AUBIN Émile [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche

Né le 8 mars 1886 à Paris XIe arr., mort le 5 août 1949 à Drancy (Seine) ; électricien puis cheminot ; anarchiste et syndicaliste puis républicain-socialiste.

Fils d’une ouvrière, Marie Léontine Roy, le petit Émile fut légitimé en 1888 par le mariage de sa mère avec Antoine Jean Aubin. Ses parents déménagèrent ensuite à Caen.

Le 6 juillet 1901, à l’âge de 15 ans, Émile Aubin devint mousse à l’école navale de Brest. Le 8 mars 1902, il passa apprenti marin puis, le 14 mars, signa pour un engagement volontaire pour cinq ans dans la marine de guerre (matricule 799672). Le 8 mars 1904, il passa matelot de 3e classe.

En juin-juillet 1908, alors qu’il naviguait sur le cuirassé Vérité, Émile Aubin fut soupçonné d’avoir tenté de perturber le voyage du président Fallières dans la mer Baltique. On l’accusa notamment d’avoir, sous le pseudonyme Marat, composé plusieurs chansons révolutionnaires. Il bénéficia d’un non-lieu mais, le 5 septembre 1908, fut envoyé en compagnie de discipline, au 3e régiment d’infanterie coloniale. Il fut libéré le 1er octobre 1909, le certificat de bonne conduite lui ayant été refusé, et rentra à Caen.

Il s’installa ensuite comme ouvrier électricien à Paris, au 12 rue Valadon, puis au 3, rue Parmentier. Rapidement, il devint un syndicaliste très actif. Dès le 11 février 1910, il fut arrêté au cours d’une action de coupure d’électricité au théâtre de la Renaissance, durant une grève des machinistes et accessoiristes. Le syndicat des électriciens, dirigé par Émile Pataud, s’était rendu célèbre en plongeant Paris dans le noir à plusieurs reprises. Dans un rapport de septembre 1910, la police considérait Aubin comme « le digne élève de Pataud », organisant les manifestations du syndicat depuis le retrait de ce dernier.

Au mois de mai 1910, Aubin avait également cofondé le Groupe des libérés des bagnes militaires, qui compta une quarantaine d’adhérents et se réunissait chaque mardi au 206, rue Saint-Maur, à Paris 11e. Ses militants principaux en furent Émile Aubin (secrétaire), Arcole Vauloup (trésorier), Gandon (secrétaire de la section de Paris-Rive gauche), Lefranc (trésorier de Paris-Rive gauche) et Pêne (secrétaire de la section du Sud-Est).

Le 16 juin, par provocation, Aubin écrivit au ministère de la Guerre pour demander que le groupe bénéficie d’une subvention, comme les autres groupements d’anciens soldats.

Le Groupe des libérés des bagnes militaires fut particulièrement actif durant l’affaire Aernoult-Rousset (voir Émile Rousset) et fit campagne pour l’abolition de Biribi. En septembre, il placarda une affiche, « Galonnés assassins ». Puis une seconde en novembre, « Morts pour la patrie ».

Le 1er octobre 1910, à Lagny (Oise), à l’occasion de l’appel de la classe 1910, Aubin anima une réunion antimilitariste.

En février 1911, il fut réélu en février 1911 au secrétariat du Groupe des libérés des bagnes militaires.

Inculpé pour son discours de Lagny, Aubin fut condamné, le 4 mai 1911, la cour d’assises de Melun, à dix-huit mois de prison et à 100 francs d’amende pour appel à la désobéissance et injures à l’armée. La Cour de cassation cassa le jugement le 19 mai. L’affaire fut de nouveau jugée, le 17 octobre 1911, devant la cour d’assises de l’Yonne, qui le condamna cette à trois mois de prison et à 500 francs d’amende.

Deux semaines plus tard, le 4 novembre 1911, il passa devant la cour d’assises de la Seine pour « diffamation et injures à l’armée », pour l’affiche « Morts pour la patrie ». Il était assisté de Me Berthon et la défense fit citer une victime de Biribi, Pierre Quillard de la Ligue des droits de l’homme, le député socialiste Adrien Veber, l’ancien communard Constant, Eugène Péronnet et René de Marmande, du Comité de défense sociale. Aubin fut condamné à six mois et 500 francs d’amende, et bénéficia de la confusion des peines.

Il sortit de prison le 16 juillet 1912, en même temps que Gustave Hervé. Ils fêtèrent ensemble leur libération.

Le 1er septembre 1912, Aubin fonda Le Cri du soldat, dont le gérant fut Arcole Vauloup. Les numéros 2 et 3 parurent les 25 septembre et 25 novembre 1912.

