BACHELARD Gaspard (dit Derlier) [Dictionnaire des anarchistes]

Par Dominique Petit

Né le 24 juin 1878 à Jassans-Riottier (Ain), mort le 22 janvier 1954 à Nice (Alpes-Maritimes) ; employé de commerce ; cambrioleur anarchiste.

La préfecture du Rhône lui imputa deux condamnations qu’il est fort improbable qu’il ait pu commettre compte tenu de son âge ( il avait 13 ans en 1891) :

- le 13 janvier 1891 à Lyon, il aurait été condamné à 15 jours de prison et 10 francs d’amende pour tenue d’une maison clandestine de jeux avec sa maîtresse Théoline Perrin dite Théo, « femme galante ».

- le 20 juin 1891, il aurait été condamné de nouveau à Villefranche (Rhône) à un an de prison pour escroquerie, excitation de mineurs à la débauche, menace de mort et voies de fait.

Il est possible qu’il y ait eu confusion avec son père, celui-ci ayant subi aussi au moins une condamnation.

Bachelard habitait 31 rue Vieille Monnaie à Lyon. A Lyon il rencontra Pierre Crozet dit Aramis qui allait devenir son compagnon de cambriolages. Ce dernier faisait alors commerce officiel de bimbeloterie. Bachelard lui acheta pour 2000 francs de marchandise et Crozet lui fit crédit de 1100 francs.
Il quitta la région lyonnaise en 1892 pour se rendre, semble-t-il à Paris. Durant son séjour à Lyon, il ne fréquentait pas les anarchistes.

Il vécut à Marseille, employé chez un coiffeur.

Le 17 mai 1894 dans cette ville, il était condamné à 4 mois de prison pour tentative de vol d’un porte monnaie, à la tire, il avait 16 ans. « C’est cette condamnation sévère qui a eu son influence sur toute ma conduite, qui a gâté toute ma vie ! » dira Bachelard. Il fit de nombreux métiers, voyagea en Espagne.

Le 2 janvier 1896, la cour d’appel de Toulouse le condamnait à 3 mois de prison pour escroquerie et vol.

Le 29 septembre 1898 à Saint-Etienne, une escroquerie lui valut 8 mois de prison. Ces condamnations le mettaient sous le coup de la relégation lors de la prochaine infraction.

Sans que l’on sache exactement quand commença l’association de Bachelard et Crozet pour commettre des cambriolages, leur mode opératoire était bien réglé. Ils voyageaient sous prétexte de vendre des becs à incandescence pour le compte d’une maison d’éclairage, ce qui leur permettait de se présenter dans des magasins et de repérer les lieux et marchandises à voler. Dans leurs bagages ils avaient une valise contenant tout un assortiment de pinces, tenailles dont certaines furent commandés par Bachelard et Crozet à un serrurier de Grenoble qui reçut ensuite des menaces d’anarchistes de cette localité après qu’il se soit ouvert à la police de cette curieuse commande. Bachelard était lié avec un groupe d’anarchistes de Grenoble, dont deux tailleurs Alphonse Loyat et Blanc.

La valise avec les outils restait à la consigne de la gare durant leur séjour.
Au cours de ses déplacements Bachelard fit à Nîmes la connaissance de Jeanne Léger, 20 ans, ancienne employée de commerce à Paris. Celle-ci devint sa maîtresse et accompagna le duo dans dans le Sud de la France : Béziers, Aveyron, Valence, Lunel, etc...

Dans la nuit du 21 au 22 mars 1902, un vol fut commis à l’orphelinat Dom Bosco à Montpellier, le ou les cambrioleurs, après avoir brisé une grille et plusieurs carreaux, pénétraient dans plusieurs appartements, emportant plusieurs montres, de l’argent, un porte-feuille et un réveil appartenant aux abbés.

Le trio vint s’installer à Toulouse et y loua un appartement rue Denfert-Rochereau.

Dans la nuit du 28 au 29 mars 1902, des cambrioleurs pénétrèrent dans un magasin à Toulouse, appartenant à M. Macabiau, tentèrent en vain de percer le coffre-fort et repartirent avec des timbres et un jupon de laine.

