BARBEZ Robert, François, Marie

Par Madeleine Singer

Né le 26 novembre 1912 à Lille (Nord), mort le 5 septembre 1983 à Villeneuve-d’Ascq (Nord) ; cheminot ; membre du comité national de l’Action catholique ouvrière (ACO) de 1950 à 1956, secrétaire du deuxième secteur (Lille) de l’Union des syndicats chrétiens de cheminots de la région Nord (1955-1965), membre du conseil de l’Union fédérale des retraités cheminots CFDT de 1973 à 1978.

Robert Barbez
Robert Barbez
Arch. privées Madeleine Singer

Robert Barbez était le dernier des quatre enfants d’Élie Barbez qui avait épousé Marie Bauwens. Selon leur contrat de mariage, le père était coupeur en cuir et sa femme tisserande. À la naissance de Robert, son père était devenu blanchisseur et son épouse n’exerçait plus de métier. Tous deux étaient catholiques. Robert fréquenta une école primaire publique de Lille, obtint à douze ans le certificat d’études primaires et fit une année de cours complémentaire. Il put ainsi réussir trois examens : l’un pour une école de culture générale, un autre pour l’école d’apprentissage de la Compagnie des chemins de fer du Nord, enfin l’examen-concours du chemin de fer. Voulant être menuisier, il entra en octobre 1925 comme apprenti à Hellemmes-voitures. Au bout de trois ans, il acquit le titre d’ouvrier. Mais la Compagnie s’équipait alors en voitures métalliques et utilisait de moins en moins de menuisiers. On lui demanda donc de faire un apprentissage rapide tout en gardant le titre d’ouvrier ; pour être reclassé, il fallait opter soit pour la peinture, soit pour la sellerie. Il choisit cette dernière branche et travailla à Hellemmes-Lille jusqu’à son service militaire qui se termina à la fin de 1932.

Jeune chômeur, il fut intérimaire dans une dizaine de « boîtes », puis fut embauché par le permanent de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) pour diriger le service des jeunes chômeurs, lequel comportait un vestiaire, des cours de rééducation tels que la reliure et un service de placement. C’est ainsi qu’il eut en 1933-1934, selon un de ses fils, l’occasion de faire devant le BIT (Bureau international du travail) à Genève (Suisse) une intervention au nom de la JOC à propos du chômage des jeunes. En 1935, Robert Barbez fut employé de bureau chez M. Solier à Lille, agent des établissements Tripette et Renaud (fournitures générales de meunerie). Le 1er février 1937, il fut réembauché dans les ateliers d’Hellemmes-Lille comme auxiliaire-manœuvre avec la promesse de retrouver son ancien emploi. Il avait accepté notamment à cause de la pression de ses parents qui avaient déploré l’instabilité de ses emplois antérieurs. Il passa aide-ouvrier sellier garnisseur le 1er mai 1937, puis ouvrier le 1er novembre 1937.

En 1939, en qualité de cheminot, il ne fut pas mobilisé. Les ateliers d’Hellemmes-Lille furent évacués, les ouvriers reclassés, les uns à Marly (Seine-et-Oise, Yvelines), les autres comme Robert Barbez à Tourcoing (Nord). Lors de l’invasion, il partit avec d’autres cheminots vers la Bretagne jusqu’à ce que les troupes allemandes les aient rejoints et réquisitionné sa bicyclette. Il semble que les cheminots ayant des enfants étaient mobilisés sur place par l’occupant, ce qui explique son retour dans le Nord. Sa femme et ses trois enfants qui avaient évacué à pied jusqu’à Savy-Berlette (Pas-de-Calais) revinrent également. Robert Barbez travailla à Tourcoing jusqu’en 1945 et rejoignit alors les ateliers d’Hellemmes-Lille. Il passa successivement ouvrier professionnel en 1948, visiteur d’atelier de 2e classe en 1956, visiteur d’atelier de 1re classe en 1958, chef de brigade d’ouvriers en 1959, chef de brigade d’ouvrier principal en 1964. C’est avec ce titre qu’il prit sa retraite le 1er décembre 1967.

Il avait épousé en 1935 Jeanne Defrenne (née le 14 février 1912 à Hem) qui était piqurière et habitait Hem (Nord). Elle quitta son emploi après la naissance du premier enfant. Elle était jociste depuis l’âge de vingt ans et adhéra au Parti socialiste unifié (PSU) lorsque celui-ci fut créé en 1960. Ils eurent sept enfants : quatre fils qui furent dessinateur en béton armé, peintre, mécanicien ou directeur d’établissement spécialisé ; trois filles dont l’une fut éducatrice spécialisée et les autres femmes au foyer. Après avoir habité chez les parents de Robert Barbez lors de leur mariage, ils résidèrent à Hem, puis à Lannoy (Nord) où ils se trouvaient à la Libération. Ils prirent finalement possession de la maison de leurs grands-parents à Hellemmes-Lille qu’ils quittèrent, le 3 septembre 1983, pour un appartement dans la résidence Jean-Baptiste Clément à Villeneuve-d’Ascq. C’est là que Robert Barbez décéda deux jours plus tard à la suite d’un infarctus du myocarde. Il en avait eu un en janvier 1969 ; s’en étant bien remis, il avait eu depuis lors une retraite active.