En mars 1913, lors d’une réunion de l’École de propagande de la FCA, il fut nommé, avec Jacques Long*, pour remplacer Édouard Boudot comme « professeur d’énergie et d’éloquence », tandis que Havane*, de la Jeunesse anarchiste était chargé de la formation des orateurs. Les cours avaient lieu au Foyer populaire de Belleville, 5 rue Henri Chevreau, à Paris 20e.

Suite à une altercation avec des conscrits en train de défiler le 20 mai 1913 à Boulogne, il fut condamné le 2 juin à deux mois de prison pour « coups, blessures et violences » par la 9e chambre du Tribunal correctionnel. Il vivait alors au 51, rue des Sept-Arpents à Pantin.

Émile Aubin présida, le 18 août 1913, la troisième journée du congrès anarchiste national tenu à Paris. En juillet de la même année, il avait remplacé Silvaire* comme secrétaire de rédaction du Libertaire, et il devait le rester jusqu’à la guerre. Il passait aussi à l’époque pour un des responsables de l’imprimerie communiste L’Espérance.

En novembre 1913, il fut le gérant du numéro unique de Liberiamo Masetti, un journal édité par les militants italiens à Paris pour la campagne en faveur de Masetti, soldat italien qui avait tiré sur un officier pour protester contre la guerre de Tripolitaine.

Mobilisé le 12 août 1914 dans le 36e régiment d’infanterie, il fut blessé par une grenade le 3 septembre à Château-Thierry. Il fut de nouveau blessé, cette fois par balle, le 17 décembre à Mametz. Apprenant ces blessures lors d’une réunion des Amis du Libertaire, Pierre Martin fit le souhait que tous les anarchistes ayant rejoint l’Union sacrée connaissent le même sort qu’Aubin.

Le 21 avril 1915, Émile Aubin fut nommé caporal. Le 17 novembre, il passa au 329e RI. Le 28 mars 1917, il fut cité à l’ordre du régiment pour avoir, pendant six jours de combat, fait la liaison entre sa compagnie et le chef de bataillon « quelle qu’ait été la violence du feu d’artillerie et de mitrailleuses ». Cela devait lui valoir la croix de guerre. Le 18 janvier 1919 il passa au 118e RI, puis fut démobilisé le 22 février.

Le 21 octobre 1915, Aubin épousa Louise Point à Paris 18e ; il eut deux enfants avec elle et en divorça vers 1924.

En 1919, il fut élu conseiller municipal socialiste à Aubervilliers.

En 1920, devenu cheminot sur le réseau État-Rive droite, il fit la grève. Le 7 mai, il prit la parole dans un meeting de grévistes pour protester contre les révocations et estimer que les patrons seraient malgré tout obligés de reprendre le personnel révoqué. Le 1er juillet 1920, à Pantin, il prit la parole dans un meeting en faveur de l’amnistie des soldats mutinés pendant la guerre.

Après le congrès de Tours, Aubin passa au Parti communiste. À l’époque, il était secrétaire de la section de Drancy de l’Association républicaine des anciens combattants (Arac).

En décembre 1924, Aubin adhéra au Parti socialiste français qui, en mai 1926, fusionna dans le Parti républicain-socialiste. Cela ne l’empêcha pas de prendre la parole le 30 juin 1926 dans un meeting du Comité de défense sociale organisé salle du Cinéma, place de la mairie de Drancy, en faveur de Sacco et Vanzetti.

En 1926, il était secrétaire adjoint à la mairie de Drancy et habitait 3, avenue Jean-Jaurès. Le 25 avril 1926, il épousa Yvonne Denis à Drancy.

Le 16 mai 1931, il fut rayé du carnet B.

Au début des années 1930, il poussa la municipalité socialiste de Drancy à appuyer la création d’une coopérative pour les chômeurs, organisée par Louis Dorlet. Dorlet disait d’Aubin qu’il « régnait » à la mairie où, la guerre finie, il avait « trouvé sa planque, mais conservait un profond sentiment de solidarité dont profitait tout tenant de l’idée libertaire ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article157320, notice AUBIN Émile [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 7 mars 2014, dernière modification le 17 mai 2023.

Par Guillaume Davranche

Émile Aubin (1923)
Émile Aubin (1923)
Arch. PPo

SOURCES : Arch. Nat. F7/13053 et F7/13332. ― Registres matricules du Calvados. ― Arch PPo GA/A10. ― L’Humanité, 18 juin 1910. ― La Guerre sociale du 21 septembre 1910. ― La Bataille syndicaliste, 5 mai et 5 novembre 1911. ― René Bianco, Cent ans de presse anarchiste, op. cit. — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014.

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