Né en 1923 à Koléa ; militant des Amis du Manifeste de la liberté (1943-1945) ; adhèrent au PCA en 1946 ; entré à Alger Républicain à la fin de 1944, rédacteur en chef en 1947 ; membre du CC du PCA en 1952 puis du BP et du secrétariat clandestin en 1955-1956, chargé d’organiser les Combattants de la libération en Oranie ; arrêté en 1957, torturé, condamné à vingt ans de travaux forcés, évadé de la prison de Caen (France) en 1961, responsable de la Fédération de France du PCA jusqu’à l’indépendance ; prend place en Algérie à la direction d’Alger Républicain.
Dans l’ascendance paternelle de Boualem Khalfa, l’histoire du grand père est plus belle qu’un roman. La famille dont le nom renvoie à la nomenclature sultanienne, était installée à Palestro et pratiquait la transhumance. L’enfant fut perdu et confié aux Pères blancs qui l’élevèrent sur leur domaine de Maison-Carrée (El Harrach). Il fut scolarisé jusqu’au baccalauréat. Les documents d’identité en firent un Français (de statut civil, citoyen) sous le nom de Ali, Victor, Jean, Ismaël Khalfa. Envoyé à l’école militaire en France (Saint-Cyr), il sort sous-lieutenant. Au cours du voyage de fin d’étude en Algérie, il redécouvre sa famille à Palestro. Quittant l’armée, il devient secrétaire de la commune mixte. Au bénéfice de sa citoyenneté française, un des fils, le futur père de Boualem Khalfa, devient douanier, occupant plusieurs postes de fonction, et laissant les terres à la famille. Il s’est marié au pays, à Palestro, avec une jeune kabyle dont le père était aussi passé par l’armée coloniale, qui avait fait trois mois d’école, mais apprend à lire par les romans policiers.
Après l’école primaire Sarraouy près de la Casbah à Alger et l’école primaire supérieure à Maison-Carrée, le jeune Boualem Khalfa, qui fréquente les Scouts musulmans, termine l’École normale d’instituteurs à Miliana où elle a été déplacée après le débarquement allié de novembre 1942. Il exerce trois mois comme instituteur dans une école de douar près d’Orléansville (Chlef). Mobilisé quelques mois en 1943, il est hospitalisé à Sétif, réformé, et se retrouve à l’hôpital Maillot à Alger, faisant connaissance de Bachir Hadj Ali qui l’initie au marxisme-léninisme que l’on appelle au PCA et à la soviétique : « socialisme scientifique ».
À cette époque, avec les Scouts musulmans, Boualem Khalfa prend part la campagne des AML. Il participe dans le cortège du PPA, au défilé du 8 Mai 1945 à Alger, brutalement dispersé avant d’atteindre la Grande Poste. Il se rapproche des communistes dans le mouvement des comités demandant la libération et l’amnistie des condamnés et détenus de l’après Mai 1945. C’est à la suite de la révision par le PCA de la dénonciation des nationalistes prononcée en 1944-1945, et prenant acte des décisions de la Conférence d’avril 1946 qui revient à parler des aspirations nationales algériennes, qu’il pense entrer au parti communiste ; son adhésion sera formalisée en 1947.
À la fin de 1944, Boualem Khalfa a commencé à travailler à Alger Républicain dans les bureaux de la vieille imprimerie de la rue Koechlin à Bab-el-Oued, avant de suivre le transfert glorieux, en novembre 1946, dans les anciens locaux sous séquestre pour collaboration, de la Dépêche algérienne, dans ce bâtiment que son petit minaret fait appeler La Mosquée, en face de l’hôtel Albert 1er, près de la Grande Poste. Il ouvre sur la grande allée descendant du Gouvernement général où on achève la construction du monument de la Résistance du plateau des Glières (maquis du Vercors), bref le centre public et ostentatoire d’Alger ; de l’autre côté siègent les banques coloniales dont la Compagnie algérienne.
En 1947, la charge du journal dont le conseil d’administration était à majorité socialiste (cf. Paul Schmitt) est reprise par l’Union française d’information à direction communiste française, qui gère la presse communiste régionale. Le nouveau directeur Karl Escure vient de Paris, accompagné de trois rédacteurs dont un photographe. Boualem Khalfa succède à Michel Rouzé comme rédacteur en chef. Il est confirmé à ce poste dans la réorganisation décidée à l’automne 1950, qui remplace le directeur Karl Escure regagnant la France, par Henri Alleg, qui était auparavant rédacteur en chef de l’organe du PCA Liberté.
