des anarchistes ayant échappé à la mobilisation" et considérant que "la publication du Libertaire ne serait certainement pas tolérée par les autorités" avait proposé de faire reparaitre d’une façon intermittente Notre syndicalisme.
Le 28 mai 1940, il était affecté au 213e DGL, en cours de déplacement, et était arrêté par des soldats allemands et envoyé au camp de prisonniers de guerre de Montargis (Loiret) d’où il fut libéré le 3 décembre 1940.
A cette époque il donnait l’impression d’être très inquiet et demandait de temps à autre si des gendarmes ne lui avaient pas laissé une convocation.
Selon un rapport de police du 27 mars 1941, Duwiquet aurait déclaré au cours d’une conversation « ne pas vouloir participer à un regroupement quelconque des anarchistes, ne voulant pas courir le risque d’être arrêté ». D’après lui « le prolétariat n’avait pas plus à gagner à une victoire anglaise qu’à une victoire allemande et pour le moment, les libertaires n’avaient pas à bouger ».
Il travailla en 1941 comme correcteur d’imprimerie à l’ex-journal Paris-Soir puis comme accessoiriste au Théatre national de l’Opéra. Sans occupation lors de la Libération, il fit le transporteur en vélo-taxi, puis il travailla comme imprimeur.
A la Libération, il collabora à la revue Défense de l’homme, toujours sous le pseudonyme de Doutreau. Il prit plusieurs fois la parole les 12 mars et 22 octobre 1949, au cours d’assemblées générales du Syndicat des correcteurs.
En janvier 1947, il figurait sur la liste des anarchistes du département de la Seine.
En 1947, Duviquet alla habiter la Seine-et-Oise puis partit pour Haïti diriger une station de radio. Il aurait par la suite professé des idées fort éloignées de ses anciennes conceptions.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156531, notice DOUTREAU Maurice [DUWIQUET Maurice, Albéric, Joachim dit] [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, complété par Rolf Dupuy et Dominique Petit, version mise en ligne le 25 février 2014, dernière modification le 18 janvier 2022.

Par Jean Maitron, complété par Rolf Dupuy et Dominique Petit

SOURCES :
Arch. PPo. 49. et 1 W 1019 — Le Libertaire, 10 et 17 février 1938. — Témoignage recueillli par Jean Maitron. — État civil d’Outreau ; marié le 23 décembre 1944 à Paris XIe arr.— SIA, année 1939 — Archives nationales. Fonds de Moscou 1994 0500 art. 241, 20010216 art 170 (rapports du 18 décembre 1938 & du 17 février 1940) – Arch. Dep. Seine et Marne M4300 – CIRA Lausanne, Arch. Bösiger — notes de Claude Delattre et Marianne Enckell

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