Robert Barbez avait milité de bonne heure aux côtés de Fernand Bouxom* qui avait fondé dans le quartier de Moulins-Lille peu après janvier 1927 la première section jociste de la ville. Quand ce dernier décida d’expérimenter un groupe d’usine dans les ateliers d’Hellemmes-Lille, Robert Barbez en fut un des animateurs dans les années qui précédèrent son départ au service militaire. Ce groupe couvrait les trois centres d’apprentissage et les anciens apprentis jusqu’au régiment. Après son mariage, il fit partie du Mouvement populaire des familles (MPF) qui succéda en 1942 à la Ligue ouvrière chrétienne (LOC), laquelle regroupait des jocistes mariés. Comme le MPF se situait de plus en plus sur le plan temporel, Robert Barbez fut un des ouvriers chrétiens qui, dans les années 1949-1950, réfléchirent à la constitution d’une Action catholique ouvrière (ACO). Il y eut chez lui, le 19 décembre 1949, une réunion à laquelle assista le cardinal Liénart. Quand l’ACO fut fondée le 5 mars 1950, il travailla à la mise en place de ce nouveau mouvement apostolique dans le diocèse de Lille. Il fut pendant quelques années un membre actif du comité diocésain et, de 1950 à 1956-1957, membre du comité national de l’ACO. C’est pourquoi à la rencontre nationale de mars 1955 il fit un rapport sur « L’organisation apostolique de l’ACO ».

En même temps, affrontant dans son milieu des militants communistes, Robert Barbez s’intéressait à tous les groupes qui cherchaient une politique de gauche non-communiste : la Jeune république, le MLP (Mouvement de libération du peuple, nom pris en 1950 par le MPF), la Nouvelle gauche qui avait succédé en 1955 au Centre d’action des gauches indépendantes et dont l’un des animateurs était Yvan Craipeau. Robert Barbez eut avec celui-ci des relations si amicales que son fils Jean-Pierre fut hébergé quelque temps par Yvan Craipeau lorsqu’en 1950, il trouva un emploi à Paris.

Mais Robert Barbez consacrait l’essentiel de son activité au syndicat. Il avait, semble-t-il, adhéré à la CFTC avant son départ au service militaire ; c’est après sa réintégration dans les ateliers d’Hellemmes-Lille en 1937 qu’il prit progressivement des responsabilités. Dans un texte datant de 1962, les effectifs CFTC de ladite section, pour la période 1959-1962, oscillaient autour de 200, sur un effectif de 4 000 ouvriers. D’après des cheminots qui l’ont bien connu, Robert Barbez était au départ le principal responsable des ateliers d’Hellemmes-Lille, puis il en partagea la charge avec Georges Caignaert qui avait rejoint la CFTC après les grèves d’août 1953. Robert Barbez fut élu au comité mixte des ateliers d’Hellemmes-Lille, institution qui, à la SNCF, était l’équivalent des comités d’entreprise dans le secteur privé. Il siégea également au CLAS (Comité local d’action sociale), organisme traitant les questions sociales SNCF de Lille et environs : colonies de vacances, assistantes sociales, logements, retraites, etc.

Robert Barbez ne se cantonnait pas dans son action locale. Il avait conservé les rapports présentés lors du congrès de l’Union des syndicats chrétiens de cheminots de la région Nord (laquelle couvrait la région correspondante de la SNCF), congrès qui se tint à Abbeville (Somme) en avril 1953. Il avait aussi conservé et annoté les rapports relatifs au congrès de la Fédération des syndicats chrétiens de cheminots de France et d’Outremer, à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), de février 1954. C’est sans doute vers 1954-1955 qu’il devint secrétaire du deuxième secteur (Lille) de l’Union Nord qui en comportait six. Il l’était certainement en 1962 car lorsque l’Union Nord créa, le 9 juillet 1962, la commission « Propagande, formation, organisation » (PFO), elle y convoqua les six secrétaires dont Robert Barbez. Or le représentant de chaque secteur siégeait tant au conseil de l’Union qu’à celui de la Fédération. Pour faire face à ses obligations, il disposait de congés syndicaux octroyés par la SNCF à laquelle la Fédération communiquait ses statuts avec l’indication des réunions auxquelles les responsables devaient assister.

Robert Barbez participait en outre aux réunions de la commission PFO qui avaient lieu à Paris, quatre ou cinq fois par an ; elle organisait la formation dans les quatre centres de la région Nord : Amiens (Somme), Creil (Oise), Hazebrouck (Nord), Valenciennes (Nord). Au début de 1965 il passa la charge du secteur à Georges Caignaert.

