PHILIPPE Albert (Auguste, Albert) [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy et Dominique Petit

Né le 20 février 1864 à Lorient (Morbihan), mort à Londres le 22 octobre 1917. Sculpteur sur bois, débitant en vins. Propagandiste anarchiste.

Auguste Philippe fut sous-officier dans l’artillerie de marine de 1883 à 1888. Il fut une des premières victimes des "lois scélérates" contre les anarchistes. Le parquet d’Angers, fin décembre 1893, fit procéder à une quarantaine de perquisitions et d’arrestations pour aboutir, fin mai 1894, à poursuivre pour "association de malfaiteurs" six anarchistes accolés au hasard des malchances.
Parmi ces six, Philippe fut condamné par les assises du Maine et Loire, le 30 mai 1894, à 5 ans d’emprisonnement avec sursis pour "association de malfaiteurs". La nouvelle loi lui fut appliquée bien que les faits soient antérieurs au vote de la loi (18 décembre 1893).

Cette condamnation était motivée par l’organisation d’une soirée familiale publique le 15 octobre 1893, où l’on dansa, chanta et prononça des discours violents. À Philippe, on reprochait d’avoir loué le local et de l’avoir décoré : aux murs, des dessins et des allégories, au plafond, une marmite transformée en lampe à pétrole. Lors d’une perquisition, la police trouva chez lui la photographie de Ravachol*, des chansons anarchistes collées sur carton, destinées à être suspendues le long des murs pendant les réunions. Le 15 février 1894, alors qu’il était emprisonné, le juge d’instruction faisait saisir à la poste une vingtaine de placards.

Il arriva à Reims le 3 janvier 1897, venant de Melun et auparavant de Paris. Il colportait les journaux anarchistes. Le samedi 9 janvier, il fit une conférence salle du Cruchon d’or sur les crimes d’Espagne et sur la question sociale.

Le 20 février, il partit pour Nouzon (Ardennes) en compagnie de Foudrinier*, pour y tenir des conférences le 20 et le 21. La gendarmerie procéda à la lacération de différentes affiches provenant de la rédaction du Libertaire et contenant, à l’adresse du gouvernement et du clergé, les plus violentes attaques.

Le 5 mars Philippe quitttait Reims en direction probable de Lille, le 16 mars il était à Roubaix. En mai il arriva de Reims à Roubaix en quête de travail puis partit un mois à Londres avant de revenir à Roubaix où il devint le gérant du journal La Cravache (Roubaix, 11 numéros du 14 novembre 1897 au 22 janvier 1898).
Dans son premier numéro La Cravache publia un article sur l’usine Wibaux-Florin et qualifait les employeurs de "voleurs", les patrons portèrent plainte pour diffamation.

Le 29 décembre 1897 il fut condamné par le tribunal correctionnel à un mois de prison et 50 francs d’amende. L’avocat général réclama une peine corporelle, cette condamnation faisant tomber le sursis de la condamnation antérieure.

Philippe s’enfuit en Grande-Bretagne et fut remplacé à la gérance du journal par Jean Bourguer* et A. Sauvage. En février 1898, le journal Le Cravacheur (Roubaix, 9 numéros du 4 février au 16 avril 1898) publiait une lettre datée de Londres le 12 février :

« Cher ami, J’apprends par les journaux que des poursuites sont lancées contre Charles [Dhooghe*] pour des articles que j’ai fait et signé Léon Volke. Il serait injuste que ce camarade soit inquiété pour des articles qu’il n’a pas fait ni signé et par contre, tout naturel que la responsabilité retombe sur moi.
Si j’ai pris le pseudonyme de Léon Volke (1), pour signer quelques articles de moi, c’est uniquement pour faire croire à un plus grand nombre de rédacteurs qu’il y avait en réalité à La Cravache et montrer ainsi que, moi disparu, il en restait d’autres pour continuer la lutte.
Je te prie donc de faire insérer sur le prochain Cravacheur cette note, afln que tous sachent que seul je suis responsable des articles incriminés et signés Léon Volke. »

Le 17 mai 1898, il était condamné, par défaut, par le tribunal correctionnel de Lille, pour provocation au meurtre par voie de presse à 6 mois de prison et 100 francs d’amende. Le jugement ne put être exécuté, Philippe étant réfugié à Londres. Il fut amnistié le 27 décembre 1900.

En 1903, il était en Savoie ; il quitta Aix-les-Bains le 25 août 1903. Sur l’état vert n° 4 (Arch. Dép. Cher 25 M 139) il est indiqué que sa trace est perdue à partir de cette date.

En octobre 1907, il tenait un débit de vin rue Gambetta à Reims sous le nom d’Albert. Il s’occupait toujours de propagande, avait pris une part active quelques mois auparavant dans le mouvement gréviste du bâtiment et préparait, sous les auspices de la CGT, une nouvelle agitation, les patrons du bâtiment n’ayant pas tenu leurs promesses.

Il aurait collaboré à la nouvelle série de La Cravache (Reims, 115 numéros du 15 décembre 1906 au 29 novembre 1913 ; voir Charles Dhooghe).

Auguste Albert Philippe est mort à Londres le 22 octobre 1917. Il avait eu une fille à Londres en 1899 ; d’un second mariage. Il eut une autre fille en 1910.

(1) ou plutôt Wolke [ou Wolcke], comme l’indique R. Bianco ; mais a-t-il écrit ces articles ou tente-t-il de disculper Dhooghe ?

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article156815, notice PHILIPPE Albert (Auguste, Albert) [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy et Dominique Petit, version mise en ligne le 23 février 2014, dernière modification le 14 septembre 2016.

Par Rolf Dupuy et Dominique Petit

SOURCES : 30 M 80 et 30 M 108 Arch. Dép. Marne - 25 M 139, état vert n°4 Arch. Dép. Cher— AD Nord série M — D. Serres, « La Cravache… », op. cit. — DBMOF — R. Bianco, « Un siècle de presse anarchiste… », op. cit. — Précisions apportées par sa petite-fille (décembre 2009 et juillet 2012) — La Cravache, 25 décembre 1897 — Les lois scélérates 1893-1894 par Francis de Pressenssé et Emile Pouget, Editions de la Revue blanche, 1899, page 32.
ICONOGRAPHIE : voir http://militants-anarchistes.info/spip.php?article4616

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