Dans les batailles manichéennes de presse qui accompagnent les conflits de guerre froide, le quotidien dénonce les méfaits scandaleux de la colonisation, l’arbitraire et la répression par les armes, et fait une large place aux grèves et aux revendications sociales. Alger Républicain se veut un journal progressiste au service des différentes tendances nationales algériennes. Il soutient la proposition d’un Front algérien démocratique pour la défense et le respect des libertés qui tient un temps de 1951 à 1952. L’administration coloniale frappe durement le journal, et Boualem Khalfa est plusieurs fois inculpé et condamné, ainsi en 1953 à deux ans et demi de prison.
En 1954, entrant au Bureau politique du PCA, Boualem Khalfa fait le chemin inverse d’Henri Alleg. Il quitte Alger Républicain pour devenir rédacteur en chef de l’hebdomadaire Liberté. Il est ainsi amené à présenter dans le numéro du 4 novembre 1954, la déclaration du Bureau politique du PCA qui s’exprime sur ces « différentes actions armées qui ont eu lieu dans plusieurs points du territoire algérien et en particulier dans les Aurès », le 1er Novembre. « Les responsabilités fondamentales dans ces évènements incombent entièrement aux colonialistes…il rappelle que la répression n’a jamais réglé et ne réglera pas les problèmes politiques, économiques et sociaux que pose devant le monde contemporain l’essor irrésistible des mouvements nationaux de libération… ». L’éditorial de Boualem Khalfa est intitulé « La seule solution ». Celle-ci n’est pas dans la répression mais dans la satisfaction des « aspirations légitimes du peuple algérien ». La déclaration du PCA ne fait pas mention des risques qui seraient dus à des actes individuels, ce que fera la déclaration du 8 novembre du PCF.
Appartenant à la direction communiste clandestine, Boualem Khalfa soutient les directives de constitution d’une organisation armée spéciale des Combattants de la libération. Il est envoyé en Oranie coordonner les réseaux à partir d’Oran et de Tlemcen. Colette Chouraqui, institutrice algéroise, qu’il épouse formellement en 1962, participe à Alger au tirage des tracts depuis les caches de secrétariat qu’assurent ordinairement les femmes et compagnes de dirigeants.
Arrêté, torturé à plusieurs reprises, subissant deux tentatives d’exécutions, Boualem Khalfa est condamné par le Tribunal militaire d’Oran et une seconde fois en novembre 1957, à vingt ans de travaux forcés. Il est transféré à la prison des Baumettes à Marseille, à celle de la Santé à Paris, puis à Caen et à Rennes. Revenu à la prison de Caen, le PCF organise son évasion en 1961 en compagnie de deux prisonniers du FLN. Il reçoit la direction de la Fédération de France du PCA.
Après l’indépendance, il rentre à Alger dans la deuxième quinzaine d’août 1962. Il est co-directeur avec Henri Alleg du nouvel Alger républicain, Abdelhamid Benzine est rédacteur en chef. En 1965, dans le projet de fusion avec Le Peuple pour aboutir au quotidien du FLN le Moudjahid, il devait devenir également co-directeur avec, pour le FLN, l’ancien ministre A. Benhamida. Le coup d’État du 19 juin fait d’Alger républicain une des premières victimes. Avant comme après, Boualem Khalfa lie son destin à celui du PAGS puis du Parti algérien pour la démocratie et le socialisme.
SOURCES : Joël Merrien, Alger Républicain et la politique de Front national de 1950 à 1954, mémoire de DES d’histoire, Université de Nanterre, 1967. — H. Alleg, La Guerre d’Algérie, op. cit., t. 2 et 3. — B. Khalfa, H. Alleg, A. Benzine, La grande aventure d’Alger Républicain. Février 1943-19 juin 1965, Messidor, Paris, 1987. — H. Alleg, Mémoire algérienne, Stock, Paris, 2005. — B. Stora, Dictionnaire biographique des nationalistes algériens, op. cit. — Notes de J.-L. Planche.