Pendant qu’il menait cette action au sein de la Fédération CFTC-CFDT des cheminots, Robert Barbez ne négligeait pas pour autant l’interprofessionnel. Les comptes rendus des congrès de l’Union départementale (UD) CFTC du Nord attestent sa présence active car lors du congrès de juin 1956, il fut présenté avec la profession d’ouvrier garnisseur et élu avec un employé, Jean Lagache, pour représenter les cheminots au conseil de l’UD.

Quand Robert Barbez prit sa retraite, son repos fut de courte durée : au bout de trois jours, le camarade qui s’occupait de la distribution des journaux du syndicat des retraités cheminots tomba malade. Il le remplaça donc, s’occupa de l’envoi postal des journaux dans les villages, de leur répartition entre les collecteurs de quartier pour Hellemmes-Lille et les environs. Ce groupe de retraités cheminots était associé au Syndicat interprofessionnel des retraités de l’Union locale (UL) de Lille. Le groupe professionnel des retraités cheminots (GPR) s’appellera ultérieurement Union régionale des retraités cheminots du Nord-Pas-de-Calais.

Robert Barbez milita également au plan national. Depuis 1973 il participait quatre fois par an au conseil de l’Union fédérale des retraités cheminots CFDT. En mai 1980, Robert Barbez se consacra désormais à l’interprofessionnel dans le cadre de l’Union régionale des retraités CFDT.

Or depuis 1970, Robert Barbez avait par ailleurs à Hellemmes-Lille d’autres activités sociales très absorbantes. Il y avait depuis 1952 un Centre de soins, géré par des religieuses qui décidèrent en juillet 1970 de le fermer et de partir travailler en usine. Un groupe de laïcs dont Robert Barbez fit partie, décida donc de prendre en charge le Centre et constitua une association conforme à la loi de 1901, dont la déclaration fut enregistrée le 8 octobre 1970. Les sept membres du conseil d’administration provisoire se réunirent au début plusieurs fois par mois et s’occupèrent de tous les problèmes : finances, personnel, travaux, relations avec les caisses, etc. Le Centre était ouvert à tous, mais les membres de l’association qui payaient une cotisation modique (1 F) participaient à sa gestion.

Lorsqu’il déménagea à Villeneuve-d’Ascq, Robert Barbez qui avait détruit beaucoup de papiers relatifs à son rôle syndical, avait conservé tous les documents concernant le Centre de soins car il comptait bien poursuivre son activité dans ces organismes. La mort mit un terme prématuré à une vie toute consacrée à l’action sociale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15656, notice BARBEZ Robert, François, Marie par Madeleine Singer, version mise en ligne le 31 juillet 2010, dernière modification le 31 juillet 2010.

Par Madeleine Singer

Robert Barbez
Robert Barbez
Arch. privées Madeleine Singer
Robert Barbez par son fils Jean-Pierre Barbez
Robert Barbez par son fils Jean-Pierre Barbez

SOURCES : Fédération des cheminots, 50 ans au service des cheminots : du syndicat professionnel à la Fédération des cheminots CFDT, dans Le cheminot de France, octobre 1970, 62 p. — Comptes rendus des congrès et assemblées générales de l’UD CFTC-CFDT du Nord (1948-1970), Archives du monde du travail, Roubaix (Nord). — Documents prêtés par la famille, concernant : a) la biographie de R. Barbez, notamment l’article nécrologique paru dans La vie du Rail, b) son rôle dans les organismes syndicaux cités, c) le Centre de soins d’Hellemmes-Lille, ainsi que l’URACS, l’UNACS et l’URIOPSS. — Le témoignage de R. Barbez, rédigé pour une session d’aumôniers ACO, vers 1969-1972, 10 p. dactylographiées, complétées par les explications fournies par l’abbé Michel Dumortier. — Lettre de l’abbé Jean-Marie Leuwers, ancien aumônier ACO à M. Singer, 3 mai 2002. — Cinq ans d’ACO, édité par l’ACO, Paris, 1955, 140 p. — Renseignements fournis par des cheminots retraités : Jean-Claude Patou, Louis Josien, Michel Gonez. — Lettre de Françoise Pineau, archiviste des fédérations CFDT, lettre accompagnée de documents à M. Singer, 17 avril 2002. — Lettres de Thérèse Cliche-Barbez (l’une de ses filles) à M. Singer, 4 mars 2002, 24 avril 2002. — Notes de Jean-Pierre Barbez (le fils aîné) remises à M. Singer le 9 juillet 2002 (Arch. privées Gilbert Ryon). — Faire-part du décès de Robert Barbez. — État civil Lille et Villeneuve-d’Ascq. — Note des enfants de Robert Barbez, juillet 2010.

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