LE FRANC Robert, Charles Gabriel, [parfois écrit LEFRANC]

Par Gilles Pichavant

Né le 27 juin 1898 à Rouen (Seine-Inférieure), mort le 9 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne) ; ouvrier horloger, ajusteur ; syndicaliste CGTU, puis CGT ; militant communiste ; conseiller municipal, puis déchu ; déporté.

Fils de Vincent Lefranc, employé aux tramways, et Clémence Cavoret, employée aux Postes et Télégraphes, Robert Le Franc fut matelot pour l’armateur Blanmagesais, 43 rue Fontanelle à Rouen.

Le 17 avril 1917, il fut incorporé au 1er dépôt des équipages de la Flotte, arrivant au corps une semaine plus tard comme matelot de 3e classe. Le 16 avril 1917, il fut nommé apprenti marin sans spécialité. Le 16 avril 1920, après trois années de service, il fut renvoyé dans ses foyers et se retira à Saint-Nicolas d’Aliermont, près de Dieppe (76), où il devint ouvrier horloger. Il s’y maria le 20 septembre 1920 avec Denise Decaux, ouvrière horlogère dans l’usine de la Société Duverdrey et Bloquel (réveils Bayard, entre autres), et le couple eut un enfant, Gabriel, né en 1922. Du printemps 1926 et jusqu’en mars 1938, ils habitèrent la quartier du Bout-d’Amont dans la commune.

Robert Le Franc adhéra au parti communiste en 1922, et fut licencié des usines de Saint-Nicolas-d’Aliermont à la suite des grandes grèves de 1926. Tout en continuant d’y habiter, il trouva du travail comme ajusteur aux Chantiers de la Manche à Dieppe, où il se rendait tous les matins en prenant le train à la gare de Saint-Aubin-le-Cauf.
Syndiqué au syndicat unitaire des métaux de Dieppe, qui devint le syndicat CGT en janvier 1936, il devint secrétaire adjoint du syndicat, dont Robert Hertel était le secrétaire. Il participa en première ligne aux grèves de juin, qui démarra dans son entreprise le 9 juin. Il participa à la délégation qui négocia et signa l’accord collectif, et le travail reprit le 15 juin. Dans sa profession de foi électorale de 1937 il déclara « avoir subit la répression patronale pour avoir animé les grèves de juin 1936 et février 1937. »

En 1935, conduisit une liste intitulée pour la défense des libertés et intérêts ouvriers » aux élections municipale de Saint-Nicolas-d’Aliermont et fut élu conseiller municipal. En 1937, il fut candidat du parti communiste aux élections cantonales, dans le canton d’Envermeu (Seine-Inférieure). Il obtint 524 voix et 21,39% des exprimés, devant le candidat SFIO qui obtint 181 voix et 7,39%, le candidat réactionnaire étant élu dès le premier tour avec 70% des voix.

Licencié des chantier de construction navale Corue, et plkacé sur la liste noire dans la région dieppoise, il travailla pendant un dizaine de mois avant la guerre aux Ateliers et Chantiers de la Seine-Maritime, chantier naval installé au Trait (Seine-Inférieure Seine-Maritime. Il logea alors à Duclair, peut-être chez sa mère, alors veuve, domiciliée Route de Rouen, et rentrait chaque fin de semaine à son domicile de Dieppe. La police de Duclair ne constate aucune activité politique de sa part. À la mi-juin 1939, il emménagea avec sa famille au 84, rue d’Écosse, à Dieppe.

Le 4 mai 1940, il fut déchu de son mandant de conseiller municipal Saint-Nicolas-d’Aliermont par un arrêté du Conseil interdépartemental de préfecture, siégeant à Rouen, en même temps qu’Adrien Lemercier qui avait été élu sur la même liste que lui. Les deux autres élus de la même liste ne furent pas déchus, ayant déclaré ne jamais avoir été membres du parti communiste.

Il fut arrêté une première fois, vers la fin septembre 1940, avec Charles Delaby, secrétaire du syndicat des marins, Jules Mettay, secrétaire du syndicat des produits chimique, de Robert Arpajou, secrétaire du syndicat des cheminots, Joseph Hertel, secrétaire de l’Union locale des métaux, de Marcel Dufriche, secrétaire de l’union locale CGT, [Robert Ducroquet_>111078], secrétaire des dockers.

Il fut arrêté de nouveau le 17 juillet 1941, avec Jacques Delestre, et Gilbert Deloison, docker de Dieppe, Abélard Ducrocq, employé SNCF et secrétaire de l’Union locale CGT d’Eu-Le-Tréport. Au moment de son arrestation, il est domicilié au 84, rue d’Écosse à Dieppe (76). Ils furent envoyés au camp de Royallieu interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise - 60), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 - Polizeihaftlager). Affecté au bâtiment 8, chambre 10, il fait équipe avec René Maquenhen, René Doury, de Petit-Quevilly, et Gillot, de basse Charente, pour le partage de la nourriture et des colis.

Entre fin avril et fin juin 1942, Robert Lefranc fut sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation avait été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.

Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus furent conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train partit une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Ce convoi fut appelé le convoi dit « des 45000 ». Le voyage dura deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrirent principalement de la soif. Le 8 juillet 1942, Robert Lefranc fut enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I), peut-être sous le numéro 45765, selon les listes reconstituées. Sa photo n’a pas été retrouvée. Robert Le Franc y mourut le 9 octobre 1942. Son acte de décès indique comme profession “horloger”.

Déclaré « Mort pour la France », son nom figure sur le Monument aux Morts de Dieppe. La mention « Mort en déportation » est apposée sur son acte de décès (J.O. du 17-05-1994). Le 20 décembre 1945, le Conseil municipal de Saint-Nicolas-d’Aliermont donna son nom à la rue principale de la ville.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article157269, notice LE FRANC Robert, Charles Gabriel, [parfois écrit LEFRANC] par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 29 avril 2014, dernière modification le 3 avril 2021.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Arch. Dép. de Seine-Maritime, cote 1M314. — JO 113 du 17 mai 1994. — Arch. de l’Union locale CGT de Dieppe, 1935-1939, dans les archive de la CGT à Montreuil. — Presse locale dans le Fonds ancien de Dieppe. — Registre des naissances de Rouen, année 1898, cote 4E 13855, vue 151/197, acte n° 1136. — Site Mémoire vive des convois d’Auschwitz 45000 et 31000 http://www.memoire-vive.net/.

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