Dans la nuit du 31 mars, un malfaiteur pénétra dans les Galeries Parisiennes à Toulouse pour y dérober 12.000 francs de bijoux.

Le trio, comme à son habitude quitta brusquement la ville. Bachelard et sa compagne prirent le train pour Bordeaux, Crozet disparut. A Bordeaux, Jeanne Léger porta quelques bijoux volés à Toulouse, au Mont-de-Piété et Bachelard étiqueta un grand nombre de bijoux.

Arrêtés à Bordeaux, la police trouva dans leur logement la presque totalité des bijoux volés à Toulouse, le jupon pris chez M. Macabiau, un outillage complet de cambrioleur et des caisses à compartiments faites à Bordeaux pour renfermer les bijoux et les présenter pour la vente.

La police découvrit également un porte-feuille et un réveil volés à l’orphelinat Dom Bosco de Montpellier.

Lors de leur transfert à Toulouse, Bachelard sauta du train qui roulait à 90 kms heure, traversa le canal à la nage mais fut rattrapé au moment où il allait gagner la forêt de Montach.

Durant son séjour à la prison, Bachelard écrivit une lettre à Jeanne Léger, pour lui déclarer son amour et la supplier de ne dénoncer personne : « Si un seul de nos camaros est arrêté par ta faute, tu seras tuée comme un chien ! ». Mais Jeanne Léger, sans doute pour minimiser son rôle, dénonça ses deux compagnons.
Le procès de Bachelard et de Jeanne Léger eut lieu devant la cour d’assises de Haute-Garonne du 6 au 8 août 1902.
Lors du procès, Bachelard, tout en récusant les accusations de sa compagne, déclara : « Je n’en veux pas à Jeanne Léger, bien au contraire, si je ne fais pas défaut à l’audience, c’est à cause d’elle, car je veux hâter le plus possible le moment où le jury lui rendra sa liberté. » Il eut tout au long du procès une attitude ferme, résolue et habile. Il refusa de dénoncer Crozet : « Je n’ai pas l’âme assez vile pour l’envoyer mourir dans la Guyane ».
Il n’hésita pas à manier le paradoxe, à propos de ses idées anarchistes : « On m’accuse d’être anarchiste, je ne le suis pas. Je rêve d’une société meilleure où il y aura plus de fraternité, d’égalité, de justice et de liberté.
- Le président (en riant). - Je suis dans ces sentiments-là
- Alors, monsieur le président, vous êtes anarchiste ! (rires dans la salle). »
Bachelard fit ensuite l’éloge du Libertaire, de l’Aurore et de Dreyfus.
Lorsque le juge lui demanda d’expliquer la présence d’outils dans une de ses malles, il expliqua que ceux-ci lui servaient dans son métier, lorsqu’il s’occupait de l’éclairage du gaz. Quant à la présence d’un bonnet de coton percé de 4 trous ( aux yeux, au nez et à la bouche) trouvé dans ses affaires, il donna comme explication qu’il l’avait trouvé à Valence dans une salle de bal au Mardi-Gras.
Jeanne Léger fit à l’audience une déclaration selon laquelle Sébastien Faure devait à Bachelard 1500 francs. Elle ajouta encore qu’un grand nombre d’obligations furent volées quelque part et que Sébastien Faure fut chargé de les écouler.
Bachelard lui rétorqua « qu’elle ne fait que broder un roman, croyant que ce sera là le moyen de conquérir sa liberté. »
Jeanne Léger fut acquittée et Bachelard condamné à 4 ans de prison. Il échappait à la relégation.
Le 17 février 1903, tous deux comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Montpellier pour le vol à l’orphelinat Dom Bosco. Bachelard fut condamné à 3 ans de prison, peine qui se confondit avec celle de Toulouse. Jeanne Léger fut acquittée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156636, notice BACHELARD Gaspard (dit Derlier) [Dictionnaire des anarchistes] par Dominique Petit, version mise en ligne le 2 mars 2014, dernière modification le 2 janvier 2021.

Par Dominique Petit

SOURCES : L’Express du midi 7, 8, 9 août 1902 et 20 février 1903, Rosalis, bibliothèque numérique de Toulouse . — Arch. Nat. Dossier Bachelard Gaspard 199404340011. — Etat civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable