FLANDRIN Toussaint, Marius [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jacques Girault, adapté par Guillaume Davranche

Né à Toulon (Var) le 13 octobre 1877, mort le 4 février 1953 ; ouvrier à l’arsenal ; syndicaliste et anarchiste, puis communiste.

Son père, ouvrier calfat à l’arsenal maritime de Toulon, était originaire du Puy-de-Dôme ; sa mère était rempailleuse de chaises. Ils ne firent pas donner de sacrements religieux à leur fils qui fut exempté du service militaire.
Tousaint Flandrin habitait à La Seyne (Var) quand il passa des essais à l’arsenal maritime le 2 avril 1898. Il fut admis comme ouvrier temporaire charpentier-tôlier à chaud le 2 juin 1898 (atelier des bâtiments en fer ; direction des constructions navales). Devenu ouvrier permanent, immatriculé le 1er décembre 1902, il fut affecté aux Mouvements généraux (mars 1904), revint à l’atelier des bâtiments en fer en août 1905, puis passa à l’atelier de la Petite chaudronnerie.
Marié civilement à Toulon en décembre 1901, Flandrin, en plus de ses quatre enfants, éleva à divers moments de son existence quatre enfants orphelins de proches parents.
Dès sa fondation en 1907, il appartint au groupe anarchiste La Jeunesse libre (voir Antoine Bertrand) et en devint le secrétaire en 1911. Le registre de prêt saisi lors de la perquisition en novembre 1908 montre qu’il était emprunteur de livres.
Il fut candidat abstentionniste lors des élections législatives de mai 1910, dans le cadre de la campagne antiparlementaire (voir Jules Grandjouan).
Syndicaliste, il fut radié des cours de l’école de maistrance pour « réponse inconvenante à l’officier instructeur ».
Le Syndicat CGT des travailleurs réunis du port de Toulon était à majorité réformiste, et la minorité révolutionnaire y était animée par les anarchistes (voir Joseph Chandre). Le 7 mars 1914, Flandrin fut élu au conseil d’administration (CA) du syndicat, 2e suppléant au bureau avec 660 voix.
Passé à l’atelier des bâtiments en fer le 1er septembre 1914, il fut révoqué de l’arsenal le 20 septembre car il avait été condamné par le tribunal correctionnel de Toulon à trois mois de prison avec sursis pour « une affaire dans laquelle sa femme était poursuivie comme auteur principal ». Il fit appel et la cour d’appel d’Aix l’acquitta le 3 janvier 1915 mais il ne fut réadmis à l’arsenal que le 10 mai 1915, et affecté aux mouvements généraux. Une indemnité lui fut versée.
Dans le courant de 1916, Toussaint Flandrin participa à l’agitation pacifiste à l’arsenal (voir Paul Nicolini). Le 13 février 1917, il fut révoqué de l’arsenal, son sursis d’appel fut annulé et il fut envoyé au 61e régiment d’infanterie à Privas (Ardèche).
Réformé temporaire le 7 mai 1918 pour bronchite, il regagna Toulon, où il travailla comme ouvrier hors de l’arsenal, et en vendant des cartes postales avec sa femme. Il ne fut réintégré à l’arsenal que le 12 juin 1919, après intercession du syndicat auprès du préfet maritime. Il était alors adhérent à l’Association républicaine des anciens combattants (Arac).
Au sein du syndicat des ouvriers de l’arsenal, la minorité révolutionnaire ne cessait alors de progresser. Aux élections du 10 juillet 1919, qui virent les réformistes perdre la majorité, Toussaint Flandrin fut élu au CA. Le 16 août, il devint secrétaire du syndicat en remplacement d’Antoine Bertrand.
Il fut délégué au congrès extraordinaire de la fédération CGT de la Marine du 10 au 13 septembre à Paris, puis au congrès confédéral CGT à Lyon du 15 au 21 septembre 1919.
Il participa à l’époque à la campagne pour l’amnistie des pacifistes et des mutins de la mer Noire (voir Antoine Bertrand). Lors d’un meeting salle du Casino, le 26 octobre 1919, il déclara, selon la police : « Les déserteurs sont uniquement ceux qui n’ont pas voulu devenir assassins. » Le Petit Var rapporta ainsi ses paroles : « La désertion n’est pas un délit mais un acte de conscience » et un « acte de courage ». Le 27 avril 1920, le Comité pour l’amnistie pleine et entière le désigna comme propagandiste.
A l’occasion des élections législatives de 1919, Flandrin réaffirma ses convictions antiparlementaires au Petit Var du 16 novembre : « Je ne mange pas de ce pain-là, l’émancipation des travailleurs devant être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »
Le 12 mars 1920, il fut réélu secrétaire du syndicat des ouvriers de l’arsenal, qui comptait 4 500 membres. Il était également élu au CA de la bourse du travail depuis le 30 janvier, et au CA de l’union départementale CGT depuis le 8 février.
Le 1er mai 1920, lors du meeting syndical au Grand Théâtre, Flandrin affirma, selon la presse : « Il n’y a pas d’entente possible entre le capital et le travail. » Il mettait ses espérances dans la révolution sociale et dans la IIIe Internationale.
Survinrent les grandes grèves de mai 1920. Avant même le débrayage de l’arsenal, Flandrin fut arrêté, le 4 mai, avec Nebout et Orsini, dans le cadre du « complot contre la sûreté de l’Etat » (voir Marius Hanot). Dès le lendemain, il était révoqué de l’arsenal, et le syndicat appelait à la grève, malgré la résistance des réformistes. Le 8 mai, une affiche du préfet maritime avertissait les grévistes que, s’ils ne se présentaient pas au travail le 10, ils seraient radiés : beaucoup, comme Antoine Bertrand*, désobéirent et furent sanctionnés.
Selon ce qu’en rapporta la presse, Flandrin déclara le 5 juin au juge d’instruction que « seul le régime soviétique est le remède au mal dont souffrent les nations [...] l’application des théories bolchevistes peut éviter un désastre général et instaurer une société mieux en harmonie avec les besoins du pays et les aspirations nouvelles ».
Le 29 juin, le dossier de Flandrin était transmis au Parquet. Il fut libéré le 6 juillet et bénéficia d’un non-lieu le 1er août, ce qui ne suffit pas à le faire réintégrer par l’arsenal.
Privé de ressources, Flandrin vécut de métiers divers et de secours financiers versés plus ou moins régulièrement par le syndicat. Le 20 août, avec d’autres révoqués, il fut embauché par le Consortium des ports de l’ouest pour le transfert de cercueils de soldats américains. Avec d’autres, comme Paul Nicolini*, il fut cependant licencié le 16 octobre. Une campagne de presse dénonça cette mesure.
Le 29 août, à Marseille, il représenta l’UD du Var au congrès régional des syndicats minoritaires. Il fut ensuite délégué (minoritaire) au congrès confédéral d’Orléans du 27 septembre au 2 octobre. Le 26 octobre, il devint secrétaire de l’UD du Var par intérim, en remplacement d’Orsini, démissionnaire. Le 22 novembre, un congrès de l’UD le confirma à ce poste par 36 voix contre 27.
Inscrit au carnet B, secrétaire de l’UD, Toussaint Flandrin était également le principal dirigeant varois des Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR). Rappelant la Charte d’Amiens, il pouvait écrire : « le syndicalisme a seul qualité pour déterminer l’affranchissement intégral de la classe ouvrière à l’exclusion de tout parti politique ».
Cependant, dès avril 1921, il rejoignit le PCF. Pour la suite de son itinéraire, consulter le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156545, notice FLANDRIN Toussaint, Marius [Dictionnaire des anarchistes] par Jacques Girault, adapté par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 12 avril 2014, dernière modification le 16 septembre 2020.

