HERVIEU Auguste [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Jean-jacques Doré

Né le 27 août 1878 au Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 27 novembre 1930 au Havre ; inscrit maritime au Havre n° 4487 puis docker ; secrétaire du syndicat CGT des Dockers du Havre de 1912 à 1914 ; anarcho-syndicaliste.

Fils d’un charretier, Auguste Hervieu succéda en 1912 à Romain Fauny comme secrétaire permanent (appointé à 180 frs. par mois en 1914) du syndicat des Dockers du Havre. Le 21 mai 1912, il fut arrêté et condamné peu après à six jours de prison pour outrages envers l’armée ; aussitôt inscrit au carnet B de la Seine-Inférieure, le commissaire le qualifiait "d’anacho-syndicaliste très influent dans les milieux ouvriers havrais".

Du 16 au 23 septembre 1912, délégué au XVIIIe congrès corporatif - 12e de la CGT - réuni au Havre, il fut réélu à la fin de l’année secrétaire du syndicat des Dockers ainsi que les autres membres du bureau, Auguste Petit, secrétaire adjoint, Guillaume Le Moal trésorier permanent et Romain Fauny, trésorier adjoint.

Très actif pendant la campagne contre la loi des trois ans, une nouvelle fois arrêté, son domicile fut perquisitionné par la police le 27 mai 1913. Il fut encore sur la brèche lorsque l’Union des employeurs du port mit en place un Office du travail qui remettait en cause le droit de regard du syndicat des dockers sur l’embauche journalière. La grève qu’il conduisit do 12 au 27 décembre 1913 se solda par un échec. Au congrès de l’Union des syndicats du Havre (Union locale), le 1er février 1914, certains lui reprochèrent le revers de la grève de décembre, il n’en fut pas moins invité à siéger à la commission administrative de l’Union. pourtant, de plus en plus contesté par les dockers, il choisit de démissionner au mois de mai.

Mobilisé en 1914, Hervieu fut libéré début 1919 et il reprit sa place dans les rangs du syndicat des Dockers, mais il ne cachait pas sa déception d’avoir été supplanté par le charismatique Louis François ; il intervint une première fois le 12 juin 1919 lors d’une assemblée de 900 dockers pour critiquer la décision de ce dernier qui refusait de dénoncer la convention de travail, conclue en mars, qui liait le syndicat aux employeurs jusqu’en septembre 1919 et réclamer dès à présent une augmentation des salaires.

À n’en point douter, la courte vue d’Hervieu ne faisait pas le poids au regard des projets de Louis François. Des négociations se déroulaient en coulisses avec tous les métiers du port du Havre. elles aboutirent le 1er janvier 1920 à la fondation du syndicat général des ouvriers du port du Havre qui unissait en son sein sept syndicats, les Dockers, les Camionneurs, les Dockers-Charbonniers, les Commis auxiliaires, les Voiliers, les Employés de magasins et les Grutiers ; soit une puissante organisation de 1741 militants en 1921 puis 3 250 en 1922.

Hervieu s’était rapproché du groupe libertaire du Havre (voir Henri Offroy), et des minoritaires du syndicat général Jean Le Gall et Auguste Sénécal opposants à la direction qui, au congrès d’Orléans, avait soutenu la majorité confédérale. Plus modéré qu’avant guerre ou adepte du double-jeu, il figurait sur la liste majoritaire élue au conseil d’administration du syndicat général des Ouvriers du port le 3 décembre 1921. Louis François démissionnaire, Auguste Hervieu fut aussitôt élu secrétaire général permanent le 12, avec mandat d’observateur pour représenter l’organisation à l’assemblée des syndicats minoritaires tenue du 22 au 24 décembre à Paris.

Avec Henri Quesnel, il tenta d’éviter la scission mais se rangea en février 1922 du côté des partisans de l’adhésion à la CGTU qui fut entérinée en mars. Hervieu menait alors une active propagande : "on pouvait le voir tous les jours haranguant inlassablement les ouvriers" (se souvenait un docker). Au début de l’été, pourtant, le ton changea, Hervieu était de plus en plus contesté par ses mandants ; certains lui reprochaient de ne pas suivre les consignes de la CGTU, d’autres, plus nombreux, l’accusaient "de passer son temps à s’enivrer dans les cafés du port".
Délégué au congrès de la Fédération CGTU des Ports et Docks de Saint-Étienne (Loire) le 24 juin 1922, il était de retour au Havre pour retrouver l’action où il devait une dernière fois donner toute la mesure de son anarcho-syndicalisme viscéral. Le 21 août les métallos du Havre entamaient une grève de 111 jours. toutes les corporations dont les dockers furent solidaires. Le 26 août la troupe chargea une foule de grévistes faisant 4 morts ; s’ensuivit une nuit d’émeutes. La répression fut à la mesure du fait, une trentaine de meneurs furent arrêtés dans les jours qui suivirent, Hervieu était du nombre ; il ne fut libéré que 10 octobre 1922.

Convoqué en assemblée générale des Dockers le 13 octobre, il fut l’objet de violentes critiques où dominaient son manque d’énergie et son incapacité à mener un syndicat de plus de 3 000 membres. Poussé à la démission, il fut remplacé le 17 octobre par Ferdinand Gilles.

Le 12 juin 1923, il quitta Le Havre pour Tonnay-Charente à côté de Rochefort (Charente-Inférieure, Charente-Maritime) où il travaillait comme chef d’équipe dans un chai pour un salaire de 20 frs. par jour complété d’une indemnité de 5 frs. versée par la Fédération des Ports et Docks pour services rendus.

Auguste Hervieu s’était marié le 30 juin 1905 avec Marie Fiquet au Havre où ils habitaient en 1909 rue Jean-Jacques-Rousseau ; il y prit sa retraite et mourut le 27 novembre 1930.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156567, notice HERVIEU Auguste [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Jean-jacques Doré, version mise en ligne le 7 juin 2020, dernière modification le 14 octobre 2020.

Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Jean-jacques Doré

SOURCES : Arch. Dép. Seine-Maritime Sûreté générale, rapports mensuels des commissaires spéciaux 1924-1928, rapports sur les dockers du Havre deux dossiers non classés, 1 MP 611 Radiés du carnet B, 2 Z 157. — John Barzman, Dockers, Métallos, Ménagères. Mouvements sociaux et cultures militantes au Havre, 1912-1923, PURH, 1997. — État civil. — Registre matricule militaire.

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