Par Jacques Girault, adapté par Guillaume Davranche

SOURCES : Arch. Nat. F7/12948, 12975, 12976, 13021, 13096, 13097, 13107, 13123, 13164, 13165. — Arch. Dép. du Var, 2 M 3.52, 2 M 7.32.3, 2 M 7.35.4, 4 M 41.4, 4 M 43, 4 M 44, 4 M 45, 4 M 46, 4 M 47, 4 M 49.4.2, 4 M 49.4.3, 4 M 53, 4 M 54, 4 M 55.2, 4 M 56.7, 4 M 56.9, 4 M 59.3, 4 M 59.4.1, 4 M 59.4.2, 4 M 59.4.3, 4 M 59.4.4, 7 M 12.2, 18 M 43, 3 Z 2.5, 3 Z 2.6, 3 Z 2.9, 3 Z 2.10, 3 Z 2.14, 3 Z 2.23, 3 Z 4.21, 3 Z 4.22, 3 Z 4.23, 3 Z 4.28, 3 Z 4.29, 3 Z 7.6. — Arch. Dép. du Puy-de-Dôme, série M (renseignements fournis par J.-P. Vaudon. — Arch. Troisième Région mar. : C N 49 (Matricule ouvrier 32.130), 2 A1/2053, 2057, 2140, 2204, 2221, 2 A2/55, 2 A4/11, 12, 19. — Arch. Com. Toulon. — Arch. Institut Marxisme léninisme Moscou : microfilm Institut Maurice Thorez n° 28, 122, 186. — Arch. Privées M. Goutier. — Presse locale. —
P.-S.
SOURCES orales. — Renseignements fournis par Jean-Marie Guillon et par Madame Sauvan, fille de l’intéressé — Jean Masse, « Les anarchistes varois », Le Mouvement social d’octobre-décembre 1969.

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